Le Parti de l’Amérique d’Elon Musk peut-il faire de l’ombre à Donald Trump ?

Elon Musk, nommé à la tête d'un ministère de l'efficacité gouvernementale.
Baptiste Lambert

Elon Musk a décidé d’en finir avec son flirt politique avec Donald Trump. Frustré par la gestion budgétaire du président, inquiet d’un déficit qui explose et visiblement lassé de jouer les exécutants, le patron de Tesla et de SpaceX a lancé en grande pompe son « Parti de l’Amérique ». Un pied de nez à son ancien allié et un pari aussi téméraire qu’improbable dans le bipartisme américain.

Tout s’est accéléré après l’adoption de la “One Big and Beautiful Bill” portée par Trump, jugée par Musk « grotesquement dispendieuse ». Outré, le milliardaire a dénoncé « le parti unique des porcs qui se gavent », fustigeant une classe politique obsédée par la dépense publique, qu’elle soit républicaine ou démocrate. Pour marquer la rupture, il a aussitôt annoncé la création de son propre mouvement, censé incarner une Amérique frugale et libérée des clivages stériles.

Le “Parti de l’Amérique” est né.

Sur X (ex-Twitter), Musk a martelé son message : « Par un ratio de deux contre un, vous voulez un nouveau parti. Vous l’aurez. » Il a promis un parti pour « les 80 % du milieu », ces Américains excédés par la classe politique américaine. Ses millions d’abonnés ont plébiscité l’initiative lors d’un sondage en ligne. Sur le papier, l’opération de communication semble bien huilée.

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L’Amérique, terrain hostile aux tiers partis

Sauf que l’histoire politique américaine est implacable pour ceux qui rêvent de briser le duopole. Depuis plus de deux siècles, le système électoral, fondé sur le scrutin uninominal et le sacro-saint « winner takes all », verrouille l’alternance autour des deux grands partis. Les rares initiatives extérieures finissent laminées ou instrumentalisées.

Le milliardaire texan Ross Perot, dont le profil se rapproche le plus d’Elon Musk, l’a appris à ses dépens dans les années 1990 : après avoir séduit près d’un électeur sur cinq, il n’a remporté aucun État, et son Reform Party a vite été marginalisé.

Robert Kennedy Jr. s’est récemment heurté au même mur, retombant de 15 % à 5 % des intentions de vote avant de rallier Trump. Même scénario probable pour le Parti de l’Amérique : au mieux, Musk prendra quelques voix à son ex-ami, sans jamais renverser la table, selon de nombreux spécialistes interrogés par la presse américaine.

Musk, leader improbable d’un parti sans chef

Ironie du sort, le fondateur du parti ne pourra jamais briguer la présidence des États-Unis : né en Afrique du Sud, il en est inéligible. Lui-même l’admet volontiers : « Je ne veux pas être président, je préfère construire des fusées et des voitures. » Un chef de parti qui écarte toute ambition présidentielle, voilà qui relativise la portée de l’initiative.

Son profil fantasque n’arrange rien. Sa gestion autoritaire du fameux département DOGE, censé réduire la bureaucratie fédérale, a laissé un goût amer à Washington. Ses sorties provocatrices — jusqu’à mimer le salut nazi — ont effrayé de gros donateurs. Tesla a vu son cours plonger de 17 % cette année, pénalisée par l’image d’un patron jugé imprévisible.

Un pouvoir de nuisance

Pour Trump, la création du Parti de l’Amérique est une lubie « ridicule » qui ne fera qu’embrouiller les électeurs. Il n’a sans doute pas tort. Dans la pratique, un troisième parti ne fait généralement qu’éparpiller le vote, au risque de favoriser indirectement l’un des deux camps dominants. Pour Musk, l’opération pourrait se révéler plus symbolique qu’efficace : il tape sur l’establishment, flatte l’opinion publique, mais reste englué dans un système qui tolère mal les intrus.

Sa fortune et son réseau social X lui donnent toutefois une puissance de feu hors norme pour soutenir des candidats hostiles aux déficits. Le milliardaire pourrait viser quelques sièges clés au Congrès, durant les Midterms, pour mettre des bâtons dans les roues des républicains. Dans un message publié le 4 juillet dernier, Musk a semblé y faire référence en annonçant une « concentration maximale sur seulement deux ou trois sièges au Sénat et huit à dix circonscriptions à la Chambre des représentants ».

Querelle d’égos

Toujours est-il que le duel entre Musk et Trump tient plus de la querelle d’egos que d’un choc de visions structurées. L’un incarne le milliardaire hyperconnecté, fasciné par Mars et allergique aux impôts ; l’autre, le tribun populiste, maître du chaos électoral. Que le premier tente d’éroder la base du second reste plausible, mais pas au point de bouleverser l’équilibre du bipartisme pour la présidentielle.

Aux États-Unis, briser l’alternance reste un exploit, même pour les mégalomanes les plus fortunés. Musk pourra toujours se vanter d’avoir bousculé Trump. Mais de là à faire vraiment de l’ombre à son ancien partenaire, il y a un gouffre que même ses fusées ne franchiront probablement pas.

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