États-Unis vs Chine: nouveau président, nouveaux dangers
Donald Trump va défier la Chine, mais son retour à la présidence présente aussi des opportunités pour le Parti communiste.
Sur les réseaux sociaux chinois, il est connu sous le nom de “camarade Jianguo”. Mais ce surnom donné à Donald Trump n’est pas une expression de solidarité. Le terme “jianguo” signifie “construire la nation”. Les net-citoyens chinois font référence à leur propre pays. Ce sobriquet reflète l’idée que le nouveau président est si mauvais pour l’Amérique qu’il est bon pour la Chine.
Certains membres de l’élite politique chinoise adoptent une version plus raffinée de ce point de vue. Ils jugent que Donald Trump est intellectuellement incurieux et, surtout, qu’il a des intérêts personnels. Sa réélection est considérée comme une nouvelle preuve de la décadence et du déclin de l’Amérique. Cela donne aux dirigeants chinois l’occasion de faire valoir leur vision de la manière dont le monde devrait être dirigé. Mais ils savent aussi que Trump pose de réels dangers, notamment pour l’économie chinoise en difficulté.
Le spectre de la guerre commerciale…
Au cours de sa campagne présidentielle, Donald Trump a souvent dépeint la Chine comme l’ennemi économique de l’Amérique et a menacé d’imposer des droits de douane de 60% sur ses marchandises. S’il va jusqu’au bout de sa démarche, cela amputerait la croissance économique chinoise de 2,5 points de pourcentage au cours de l’année suivante, prévoit la banque UBS. Mais c’est peu probable. La menace d’énormes droits douaniers doit être considérée comme un stratagème de négociation, à prendre au sérieux et non au pied de la lettre, affirment les conseillers de Trump. L’homme d’affaires new-yorkais est obnubilé par l’idée de conclure des deals.
La Chine peut difficilement se permettre une guerre commerciale, quelle qu’en soit l’ampleur. Depuis qu’elle est sortie de la pandémie, son économie collectionne les mauvais résultats. Les entrepreneurs chinois sont désillusionnés par un gouvernement obsédé par la sécurité, imprévisible dans ses décisions et amoureux de sa propre planification centrale. Des mesures de relance audacieuses sont nécessaires pour raviver confiance et dépenses, et pour endiguer l’effondrement du secteur immobilier, qui représente un cinquième du PIB. Mais les dirigeants chinois ne cessent de décevoir les investisseurs par des politiques timides et incomplètes.
Il se peut que le gouvernement chinois réserve sa puissance de feu fiscale pour le cas où Donald Trump agirait de manière irréfléchie. Mais il a déjà bien des raisons de s’inquiéter. La nouvelle administration à Washington poursuivra sa politique d’entrave au flux de technologies occidentales, telles que les puces avancées, vers la Chine. Ces restrictions visent à freiner la modernisation des forces armées chinoises et à faire en sorte que l’Amérique ait une longueur d’avance dans les industries de demain, comme l’intelligence artificielle et l’informatique quantique. Ces mesures compliquent la tâche du dirigeant chinois, Xi Jinping, qui souhaite cultiver ses propres “nouvelles forces productives”, c’est-à-dire les technologies de pointe dont il espère qu’elles stimuleront la croissance économique.
… et de la guerre tout court
Si la frustration de Xi Jinping s’accroît, la Chine risque de devenir plus agressive. Elle fait déjà valoir avec force ses revendications territoriales grandioses en mer de Chine méridionale, défiant la Malaisie, le Vietnam et les Philippines. Ces derniers, à leur tour, ont riposté. Les Philippines, alliées des États-Unis par traité, ont été les plus fermes. Ses accrochages avec les garde-côtes chinois autour de hauts-fonds contestés ont fait craindre à Washington une escalade incontrôlable.
La tension monte également autour de Taïwan, l’île autonome de 23 millions d’habitants revendiquée par la Chine. La Chine est consternée par le langage provocateur de son président indépendantiste, Lai Ching-te. Elle déploie ainsi davantage de moyens aériens et navals autour de l’île. Ces dernières années, les États-Unis ont augmenté leurs ventes d’armes à Taïwan et l’ont exhorté à réorganiser ses défenses pour se préparer à l’agression chinoise. Mais Donald Trump a laissé entendre qu’il pourrait ne pas envoyer de marins, de soldats et d’aviateurs américains pour défendre Taïwan si la Chine l’attaquait.
Il est difficile de concilier ces propos avec le choix du président élu de nommer des faucons notoirement hostiles à la Chine, comme Marco Rubio et Michael Waltz, pour occuper des postes de premier plan dans son administration. Mais il est peu probable que l’administration Trump soit mise à l’épreuve de cette manière. La Chine n’est pas encore prête pour une guerre qui pourrait impliquer les États-Unis.
Les responsables de Pékin chercheront d’autres moyens de tirer parti de l’unilatéralisme de Trump et de son mépris pour les amis et les alliés de l’Amérique. Ils essaieront de creuser un fossé entre l’Amérique et les pays européens, que Donald Trump pourrait également frapper de droits de douane. Et puis, ils continueront à promouvoir la Chine en tant que leader du Sud global, prétendant être bienveillants tout en critiquant l’intimidation américaine.
Certains responsables chinois imaginent que Trump, businessman dans l’âme, pourrait conclure un large deal avec Xi Jinping, deal qui tiendrait compte du commerce, de Taïwan et d’autres sources de tension. Mais il y a bien d’autres choses qui divisent les deux pays, de l’exportation par la Chine de produits chimiques utilisés pour fabriquer du fentanyl, qui tue des milliers de personnes chaque année aux Etats-Unis, à une campagne de piratage informatique qui vise à donner à la Chine la capacité de faire des ravages dans les infrastructures critiques américaines.
Considérons, enfin, le point de vue de Xi Jinping qui ,partout où il regarde à Washington, voit des faucons anti-chinois. Une crise semble beaucoup plus probable qu’un deal. Car en effet, beaucoup d’éléments pourraient conduire à une crise en 2025. Mais cela était vrai quel que soit le vainqueur des élections américaines.
Par Roger McShane, rédacteur en chef pour la Chine de “The Economist”
La Chine cherchera d’autres moyens de tirer parti de l’unilatéralisme de Trump et de son mépris pour les amis et les alliés de l’Amérique.
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