Le coup de force de von der Leyen : la présidente de la Commission profite de la faiblesse de la France pour signer le Mercosur

Ursula von der Leyen - Belga Image © belga
Baptiste Lambert

La présidente de la Commission européenne est à Montevideo, en Uruguay, où elle vient de signer le traité du Mercosur, cet accord de libre-échange pour un marché potentiel de 700 millions de personnes. La faiblesse de Paris a joué un rôle, mais la France n’a pas dit son dernier mot.

“La ligne d’arrivée de l’accord UE-Mercosur est en vue. Travaillons ensemble, franchissons-la.” C’est par ce tweet enthousiaste que la présidente de la Commission annonçait son arrivée en Amérique latine, ce jeudi.

C’est désormais chose faite. Ursula von der Leyen vient de confirmer l’accord ce vendredi : “Nous avons conclu les négociations. C’est le début d’une nouvelle histoire.”

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La présidente de la Commission a su saisir l’occasion : la chute du gouvernement Barnier. En effet, la France avait averti von der Leyen que la signature du Mercosur aurait sans doute fait tomber le gouvernement. Depuis la chute de l’exécutif français, le 4 décembre, la Commission a donc eu les coudées plus franches.

Preuve en est : ce voyage n’était pas à son agenda. Ce qui fait dire à des diplomates français que von der Leyen profite de la faiblesse politique actuelle de Paris pour passer en force. “Le Mercosur pourrait devenir l’emblème de la perte d’influence française“, regrette l’un d’eux dans Le Monde.

Une signature technique

À l’Élysée, on avait pourtant mis en garde Ursula von der Leyen : si signature il y a, ce serait “un vrai sujet de confiance avec la Commission”. Mais ce que tout le monde feint d’ignorer, c’est qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une signature politique, mais d’une signature technique. Ce qu’Ursula von der Leyen vient d’entériner, c’est l’accord entre les négociateurs.

C’est une étape, certes, mais ce n’est pas définitif. “Je me réjouis maintenant d’en discuter avec les pays européens“, a d’ailleurs indiqué von der Leyen.

Politiquement, la France a encore toutes ses chances pour réunir une minorité de blocage au Conseil européen. Selon les traités, la Commission européenne est seule négociatrice des accords commerciaux, mais des États membres peuvent empêcher la ratification du texte, s’ils constituent 35% de la population européenne.

Hier, l’Élysée a affirmé qu’Emmanuel Macron avait appelé Ursula von der Leyen pour lui rappeler son opposition au Mercosur, “en l’état”. Une rhétorique également utilisée par Donald Tusk, à la tête de la Pologne, mais aussi par l’Italie. En outre, les Pays-Bas et l’Autriche ont aussi de sérieux doutes. On voit donc que la France et ses alliés n’auront pas trop de problèmes à s’opposer à l’Allemagne et à l’Espagne, les deux principaux défenseurs de l’accord de libre-échange.

La Belgique s’abstiendra

Et la Belgique dans tout ça ? Elle est divisée. Au sud du pays, on est plutôt en défaveur du Mercosur, si ce dernier ne prévoit pas de clauses miroirs. C’est en tout cas le message que la coalition Azur (MR et Engagés) veut faire passer aux agriculteurs. En pratique, on sait que les clauses miroirs sont extrêmement compliquées à mettre en place et surtout à contrôler.

Au nord du pays, on est plutôt en faveur. La Flandre est une économie exportatrice, bien plus que ne l’est la Wallonie. C’est une aubaine pour ses produits pharmaceutiques et chimiques. Qui plus est avec le port d’Anvers.

En Belgique, faute d’accord entre les entités fédérées, on s’abstient. Une situation que l’on connait lors de chaque négociation sur le climat, par exemple. “On ne pourra donc pas rejoindre les Français qui cherchent une minorité de blocage“, a confirmé en début de semaine sur LN24 David Clarinval (MR), le ministre fédéral de l’Agriculture.

Et les parlements ?

Du côté des écologistes, la députée européenne Saskia Bricmont (Ecolo) dénonce “un passage en force, qui, une fois de plus, profitera à une minorité d’acteurs issus de l’agro-business, des industries automobile et chimique”.

À ce stade, il n’est pas encore clair si ce traité de libre-échange doit être ratifié par les parlements, dans la mesure où il s’agit d’un traité mixte. “Mais la commission européenne tente une manœuvre de scission du traité afin de court-circuiter la ratification par les parlements nationaux sur son volet commercial”, explique l’écologiste.

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