Le pari téméraire d’Emmanuel Macron

Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

La France se réveille ce lundi avec un solide mal de crâne, à la suite du double choc électoral de la veille.

D’une part, avec 32% de voix, le Rassemblement National est sorti largement gagnant du scrutin européen. D’autre part, dans un pari audacieux voire téméraire, le Président Emmanuel Macron, actant la défaite de son camp, a dissous l’assemblée et annoncé des élections législatives pour le 30 juin (premier tour) et le 7 juillet (second tour). Officiellement il s’agit de rebattre les cartes après le vote sanction intervenu dimanche et de redonner au peuple souverain l’opportunité de décider en ces temps troublés.

Officieusement, le pari politique consiste, en convoquant très rapidement les électeurs, à empêcher la gauche française éclatée façon puzzle – entre les héritiers du PS revigorés (le parti emmené par Raphael Glucksmann, avec plus de 14% des voix, est au coude à coude avec les macronistes de Renaissance), La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon qui n’a pu récolter que 10% des voix, les Ecologistes dépassant à peine les 5%, les Communistes avec 2%-, de négocier une nouvelle alliance pour les élections à venir. Et comme la gauche est éclatée, que la droite traditionnelle (les républicains) n’existe plus, le parti qui arriverait au second tour pour combattre l’inévitable RN serait celui d’Emmanuel Macron. Et ce dernier finirait par gagner, profitant du report des voix de gauche voulant faire barrage à l’extrême droite.

Un scénario très risqué

Un scénario très risqué, car désormais le socle de la droite extrême a bondi de plus de 10% en quelques années et pèse 40% de l’électorat français. Très risqué aussi car il est basé sur une carte sociologique obsolète. Brice Teinturier, le directeur général délégué de l’institut de sondage Ipsos, fin décrypteur de la société française, a expliqué les ressorts du moteur qui a poussé le RN au sommet et qui fait que l’extrême droite française trouve des partisans non seulement dans la France rurale, sa base traditionnelle, mais aussi dans les « professions intermédiaires » et chez les cadres. C’est un vote contre les élites et la désaffection de l’État pour la France profonde, celle qui vit en dehors des grandes métropoles. Cette configuration ne changera pas en un mois. Et la France risque donc de se retrouver, au début des vacances d’été, avec un gouvernement populiste de droite, anti-européen, anti libre échange et très peu enclin à aider l’Ukraine.

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