Le Sahara occidental rompt la trêve olympique : les raisons du choix d’Emmanuel Macron
Dans une lettre adressée à Mohammed VI, Emmanuel Macron a pris fait et cause pour le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental. L’Algérie accuse la France de rompre avec le droit international et a rappelé son ambassadeur.
Territoire de l’ouest de l’Afrique, le Sahara occidental est une ancienne colonie espagnole, inscrite depuis 1963 sur la liste des territoires à décoloniser de l’ONU. Mais le territoire est de facto occupé à 80% par le Maroc depuis 1975. Ce qui a mené à un conflit avec les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l’Algérie. En 1991, un cessez-le-feu a été instauré par le Conseil de sécurité de l’ONU pour permettre un référendum d’autodétermination, mais ce dernier n’a jamais eu lieu.
À la place, le Maroc propose un plan d’autonomie du Sahara occidental dans le cadre de sa souveraineté et de son “unité nationale”. Un plan proposé en 2007 déjà et coécrit par la France. Sa finalité : que le Maroc garde sa souveraineté sur le territoire, mais en transférant une partie des compétences administratives, législatives et judiciaires aux populations locales, mais en évitant soigneusement les indépendantistes du Front Polisario.
Le choix d’Emmanuel Macron
Emmanuel Macron, dans son courrier du 30 juillet, a estimé que le plan marocain était “la seule base” permettant de résoudre le conflit. Le président français a jugé que “le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine”.
Par sa décision, le président français se range du côté des États-Unis, d’abord, dont l’ancien président, Donald Trump, avait soutenu le Maroc. Mais le président Biden ne l’a pas déjugé. Macron se range également du côté de l’Espagne, dont le Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, a apporté son soutien à Rabat, tout comme l’Allemagne.
Pourquoi ce choix ? Les explications sont multiples. Mais elles sont surtout d’ordre stratégique : le Maroc, beaucoup plus que l’Algérie, coopère en matière de sécurité et de migration. Les relations économiques entre le Maroc et l’Europe s’intensifient, tout comme les échanges énergétiques, en visant l’hydrogène vert produit à partir de renouvelable marocain. La France, en particulier, a beaucoup plus d’intérêts économiques au Maroc et dépend peu du gaz algérien. Et nonobstant la crise palestinienne actuelle, le Maroc et Israël ont normalisé leurs relations, avec des accords de coopération militaire a la clé. Stratégiquement, le Maroc est plus “pro-occidental” que l’Algérie.
Dans le même temps, les relations entre Paris et Alger étaient détestables, et les efforts faits par Emmanuel Macron par le passé sont visiblement restés vains. “Les gestes mémoriels en direction d’Alger n’ont jamais payé”, explique sur RFI Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de la France en Algérie (2008-2012 et 2017-2020) et auteur de L’Énigme algérienne : chronique d’une ambassade à Alger. “D’un autre côté, les relations entre le Maroc et Paris étaient, elles aussi, glacières. Dans ce cadre, le statu quo devenait intenable. Et la France a décidé de s’aligner à la suite de la position de l’Espagne, des États-Unis et de l’Allemagne.” En d’autres termes, Emmanuel Macron a changé son fusil d’épaule, passant sous silence les épisodes Pegasus et du Marocgate, des affaires d’espionnage et d’écoute des services secrets marocains.
La gauche française fulmine
Au début des JO, le président Emmanuel Macron avait demandé une trêve olympique. Elle n’a été respectée ni sur le plan international, avec la double attaque d’Israël, ni sur le plan national. Et forcément, toute la gauche française a fustigé cette décision du président français, “une erreur historique prise par un homme seul, à la tête d’un État sans gouvernement ni majorité”, a critiqué la leader des écologistes, Marine Tondelier.
“Emmanuel Macron trahit la position historique et équilibrée de la France sur les droits du peuple sahraoui comme sur les résolutions de l’ONU”, a pour sa part écrit sur X Fabien Roussel, le secrétaire général du Parti communiste. Hadrien Clouet, de la France insoumise, a lui fustigé un geste “précipité, contre le droit international, sans débat.”
Du côté d’Alger, on a rappelé l’ambassadeur en France et le chef de l’État a annulé sa visite officielle en octobre prochain à Paris. “Et il est probable que l’Algérie annule une série de contrats en guise de sanction“, ajoute Xavier Driencourt.
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