Le front républicain se dessine en France, mais sera-t-il suffisant ?

Jordan Bardella - Alexis Sciard/Belga Image
Baptiste Lambert

220 candidats arrivés en 3e position ont annoncé se désister pour le second tour. De quoi mettre des bâtons dans les roues du RN, dont la majorité absolue à l’Assemblée nationale s’éloigne. La question est de savoir si ces consignes de vote seront suivies par les électeurs.

Sur les 306 circonscriptions en situation de triangulaire, 220 candidats arrivés en 3e position se sont retirés. 130 du côté de la gauche et 81 du camp Macron. Le président, mais aussi son Premier ministre, Gabriel Attal, se sont clairement positionnés pour faire barrage au Rassemblement national, dans un second tour de tous les dangers. Ils ont été rejoints par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, jusque-là hésitant à donner des consignes de vote. Ce dernier a clarifié les choses sur les réseaux sociaux, hier soir : “Arrêtons de tourner autour du pot : le RN est un danger pour la République. Sa remise en cause de la loyauté des binationaux est révoltante. Revenir sur le droit du sol pour le droit du sang est une insulte à notre esprit universel : faites donc le compte de tous ceux dont nous aurions ainsi perdu la contribution à la grandeur de la France. Pas une voix ne doit aller au Rassemblement national.”

Ce ralliement du groupe présidentiel autour du Nouveau Front Populaire remet sérieusement en doute la possibilité pour le RN de se constituer une majorité absolue de 289 députés. Et le flou entretenu par Edouard Philippe, l’ancien Premier ministre, avec une consigne du “ni RN, ni LFI”, semble insuffisant, tout comme l’absence de front républicain chez LR, dont François-Xavier Bellamy, président de LR par intérim, a même laissé entendre sa préférence : “Le danger qui guette notre pays aujourd’hui, c’est l’extrême gauche.”

Des consignes de vote respectées ?

Le camp présidentiel, lui, fait le calcul suivant : appeler à voter pour un candidat NFP ne lui apportera de toute façon pas de majorité absolue, tandis qu’appeler à voter contre le RN lui enlèvera sa majorité absolue. Dans pareil cas, l’Assemblée nationale se dirigerait vers une absence de majorité absolue, un moindre mal, se dit-on du côté du président de la République.

Mais cette logique arithmétique n’est pas une logique politique pour autant. Elle a des allures de compromission pour l’électeur : “On ferait passer les calculs avant les principes”, a commenté Christophe Barbier, éditorialiste, dans l’émission C dans l’air. La question cruciale sera donc de savoir si ces consignes seront respectées. L’électeur d’Ensemble (groupe présidentiel) préfèrera-t-il voter pour un candidat LFI, qui a tapé durement sur la majorité pendant des années, qu’un candidat RN ? Sera-t-il capable de voter pour le parti de Jean-Luc Mélanchon au risque de voir ce dernier devenir Premier ministre ? Sera-t-il plus effrayé par le programme économique de la NFP que par celui du RN ? À titre d’exemple, en avril dernier, la députée EELV Sandrine Rousseau appelait à mobiliser l’épargne des Français “pour reprendre la main sur la dette” Jusqu’à les contraindre ? “Absolument”. Cette séquence remonte aujourd’hui en masse sur les réseaux sociaux.

Vers une coalition ?

Pour l’heure, la plus grande probabilité est de ne pas trouver de majorité absolue du tout. Un premier sondage Ifop, dévoilé par LCI, estime que seuls 37% des électeurs se disent favorables à ce que le RN obtienne une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Parmi les électeurs LR du premier tour, seuls 34% sont favorables à cette option, et à peine 7% des électeurs Ensemble et 6% de la NFP. Dans l’autre sens, 47% des électeurs français rejettent une majorité absolue ou relative pour le RN.

En cas d’absence de majorité absolue, un scénario qui se dessine serait celui d’une coalition multiple, qui regroupe divers camps, comme cela se fait souvent en Belgique, par exemple. “Une assemblée plurielle”, comme l’a déjà nommé Gabriel Attal. Un attelage qui regrouperait Ensemble, les socialistes, les écologistes, les républicains, voire certains élus LFI, avec, par exemple, un Premier ministre issu de la gauche, en cohabitation, pour donner un signal à l’électeur. Un genre de coalition qui n’est toutefois pas du tout dans la culture politique française de la 5e république.

De son côté, le RN espère quand même atteindre 260 députés. Une majorité relative donc. Mais le parti est déjà en train de réaliser des tractations pour rassembler autour de lui des élus issus d’autres partis, comme chez LR par exemple. Bref, ce second tour est plus incertain que jamais.

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