Donald Trump devrait piloter les Etats-Unis sans filet
Après l’attentat dont il a été victime, Donald Trump est plus que jamais proche de remporter un second mandat. Qu’est-ce que cela veut dire, économiquement parlant ?
Le dramatique attentat perpétré ce dimanche contre Donald Trump, qui a couté la vie à un de ses supporters et légèrement blessé le candidat républicain, a rebattu les cartes des élections présidentielles américaines. Donald Trump apparaît désormais comme la victime de la violence du camp opposé et candidat résilient, sans doute protégé par une intervention divine. Qui peut encore le battre ?
Il est donc plus probable aujourd’hui qu’hier de voir le candidat républicain accéder à nouveau au fauteuil présidentiel au début de l’an prochain. Qu’est-ce que cette haute possibilité nous réserverait sur le plan économique ?
Un programme paradoxal
Tout d’abord un rappel : lorsque Donald Trump a accédé une première fois à la présidence en 2017, il y a eu trois impacts économiques : une hausse de la confiance des chefs d’entreprises en raison des mesures favorables aux entreprises (baisse des impôts, possibilité d’amortissements accélérés,…), ce qui a poussé les entreprises à investir, une hausse de la confiance des ménages aisés, une remontée de la bourse, et le déclenchement d’une démondialisation, avec notamment le déclenchement d’une guerre larvée contre la Chine afin de préserver la domination technologique américaine. Mais on se souvient aussi des mesures protectionnistes prises contre l’Union européenne.
Si Donald Trump accède une deuxième fois au pouvoir, il pourrait mettre en œuvre un programme extrêmement paradoxal, qui bénéficierait aux entreprises monopolistiques américaines, à la bourse et aux ménages aisés, mais qui pourrait venir fragiliser les petits entrepreneurs et les classes modestes, ceux qui pourtant l’auront porté au pouvoir.
Des droits de douanes au plafond
Une certitude : sous Trump 2, les États-Unis seront encore plus protectionnistes que sous Trump 1. Peter Navarro, le conseiller économique du Président Trump entre 2017 et 2021, affirme que « la politique commerciale peut et doit jouer un rôle essentiel dans la renaissance de l’activité manufacturière et le redéploiement de l’industrie de la défense ». Pour lui, la Chine est considérée comme un agresseur économique, en raison des barrières à l’entrée du marché chinois, de la généralisation des contrefaçons, des piratages, des dumpings dont bénéficient les entreprises chinoises.
Le programme du candidat Trump en 2024 continue donc de voir l’économie comme un jeu à somme nulle : le déficit des uns est le gain des autres. Il a donc pour priorité de faire disparaître le déficit commercial américain. Pour cela, il compte imposer aux produits étrangers des droits de douanes exorbitants (60% voire plus) sur les produits chinois. Et le minimum tarifaire en matière de tarif douanier sera une ponction de 10% sur tout ce qui est importé aux Etats-Unis. Si ces mesures sont mises en œuvre, les classes moyennes et populaires, dont une partie du pouvoir d’achat était préservée par les produits chinois à bas prix, ne vont plus bénéficier de cet avantage.
En résumé, renforcer les barrières douanières aurait trois effets négatifs pour les Etats-Unis : cela renchérirait les importations, cela réduirait les investissements des entreprises et cela réduirait les exportations des entreprises américaines qui subiraient évidemment des mesures de rétorsion de la part de l’étranger. Et une des conséquences pour nous Européens serait, à moins de mettre en place des barrières douanières similaires, d’assister à l’inondation de notre marché par une avalanche de produits chinois qui ne parviendraient plus à s’écouler aux Etats-Unis…
Immigration et marché du travail
Un autre leitmotiv de Donald Trump est le combat contre l’immigration.
Aujourd’hui, l’économie américaine est au quasi plein emploi, malgré le fait que chaque mois, environ 300.000 clandestins franchissent la frontière pour venir travailler aux « States ». Cet apport annuel de main d‘œuvre de 3 millions de personnes est un sujet politique majeur, mais aussi un des moteurs de la croissance américaine et une des sources du relatif équilibre démographique de la population américaine.
Renforcer les frontières aurait donc pour impact économique de susciter de nouvelles tensions sur le marché du travail, avec donc le risque de voir les salaires augmenter, l’inflation se réveiller et l’activité ralentir, faute de bras.
Baisser l’impôt, oui mais…
Sur le plan fiscal, Donald Trump a deux principes : abaisser d’une manière unilatérale l’impôt, et notamment l’impôt des sociétés, qui pourrait passer de 21 à 15%. Et détricoter l’IRA (« inflation reduction act ») de Joe Biden et toutes les mesures de déductibilité qui favorisent les investissements verts. Avec Donald Trump, les entreprises américaines ne seraient plus tenues du tout à réduire leurs émissions carbone. Ce qui devrait provoquer à relativement court terme une guerre commerciale avec l’Union européenne : on voit mal l’Europe accepter sans sourciller la concurrence d’entreprises américaines qui seraient déliées de toutes leurs obligations climatiques. Mais on voit mal l’Europe survivre sans le GNL américain et sans les services digitaux des GAFA…
Stagflation et menace sur la dette
Comme le résumait en début d’année Christine Lagarde face à la télévision française, la réélection de Donald Trump « est évidemment une menace » pour l’Europe. Il suffit de voir comment lors de son précédent mandat il a engagé les Etats-Unis dans une guerre tarifaire, il a menacé de se désengager de l’OTAN et il a abordé (ou plutôt contrecarré) la lutte contre le changement climatique.
Mais pour l’économie américaine, ces mesures ne sont pas automatiquement positives non plus, loin de là, car elles pourraient conduire le pays vers la stagflation, la hausse des taux et un risque de tension sur les finances publiques, voire sur le dollar.
Stagflation parce que le cocktail hausse des droits de douane, limitation de l’immigration et suppression de l’IRA n’est pas bon pour la croissance. Certes, Donald Trump veut abaisser les impôts, mais l’impact de cette dernière mesure risque de ne pas être suffisant pour compenser l’effet négatif des trois premières. En outre, si on associe la baisse des impôts à la hausse des droits de douane et à la forte limitation de la main d’œuvre immigrée, on a là un cocktail inflationniste qui risque d’être d’autant plus dangereux qu’il va peser sur tous les acteurs de l’économie américaine : entreprises, ménages mais aussi pouvoirs publics. Les baisses d’impôt devraient en effet creuser un peu plus un déficit public déjà très important, alors que les politiques protectionnistes pourraient ralentir l’achat de dette américaine par l’étranger, et ébrécher le statut du dollar comme monnaie de réserve. Cela pourrait donc faire pression sur les taux et sur le dollar.
Le tout sera donc de voir comment, dans ces eaux agitées, les conseillers de celui qui pourrait être le nouveau président républicain l’an prochain vont manœuvrer le bateau. Ils avaient réussi à le faire sans casse irrémédiable en 2017. Mais auront-ils encore le moyen de s’opposer, cette fois, à un président qui, après l’attentat de dimanche, a revêtu les habits d’un vainqueur qui terrasse l’adversité la plus noire et que rien ne peut toucher ? Si Donald Trump remporte les élections en novembre, il devrait piloter les Etats-Unis sans filet.
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