Le Conseil de guerre de Macron: des troupes au sol en Ukraine ne sont plus exclues

Et que penser de la décision d’Emmanuel Macron, dont l’aboutissement sera, au mieux, une France ingouvernable dans un contexte de délitement démocratique ?
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Sous l’impulsion du président français, l’Europe prend la mesure du virage probable en Ukraine, avec un Poutine renforcé et un Trump désintéressé. Il est temps de penser à nous défendre. De là à briser un dangereux tabou?

En une semaine, l’Europe a soudain pris conscience du changement de paradigme en cours dans le conflit ukrainien, deux ans après le début de la guerre. La Russie de Vladimir Poutine met une pression forte sur une Ukraine en manque de moyen. Aux Etats-Unis, la campagne électorale bloque un nouveau soutien militaire pourtant indispensable, et la perspective d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche se vérifie jour après jour. L’Europe pourrait se retrouver livrée à elle-même.

Aussi, le président français Emmannuel Macron avait-il convié lundi soir les chefs d’Etat et de gouvernement européens à Paris, en présence d’un sous-secrétaire d’Etat américain – tout un symbole…. Ce “Conseil de guerre” entend démontrer que l’Europe a compris combien l’année 2024 sera critique. Dans certains pays européens, singulièrement dans les pays baltes et scandinaves, on n’exclut plus un élargissement du conflit, dans les trois à cinq ans.

“Une détermination très forte”

Didier François, ancien reporter de guerre et spécialiste de la défense, voit dans la réunion de Paris “une détermination très forte des 21 chefs d’Etats et de gouvernements européens et des 27 pays participants à la Conférence de soutien à l’Ukraine à l’Elysée pour ne pas laisser la Russie gagner sa guerre d’agression qui serait une atteinte grave à la sécurité de toute l’Europe“.

Tel est le message relayé par le président français: “la Russie ne peut pas et ne doit pas gagner cette guerre”. Reste à concrétiser cette bonne inention. Car jusqu’ici, seul un tiers des munitions promises ont été achevées jusqu’à Kiev, tandis que la risposte des Européens arrive toujours avec un temps de retard. Il s’agit, désormais, de pallier dans l’urgence à ce manque en fournissant des moyens de frappes à distance, notamment. Alors que les F16 devraient enfin arriver en juin, si tout va bien.

Des troupes au sol, un jour?

Lors de la conférence de presse consécutive à ce “Conseil de guerre”, Emmanuel Macron n’a même pas exclu l’envoie de troupes au sol. Un tabou absolu, jusqu’ici. “Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer officiellement des troupes au sol, a-t-il dit. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu.” Certaines sources précisent qu’il est question là d’un appui, pas de troupes de combat au sol. Selon d’autres sources, le sujet n’aurait toutefois pas été au menu des discussions.

Le président nous a encore fait une Macronade (annonce disruptive sans trop réfléchir ni consulter), analyse Yves Bourdillon, journaliste spécialiste des questions internationales aux Echos. Au passage, il divise les alliés, la société française et donne du grain à moudre aux relais d’influence du Kremlin ici et aux adversaires du soutien “normal” (munitions, renseignements) de l’Ukraine sur le thème ‘va-t-en guerre, escalade, folie, WWIII, etc’.”

Et Yves Bourdillon d’ajouter: “L’envoi de telles troupes constituerait une escalade majeure de puissance nucléaire face à puissance nucléaire, violant le tabou majeur de la guerre froide ayant évité une troisième guerre mondiale. JAMAIS un soldat de l’OTAN ne doit avoir officiellement un soldat russe en ligne de mire de son fusil, et réciproquement.”

“Confusion occidentale”

L’expression présidentielle soulève d’ores et déjà un vif débat en France et embarrasse l’Allemagne. “L’envoi de troupes en Ukraine ferait de nous des belligérants, clame Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise). La guerre contre la Russie serait une folie. Cette escalade verbale belliqueuse d’une puissance nucléaire contre une autre puissance nucléaire majeure est déjà un acte irresponsable. Le Parlement doit être saisi et dire non.”

Au-delà de la musculation verbale, 2024 sera surtout un test pour la solidarité transatlantique. Et pour la capacité européenne à mettre en place une économie de guerre.

“La priorité aujourd’hui pour la Défense belge reste de soutenir l’Ukraine avec toute l’aide matérielle nécessaire“, a affirmé le cabinet de la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, en réaction aux déclarations du président français Emmanuel Macron.

La confusion dans les rangs occidentaux n’est pas la même chose que le maniement de l’ambiguïté stratégique“, constate, confus par cette séquence, François Heisbourg, le spécialiste de l’IISS, reconnu en matière de stratégie.

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