Le billard à trois bandes d’Emmanuel Macron face à la Russie et au Rassemblement National

Emmanuel Macron aux JT français, jeudi 14 novembre. ©PHOTOPQR/LE DAUPHINE/Bertrand RIOTORD
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le président français a encore tenu un discours extrêmement ferme face à Vladimir Poutine, jeudi soir dans les JT, et réitéré que rien ne devait être exclu. Un propos alarmiste justifié par plusieurs motivations.

Pour certains, le président français Emmanuel Macron fait peur avec ses propos musclés face à la Russie de Vladimir Poutine et sa volonté de n’exclure aucune option, y compris l’envoi de troupes au sol.

Pour d’autres, c’est le seul chef d’Etat à comprendre la réalité de la menace russe alors que l’Ukraine est fragilisée et que 2024 sera compliquée, avec l’Europe potentiellement seule face à l’ogre de Moscou.

Enfin, d’aucuns insistent sur le caractère très “politique politicienne” de ses propos alors que les élections européennes approchent et que le Rassemblement National domine les sondages à plus de 30%.

Dans le jeu de billard à trois bandes qui se joue aujourd’hui, il y a sans doute un peu de tout cela.

Un président meurtri et déterminé

Emmanuel Macron ne cesse de le répéter: il est sans doute le chef d’Etat européen qui a le plus dialogué avec Vladimir Poutine, jusqu’aux dernières heures avant l’invasion de l’Ukraine, il y a plus de deux ans. Depuis, le canal de communication est coupé. “Rien de personnel”, a-t-il dit jeudi soir, mais le président russe a franchi toutes les lignes rouges et il est grand temps de tenir un discours ferme pour éviter de nouvelles aventures. C’est le propos d’un homme trompé par son rival.

Le contexte géopolitique a changé, aussi. En cette année 2024 que l’on sait compliquée, l’Europe risque de se retrouver seule face à la menace en raison des blocages préélectoraux aux Etats-Unis et du retour possible de Donald Trump à la Maison-Blanche. En Ukraine même, les coups de boutoir russes font flancher l’Ukraine et grignotent le front. Surtout, des informations alarmistes laissent augurer d’un possible élargissement du conflit ou de tentatives russes de “tester l’OTAN” vers la Moldavie ou les pays baltes.

Emmanuel Macron a vu son discours ferme rejeté à Berlin ou à Londres, il prend son bâton de pèlerin pour rencontrer le chancelier allemand, Olaf Scholtz. Selon lui, c’est clair: il faut cesser de se mettre des lignes rouges que l’on ne tiendra de toute façon pas. Alors qu’ils s’y opposaient, les Européens ont fini par envoyer des chars, des missiles à longue portée ou des avions. Pourquoi exclure, a priori, des troupes? D’autant que Poutine ne comprendrait que le langage de la force.

Le leitmotiv est toujours le même: on ne peut pas laisser la Russie gagner cette guerre car elle ne s’arrêtera pas là. Et ce propos-là, les alliés le partagent. Le front commun, assure-t-il, sera préservé.

Un combat politique interne

Dans ce jeu de billard à trois bandes, il ne faut évidemment pas oublier le contexte politique français. Le Rassemblement National est donné large vainqueur des élections européennes du 9 juin prochain: 31% contre 18% au parti présidentiel, selon le dernier sondage. Il s’agit donc de rallier la nation car “l’heure est grave” et de démontrer que Rassemblement National et France Insoumise sont, en réalité, les “idiots utiles” de Moscou – même si, jeudi soir, Macron n’a toutefois pas tenu de propos hostiles sur ce point.

La meilleure preuve de cette volonté de concorde face aux extrêmes, c’est cet accord de sécurité entre Paris et Kiev voté cette semaine au parlement français avec l’abstention du Rassemblement national et le vote contre de la France insoumise. Socialistes, républicains et écologistes ont soutenu le le texte. Alors qu’il patauge sur la scène intérieure, le président trouve là une façon d’élargir sa base. Jouerait-il avec la situation internationale pour défendre sa place? On n’ose le croire aussi opportuniste…

Par ailleurs, faut-il être dupe? La Russie est devenue championne, ces dernières années, pour influencer les élections organisées dans les démocraties. Ne soyons pas naïfs, c’est ce jeu-là aussi qui se joue.

Arrêter la Russie

En prenant le leadership de la fronde contre Moscou, en bombant le torse et en adoptant une posture forte pour des raisons intérieures, Emmanuel Macron pend plusieurs risques: celui de diviser les Européens et de devenir la cible de Poutine, celui d’être critiqué et affaibli. Mais on ne pourra en tout cas pas lui reprocher d’être aveugle face à un changement de paradigme réel au niveau international.

Et on devra toujours rappeler avec lui, face aux messages insidieux qui le traitent de va-t’en guerre: c’est bien la Russie qui agresse, la Russie qui déstabilise partout dans le monde et la Russie qu’il faudra arrêter d’une manière ou d’une autre.

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