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La guerre des puces: une guerre invisible et sans morts… pour l’instant

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Parfois, il faut remercier le ciel des ennuis qu’on a pu éviter. Mais avec une guerre qui se déroule en ce moment en Europe, on ne voit pas comment remercier le ciel.

En matière de soucis, nous n’avons pas été gâtés par l’année 2022. Mais comme le faisait remarquer l’économiste Charles Sannat, “si la guerre contre la Russie, c’est 10% d’inflation, une guerre contre la Chine, ce sera 30%“. Si pour la guerre en Ukraine, nous pouvons baisser les thermostats, enfiler des gros pulls, et réduire notre consommation de carburant, comment ferons-nous si l’île de Taïwan qui abrite la plus grosse usine mondiale de semi-conducteurs est envahie par l’armée chinoise. Je rappelle que sans “puces”, il n’y pas de révolution numérique, et il n’y a pas d’économie tout court.

Une note du consultant Deloitte rappelle que le secteur automobile s’est arrêté de tourner à plein régime en raison d’une pénurie de composants. L’électronique représente aujourd’hui 40% environ de la valeur d’un véhicule automobile. Même Dacia qui n’est pas vraiment le modèle le plus pointu de Renault en matière technologique ne peut pas se passer de ces composants. C’est dire notre dépendance à l’égard de la Chine. Et c’est là où la notion de guerre économique prend toute sa signification.

A l’évidence, les Etats-Unis livrent une guerre par procuration contre la Russie. Ils savent aussi qu’ils vont gagner et qu’ils gagneront les plus gros contrats de la reconstruction de l’Ukraine, car les Etats-Unis sont aussi ceux qui ont le plus soutenu militairement et financièrement l’Ukraine. En revanche, à ceux et celles qui pensent que la défense de Taïwan se limiterait uniquement à la défense des valeurs démocratiques et des droits de l’homme, ce serait une erreur. Les Etats-Unis sont entrés dans une course contre la montre pour devenir indépendants en matière de puces. Tout comme ils le sont devenus sur le plan énergétique, les Américains veulent avoir une indépendance à l’égard de la Chine. La Chine est pour eux un rival systémique. C’est la raison pour laquelle les Etats-Unis ont mis une pression amicale sur la société TSMC, leader mondial en matière de semi-conducteurs basé à Taïwan, pour l’installation de deux mégas-usines aux Etats-Unis. L’investissement qui devait être de 12 milliards de dollars au départ est passé par un coup de baguette magique à 40 milliards de dollars. L’Europe de son côté est hélas à la traine, mais essaie aussi de s’assurer un début de souveraineté à horizon de 2030.

Au fond, cette guerre des puces qui est invisible, et se fait sans morts pour l’instant, est encore plus importante pour notre avenir que celle qui se déroule en ce moment à nos portes. Emmanuel Macron le sait bien. Après son récent voyage aux Etats-Unis, il a compris qu’avec un allié commercial comme les Etats-Unis, on n’a pas besoin d’ennemis.

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