Gautam Adani, deuxième fortune d’Inde, inculpé aux États-Unis : la chute d’un empire ?
Le groupe Adani, autrefois un titan économique indien et dirigé par Gautam Adani, voit sa position de leader menacée par de graves accusations de fraude et de corruption, affectant à la fois sa réputation mondiale et sa situation financière. Le scandale de trop ?
Gautam Adani, l’un des hommes les plus riches d’Inde et proche allié du Premier ministre indien Narendra Modi, se retrouve une fois de plus sous le feu des projecteurs. Après plus d’un an et demi d’enquête du FBI, Gautam Adani, 62 ans et deuxième fortune d’Inde, a été mis en examen ce 20 novembre 2024. Lui et son entourage ont été inculpés par un tribunal fédéral américain de fraude et de corruption. Les accusations portent sur des pots-de-vin de 250 millions de dollars versés à des fonctionnaires indiens pour obtenir des contrats énergétiques lucratifs.
Selon le procureur de New York, ce plan visait à s’enrichir de manière illégale, en corrompant les autorités pour obtenir des contrats d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. Toujours selon le procureur, Adani et ses collaborateurs auraient versé des centaines de millions de dollars pour sécuriser des contrats de fourniture d’énergie solaire à des tarifs bien au-dessus des prix du marché. Ces pratiques auraient pu rapporter jusqu’à 2 milliards de dollars de profits illégaux aux entreprises impliquées, notamment Adani Green Energy et Azure Power.
Toujours selon la justice américaine, Adani aurait été jusqu’à offrir 228 millions de dollars à un seul et même fonctionnaire.
Des accusations graves
Les pots-de-vin auraient été dissimulés aux investisseurs internationaux, alors que Adani Green Energy cherchait à lever 3 milliards de dollars sur les marchés financiers. Ce sont là des accusations graves qui tombent sous le coup de la Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), qui vise à lutter contre la corruption dans les transactions commerciales internationales. Une loi qui autorise les procureurs américains à engager des poursuites contre des actes de corruption commis à l’étranger par des entreprises qui sont soit implantées, soit cotées en Bourse aux États-Unis. Une loi aussi décriée puisqu’elle sous-entend un principe d’extraterritorialité.
Pas la première fois
En attendant, cette nouvelle crise financière semble exacerber une situation déjà précaire, alors que des milliers de millions de dollars ont été effacés en quelques jours de transactions boursières. Les plans pour une émission obligataire de 600 millions de dollars ont été rapidement annulés suite à ces révélations. Adani Group a nié les accusations, les qualifiant de “non fondées” et promettant de se défendre vigoureusement.
Il n’empêche que ce n’est pas la première fois que l’empire Adani se retrouve dans la tourmente.
En 2023, un rapport de la société d’investissement américaine Hindenburg Research avait accusé Adani Group de comportements financiers frauduleux, entraînant une perte temporaire de 150 milliards de dollars de capitalisation boursière. Gautam Adani avait lui vu sa fortune personnelle fondre de 80 milliards de dollars. Il perdra au passage le titre d’homme le plus riche d’Asie et de troisième homme le plus riche du monde.
En septembre dernier et alors que le groupe était parvenu à compenser une grande partie de ces dommages, Hindenburg Research en avait remis une couche en l’accusant cette fois de blanchiment d’argent.
Gautam est un proche de Modi
Gautam Adani, qui a quitté l’université sans diplôme et a commencé sa carrière comme diamantaire, a bâti son empire grâce à des relations étroites avec Narendra Modi. En 2014, lors de l’investiture de Modi, Adani avait même pris un vol privé pour assister à la cérémonie, un symbole de leur proximité. Celle-ci remonte à l’époque où Modi gouvernait le Gujarat, leur État natal. Adani a remporté de nombreux contrats publics, notamment la construction du port de Mundra, le plus grand port commercial de l’Inde.
Aujourd’hui, Adani Group est un conglomérat tentaculaire qui opère dans divers secteurs, des énergies vertes aux infrastructures, en passant par les médias et les aéroports. Cette diversification a permis à Adani de devenir l’homme le plus riche d’Asie, avec une fortune estimée encore récemment à 97,6 milliards de dollars.
Symbole du capitalisme de connivence
Les accusations de corruption ont aussi ravivé les critiques contre le “capitalisme de connivence” en Inde sous le règne de Narendra Modi. Un capitalisme où les relations politiques facilitent l’ascension des grandes fortunes.
Cette concentration excessive de la richesse et l’influence des grandes entreprises sur la politique fragiliseraient la démocratie indienne. L’opposition indienne, notamment le parti du Congrès, a demandé une enquête parlementaire pour faire la lumière sur ces allégations. Rahul Gandhi, chef de file du Congrès, accuse Modi de vendre les intérêts de l’Inde à des hommes d’affaires comme Adani.
En attendant, bien que des mandats d’arrêt ont été émis contre Gautam et Sagar Adani, le multimilliardaire indien n’a pas été arrêté. Et il est extrêmement peu probable que celui-ci soit extradé aux USA, du moins tant que Modi reste aux commandes.
Un avenir incertain
Au-delà des frontières indiennes, les contrats d’Adani sont également scrutés. Au Sri Lanka et au Bangladesh, des gouvernements réexaminent des contrats obtenus par Adani sans appel d’offres, souvent dans des conditions défavorables pour les pays hôtes.
L’empire en péril pourrait donc se muer en cas d’école et marquer un tournant dans l’histoire économique de l’Inde. Car il s’étend des secteurs de l’énergie verte aux infrastructures, en passant par les médias et la défense. C’est donc un moteur important de l’économie indienne et sa chute réveille des inquiétudes quant à la stabilité économique à court terme. L’impact des accusations d’Adani dépasse donc les frontières de l’Inde et le déclin de l’empire a des répercussions plus larges sur les marchés. Car la procédure du procureur fédéral de Brooklyn pourrait, selon les analystes, anéantir la confiance des investisseurs étrangers. À moins que comme le titre la presse indienne, Donald Trump ne vienne à la rescousse d’Adani. Le magnat n’a-t-il pas encore promis la semaine dernière qu’il s’engageait à investir 10 milliards pour créer jusqu’à 15.000 emplois sur le sol américain ?
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