La pire année pour le luxe depuis la crise financière: un signe annonciateur pour l’économie ?

Dans un article d’opinion paru dans le Financial Times, Rana Foroohar considère le marché du luxe comme un miroir de l’économie.

Selon la célèbre journaliste économique, le secteur a connu en 2024 « la pire année depuis la crise financière de 2007-2009 ». Alors que les super-riches continuent de dépenser, « les consommateurs aspirants qui composent la partie essentielle du marché dit du « luxe de masse » se retirent, ce qui exerce une pression sur le cœur du marché. Or « les 1 % les plus riches ne peuvent acheter qu’un nombre limité de montres et de sacs à main », note-t-elle sèchement.Selon le dernier rapport sur le marché du luxe de Bain, le marché du luxe a perdu environ 50 millions de consommateurs au cours des deux dernières années, « en partie parce que les jeunes consommateurs se détournent des biens de luxe traditionnels comme les montres et les sacs à main », dit encore Foroohar.  « C’est l’une des raisons pour lesquelles on voit enfin plus de personnes âgées dans les publicités, en particulier des femmes. Ce sont les seules qui achètent encore des produits de luxe », écrit M. Foroohar.

Entre-temps, un sentiment d’incertitude économique persiste, malgré la bonne tenue des marchés boursiers. « Si l’on fait abstraction de l’éphémère reprise post-covid, nous sommes en retard de six ans pour une récession», prévient Mme Foroohar. Ce sentiment d’imminence a même atteint les super-riches, bien qu’ils continuent d’investir dans des yachts, des voitures de luxe et des voyages haut de gamme.

Selon Foroohar, le marché du luxe peut être un indicateur précoce de tendances économiques plus larges. Car la direction prise par les riches est souvent suivie par les marchés et même l’économie dans son ensemble. Toujours selon, elle il y a trois leçons à tirer du secteur du luxe  pour l’économie au sens large en 2025.

Trois leçons pour 2025

Premièrement, elle s’attend à une correction du marché boursier américain. « Peu de gens doutent qu’elle se produise », note-t-elle, en soulignant que même les consommateurs aisés réduisent désormais leurs dépenses en vin, en bijoux et en œuvres d’art.

Deuxièmement, si cela se produit « le secteur du luxe, dominé par les produits européens de grande valeur, tomberait beaucoup plus vite et plus durement que d’autres secteurs » dit-elle encore.  Foroohar souligne que le secteur européen du luxe est vulnérable aux tensions géopolitiques. « L’Europe n’a pas de géants de la technologie comme les États-Unis, mais elle a des conglomérats de luxe comme LVMH et Hermès », écrit-elle. Elle cite en exemple les droits de douane imposés par l’Union européenne sur les motos Harley-Davidson en représailles aux droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium. « Ces droits ont obligé Harley-Davidson à facturer 2 200 dollars de plus par moto. M. Foroohar prévient que les produits de luxe européens, tels que les articles de mode français ou les voitures allemandes, pourraient également devenir la cible de droits de douane, ce qui entraînerait une forte hausse de leurs prix.

Enfin, M. Foroohar estime que les hausses de prix constantes dans le secteur du luxe ne sont plus viables. « Seules les grandes marques peuvent encore défendre des prix pareils » et beaucoup de clients potentiels recherchent de plus en plus des alternatives moins chères.

Selon elle, il en va de même pour les voyages et les loisirs. Les prix absurdement élevés des chambres d’hôtel dans des villes américaines moins prestigieuses, telles que Houston, sont susceptibles de chuter rapidement dès les premiers signes d’une correction économique.

L’indice du rouge à lèvres : un indice économique ?

Mme Foroohar fait également référence à l’indice du rouge à lèvres, une théorie controversée selon laquelle les consommateurs sont plus enclins à effectuer de petits achats de luxe, tels que des produits cosmétiques, en période d’incertitude économique. « Les articles de beauté ont été l’une des rares catégories de luxe à connaître une croissance en 2024 », écrit-elle. Mme Foroohar y voit le signe que les gens cherchent à se réconforter dans des formes de luxe abordables en période difficile.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content