Face à l’axe Etats-Unis – Russie, les Européens se divisent, mais tout n’est pas perdu car ils ont peur…

Une photo du "sommet de Paris", pour l'Histoire., Credit:Simon Dawson / Avalon
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’envoi de soldats en Ukraine divise les pays rassemblés par le président français, Emmanuel Macron, à l’Elysée. Mais c’est prématuré et la crainte d’un accord Poutine – Trump dans leur dos, en Arabie Saoudite, les incite à agir davantage. Un tournant?

L’Europe perçoit le sens de l’urgence. “Quelque chose est en train de se passer pour une seule raison: ils ont peur!”, souligne Didier François, spécialiste de la défense. Réunis en urgence à l’Élysée lundi soir, les chefs d’État de sept pays européens ont envoyé un signal par leur simple présence.

Le format de cette réunion, en soi, était déjà exceptionnel. Sept Etats européens, pas les Vingt-Sept, et le Royaume-Uni en prime. Autour du président français, Emmanuel Macron, auteur du wake-up call, on retrouvait ses homologues allemand, britannique, danois, espagnol, italien, néerlandais et polonais. Sans oublier la présidente de la Commission européenne et le secrétaire général de l’OTAN.

Messages essentiels: nous sommes attentifs à ce qui se passe, nous ne voulons pas être mis de côté par les discussions Poutine – Trump au sujet de la sécurité européenne et nous continuerons à soutenir l’Ukraine, quitte à augmenter les dépenses en cas de retrait américain. C’est déjà beaucoup. Même si ce n’est pas assez, alors qu’Américains et Russes entament déjà leur dialogue de préparation ce mardi en Arabie Saoudite…

Des divisions, le temps de la démocratie

L’unanimité n’est pas de mise et pour cause, chaque situation nationale étant prédominante. Le Royaume-Uni, toujours en pointe, est favorable à l’envoi de soldats en Ukraine pour sécuriser la ligne de front, si nécessaire – un débat qui avait été lancé par la France. L’Allemagne s’y oppose fermement, avec d’autres, mais le chancelier Olaf Scholz vit sans doute ses dernière heures à la tête du pays – des élections législatives importantissimes ont lieu dimanche et la CDU devrait revenir au pouvoir. Idem pour le Polonais Donald Tusk, lui aussi confronté à une élection présidentielle importante.

L’Italienne Giorgia Meloni s’y oppose également et renvoie à la nécessité d’une solidarité transatlantique. Et pour cause, c’est sans doute elle la plus proche du nouveau pouvoir américain. La leader postfasciste a exprimé sa compréhension au sujet des attaques américaines contre la “censure” et le “pare-feu” européens contre l’extrême droite, exprimés par le vice-président américain J.D. Vance, mais elle était présente et reste un lien avec Washington, si besoin… “C’est dans le contexte euroatlantique que se fonde la sécurité européenne et américaine”, soutient-elle.

Ces expressions divisées évoquent, aussi, le temps de la démocratie, la nécessité de mener des débats nationaux intenses et de se confronter à la nouvelle donne internationale. Le tout sera de savoir s’il en sortira finalement un ciment européen nouveau.

Les crises cimentent l’Europe

C’est dans l’adversité et les crises que l’Europe se cimente et trouve de nouvelles voies. L’heure est au tournant de l’histoire et à l’urgence face au revirement américain. La possible rupture du lien transatlantique ouvre une ère d’incertitude après 80 ans de paix sous le parapluie américain et face à la menace russe.

L’ex-commissaire européen Thierry Breton souligne l’effort immense accompli par l’industrie européenne de défense en dix-huit mois, qui a pratiquement rejoint l’industrie russe en production d’obus. Il évoquait aussi l’aide financière plus importante octroyée par les Européens à l’Ukraine, davantage que les Américains, en tout, même si le soutien militaire vient davantage de Washington.

Mais quelque chose est-il en train de se passer? La fameuse “peur” pourrait susciter un sursaut plus important encore, tant dans le soutien à l’Ukraine que dans les dépenses militaires des pays européens – ce que le président Donald Trump appelle de ses voeux. Le cessez-le-feu ou la “paix”, même friable, donnerait le temps de se préparer à la suite. Des voix battent le rappel et les chefs d’État sont là, c’est déjà ça.

Ne plus se battre militairement

C’est dans l’adversité que l’Europe se construit et certains experts voient même dans des formats “resserrés” une façon potentiellement plus efficace de piloter la crise – là où d’autres pointent du doigt la division. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a insisté, quant à lui, sur l’importance des “garanties de sécurité” octroyées à son pays, après un contact avec Emmanuel Macron, à l’issue du “sommet de Paris”.

L’Europe est à un tournant et l’enjeu n’est pas mince. Face à un souverainiste français pro-Trump, la cherche britannique Samantha de Bendern, ancienne conseillère de l’OTAN, a eu ces mots forts: “Moi, je ne souhaite pas que mes enfants doivent à nouveau se battre pour défendre l’Europe”.

Nous en sommes là. Le “sommet de Paris” aura immanquablement une suite. C’est une nécessité.

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