L’artère commerciale de l’Europe s’assèche : comment l’Allemagne essaie de s’adapter au niveau bas du Rhin
Le niveau du Rhin, artère commerciale allemande et européenne, atteint des seuils critiques. Les navires doivent limiter leurs cargaisons. L’industrie essaie de s’adapter. L’économie allemande, déjà en difficulté, pourrait rester en récession plus longtemps que prévu.
Branle-bas de combat sur le Rhin. Après une sécheresse historique l’été dernier, tout comme en 2018 déjà, 2023 n’est pas non plus une bonne année pour ce fleuve long de 1.230 kilomètres. Un hiver “chaud” et moins de neige, notamment dans les montagnes, puis des mois secs chez notre voisin ont comme résultat un fleuve au niveau d’eau particulièrement bas. Cette semaine, il est même passé sous la barre de 1 mètre, au point stratégique de Kaub. C’est son plus bas niveau de cette année.
Passé cette barre, les navires doivent limiter la cargaison de moitié pour ne pas échouer. La plupart des vaisseaux fluviaux classiques qui circulent sur le Rhin ne peuvent ainsi plus qu’embarquer 1.500 tonnes maximum, selon la fédération des compagnies de transport fluvial allemandes DTG.
Or, le Rhin est une artère commerciale éminemment importante pour l’Allemagne et pour toute l’Europe. L’industrie en a besoin pour importer des matières premières et pour exporter ses produits : en 2022, plus de 180 millions de tonnes sont passées sur les fleuves allemands (le niveau le plus bas en 30 ans, cela dit), En moyenne, 75% à 85% des marchandises passent sur le Rhin.
Comment les entreprises s’adaptent
Est-ce que le mois d’août amènera des pluies qui pourront rétablir le niveau ou est-ce qu’il va continuer à baisser ? Cela n’est pas encore certain. Quel impact dans les années à venir, avec le réchauffement climatique ?
Dans tous les cas, l’industrie essaie de s’adapter pour ne pas trop être mis en difficulté par la baisse du fleuve. Le chimiste Covestro (qui transporte plus de 30% de ses marchandises via le fleuve) a par exemple affrété deux navires plus plats, pouvant circuler en eaux basses, jusqu’à un niveau de 40 centimètres. Même son de cloche chez BASF qui utilise aussi un bateau de ce type. Ce dernier peut transporter jusqu’à 2.300 tonnes et circuler à 30 centimètres d’eau (bien qu’à charge limitée). Mais les deux entreprises parlent respectivement de “défis significatifs” et de “c’est très difficile de transporter les volumes nécessaires pour continuer la production”.
En 2018, le sidérurgiste Thyssenkrupp avait été bloqué par le niveau bas du Rhin (le niveau à Kaub était resté sous la barre d’un mètre entre août et décembre). Depuis, il a changé de cap et a affrété un train qui peut apporter jusqu’à 3.000 tonnes de charbon par jour. Voilà quelques exemples de grands groupes, mais ils sont loin d’être les seuls.
Coup dur pour l’économie
Baisser les volumes transportés, trouver de nouveaux navires : voilà des frais supplémentaires pour les entreprises, qui doivent en plus compter des retards dans les livraisons, voire réduire leur production. Ces limitations dues à la baisse du niveau de l’eau poussent également les prix du fret vers le haut, selon la loi de l’offre et de la demande. Résultat : encore plus de frais supplémentaires et des marges grignotées.
Or, la première puissance économique du continent européen est déjà en récession. Le niveau bas du Rhin sera donc une corvée supplémentaire dans un contexte économique déjà difficile. Si la situation ne s’inverse pas, la contraction économique pourrait durer plus longtemps que prévu.
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