Le Maroc rêve d’une Silicon Valley africaine
Le Maroc place beaucoup d’espoir dans Ben Guerir. Située à une bonne heure de Marrakech, cette ville connue jusqu’ici pour ses mines de phosphates ambitionne de devenir le cœur d’une Silicon Valley africaine.
« La Ville verte Mohammed VI » est une apparition qui a tout d’un mirage dans ces terres reculées du Maroc. L’endroit n’était que peu peuplé et avait, jusqu’il y a peu, l’exploitation des mines de phosphates pour seule activité. C’est en effet là que l’on retrouve entre 60 et 70 % des réserves mondiales de ce minerai indispensable aux engrais pour l’agriculture. Soit un décor fait de poussière ocre qui rappelle plus les westerns que les terres riantes de la Californie. Pourtant c’est bien ici que sera lancé ce pharaonique projet d’urbanisme. Et ce sous l’impulsion de Mostafa Terrab, PDG de l’Office chérifien des phosphates (OCP), la plus grande entreprise du royaume.
Sur un terrain de plus de 1000 hectares, l’OCP va créer l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P), soit une espèce de Stanford africain. En 2022, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 10,6 milliards d’euros. De quoi avoir les moyens de ses ambitions.
L’UM6P se rapproche des modèles d’universités américaines propriétaires d’un large patrimoine foncier, précise le quotidien Le Temps. «Une bonne partie de leur financement provient de la valorisation de ce patrimoine: cela crée de la richesse, les gens et les entreprises viennent s’installer autour et génèrent des revenus qui seront ensuite réinjectés dans l’université.» Si au départ, il s’agissait d’une “corporate university”, soit concentré sur les activités de l’entreprise, le projet se fera plus global à la demande du roi Mohammed VI. Et avec dès le départ une vision, ou plutôt une vocation africaine. L’UM6P, sortie de terre en 2017, se concentre en effet sur les problèmes du continent que sont la gestion des ressources ou encore la souveraineté alimentaire.
Fabrique de la future élite africaine
Aujourd’hui, l’université compte pas loin de 5.000 étudiants de 30 nationalités et 512 doctorants. En tant que fabrique de la future élite africaine, elle vise l’excellence académique. Mais elle n’est pas pour autant limitée aux couches supérieures de la population. Une partie des formations est ainsi gratuite (par exemple les cours de codage). 80 % de ses étudiants sont boursiers (60% totalement et 20 semi-boursier). Les 20 % restants payent entre 8.000 à 12.000 euros de frais d’étude annuels. Elle n’est pas non plus réservée qu’à un seul sexe puisque 60 % des étudiants sont des filles. Plus surprenant, les formations classiques côtoient les formations « non conventionnelles. Pour certains, il s’agit même d’un enseignement par projet sans prérequis de diplômes.
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Laboratoire vivant et incubateur
Ainsi dans et autour de son campus ultra moderne de 33 hectares, elle réunit une multitude de laboratoires de recherches, mais aussi l’African Supercomputing Center, un important data center. Inauguré en 2021, il cache en son sein le Toubkal, le supercalculateur le plus puissant d’Afrique. Il y a également un parc photovoltaïque (30 % de l’énergie employée est verte) où sont aussi testés des panneaux solaires d’un genre nouveau. Le campus dispose aussi de laboratoires vivants. Il y a une ferme expérimentale (Green Energy Park) et d’un lotissement de 30 maisons (Green and Smart Building Park), où de nouveaux solutions et matériaux sont expérimentés au quotidien. Mais la dernière perle du campus est le « village des solutions ». Soit un espace consacré à l’innovation et à la créativité pour lancer projets et solutions capables de répondre à certains des problèmes les plus urgents de l’Afrique. 600 porteurs de projet auraient ainsi déjà été accompagnés par l’université avec pour résultat la création d’une vingtaine de start-up, selon Les Echos.
Excellence in Africa
L’université a noué de nombreux partenariats avec de prestigieuses institutions à travers le monde ( Columbia, HEC Berkeley, MIT,…) et vient d’ouvrir une antenne à Paris. Elle a également lancé Excellence in Africa. Un projet qui vise à former et garder les leaders académiques africains de demain, notamment en développant l’éducation digitale et la recherche scientifique. En misant sur la création d’une pépinière de talents, le Maroc souhaite aussi créer tout un écosystème d’innovation à même d’attirer les industries. L’ambition est de faire de Ben Guerir la « Silicon Valley » africaine. Et s’il a fallu presque trois décennies pour créer sur ce même principe la version californienne, le Maroc fait tout pour que les choses aillent plus vite ici. En créant l’offre, elle espère que la demande suivra. Dans l’optique de créer l’émulation et réduire les délais, l’UM6P a ainsi monté Plug and Play Africa en partenariat avec Plug and Play. Soit le fonds d’investissement qui a « incubé » Google à ses débuts.
L’UM6P est aujourd’hui encore détenue à 100% par l’OCP qui l’a déjà doté de 3,5 milliards d’euros au total. La nouvelle ville de Ben Guerir ambitionne d’accueillir 100 000 habitants d’ici à 2045 et d’intégrer l’ancienne et la nouvelle ville dans un même tissu urbain. Ce qui sera peut-être la partie la plus difficile.
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