Le bras de fer se durcit entre les entreprises européennes et la Commission sur l’IRA américain
Les tensions économiques sont montées d’un cran entre l’Union européenne et les Etats-Unis depuis l’annonce de l’IRA américain. Et les entreprises en profitent pour mettre la pression sur l’UE.
“A little friendly competition is all” (“Une petite compétition amicale, c’est tout”). Voici comment Jennifer Granholm, la secrétaire américaine à l’énergie, a résumé l’Inflation Reduction Act – ou IRA – américain. Un juteux paquet de 430 milliards de dollars d’investissements, dont 370 milliards visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Ce paquet comprend des mesures telles que la création d’un crédit d’impôt de 7 500 dollars aux ménages pour l’achat d’un véhicule électrique américain; d’une subvention pour les fabricants d’éoliennes et panneaux solaires utilisant de l’acier américain; ou encore une baisse d’impôt pour aider les entreprises dans leur transition énergétique.
De quoi faire saliver les investisseurs étrangers, et notamment européens. D’où le bras de fer qui est engagé depuis cette annonce entre les entreprises et les institutions européennes, sous le regard insatiable des Américains.
Troquer le bâton pour la carotte
Ce mercredi, à la CERAWeek conférence sur l’énergie, Jennifer Granholm a donc souhaité la jouer diplomatique tout en restant ferme sur les ambitions économiques des Etats-Unis.
“Nous ne voulons pas attiser les guerres commerciales ou quoi que ce soit de ce genre”, a-t-elle déclaré, “mais nous sommes sérieux lorsqu’il s’agit de ramener les chaînes d’approvisionnement dans ce pays.” Et d’ajouter, non sans une once de défi: “Allez-y, vous devriez faire la même chose.”
Sur ces mesures qualifiées de “dix années de carottes” pour pousser les entreprises à investir, les leaders économiques européens n’ont pas tardé à réagir, à commencer par Josu Jon Imaz, directeur général du fournisseur d’énergie espagnol Repsol SA. “Ce serait formidable de voir la politique de l’Union européenne passer du bâton à la carotte.” “Nous n’avons pas besoin d’interdire des technologies, nous n’avons pas besoin de restrictions, nous avons besoin d’être attractifs”, a-t-il déclaré.
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Ce dernier a également confié à Reuters vouloir investir aux Etats-Unis à hauteur de 40% du budget de ses projets, dont 1 milliard de dollars à destination des énergies renouvelables. Les dépenses à destination de l’Espagne ne représentant quant à elles que 25% de ce budget. Le PDG vante la “simplicité” de l’IRA américain, permettant “une large possibilité d’investir dans de nombreux domaines aux Etats-Unis.”
Durant cette CERAWeek, qui s’est clôturée ce vendredi, chez TotalEnergies, on l’a joué un peu moins frontale mais tout aussi explicite. Patrick Pouyannéa, le PDG du géant français, a ainsi déclaré que l’IRA “est une invitation à accélérer l’infrastructure verte.” “Fondamentalement, il s’agit d’une opportunité lorsque l’on met en place des mesures incitatives.” Ce dernier a ajouté que l’Europe et les États-Unis devaient envisager de conclure un accord de libre-échange sur les infrastructures d’énergie renouvelable. Ce qui serait justement en cours de discussion selon les dernières informations du Financial Times.
En résumé, les entreprises européennes critiquent la lenteur des institutions européennes et leur volonté de toujours sanctionner et contraindre plutôt que d’inciter financièrement les entreprises à évoluer. C’est évidemment toujours plus facile de discuter quand beaucoup d’argent est mis sur la table.
Des clauses “Achetez européen” envisagées par la Commission
Selon le média européen EURACTIV, la Commission européenne s’apprêterait à annoncer dans un projet de proposition – le “Net-Zero Industry Act” – des clauses visant à contrer l’IRA américain. Le “Net-Zero Industry Act” (Loi sur l’industrie à zéro émission), qui doit être présenté le 14 mars prochain, est le premier volet du plan industriel pour le marché vert (ou “Green Deal Industrial Plan”) visant à renforcer et aider l’industrie européenne à atteindre la neutralité carbone. Ce premier volet doit définir un cadre réglementaire au déploiement rapide de la technologie carbone neutre.
Une opportunité donc pour Ursula von der Leyen, la patronne de la Commission, d’enclencher une contre-offensive contre les Américains et inciter les entreprises européennes à rester en Europe.
Concrètement, toujours selon EURACTIV, la Commission souhaiterait introduire des clauses qu’on pourrait traduire par “Achetez européen”. Ainsi, alors que les start-ups réclamaient leur modification il y a un mois, les règles des marchés publics pourraient inclure une clause sur la “contribution d’une offre à la sécurité de l’approvisionnement.”
La sécurité de l’approvisionnement dépendant en partie de “la proportion de produits originaires de pays tiers”, l’UE veut inviter les autorités publiques à tenir compte de la proportion de technologies neutres en carbone produite sur le sol européen. Et donc, sous le couvert d’une volonté de sécuriser l’approvisionnement, inciter les marchés publics à privilégier le “fait maison”. Reste à savoir si ces règles sont compatibles avec celles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). A moins que les deux grandes puissances finissent par hisser le drapeau blanc …
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