Coup d’envoi de la guerre commerciale de Trump: quelles menaces pour l’économie mondiale et la défense des 27?

Longtemps crainte, la guerre commerciale de Donald Trump est lancée et risque de créer de lourds remous sur l’économie mondiale si le programme du président américain est appliqué à la lettre.

Dans cette guerre commerciale, Donald Trump a imposé des sanctions de 25% sur les importations en provenance du Mexique et du Canada, et de 10% supplémentaires sur les produits chinois, tout en assurant dimanche qu’il prendrait une décision “très bientôt” s’agissant de l’Europe.

Cette première salve de taxes douanières a fait plonger les Bourses européennes et asiatiques, en particulier le secteur automobile, et fait bondir le dollar, laissant augurer d’un avenir économique très incertain à l’échelle internationale.

Le commerce mondial menacé ?

Le premier mandat du milliardaire américain entre 2017 et 2021 avait déjà porté la marque des droits de douane punitifs.

Donald Trump a promis pendant sa campagne de réélection des taxes à l’importation de 60% sur les produits chinois, et renchéries de 10% pour le reste du monde. Ajoutés à de probables mesures de rétorsion de Pékin et de l’UE, cela coûterait 533 milliards de dollars d’ici 2029 à l’économie de l’UE, 749 milliards de dollars pour les Etats-Unis et 827 milliards de dollars pour la Chine, a évalué le cabinet de conseil Roland Berger dans une étude.

C’est plus largement l’avenir de la coopération internationale qui inquiète: “le monde du multilatéralisme des années 90-2000 ne va plus exister”, juge Tara Varma, chercheuse invitée au centre de réflexion américain Brookings Institution, qui anticipe une “violence immense” des initiatives du 47e président américain.

Vers un choc inflationniste ?

Toutes mesures confondues, le programme de Donald Trump risque de se traduire par une nouvelle flambée inflationniste, évaluée dans un scénario noir à près de 7 points de pourcentage de plus pour les Etats-Unis dès cette année selon le centre de réflexion américain Peterson Institute (PIIE), 4,5 points pour la Chine et 2,5 points pour le Mexique.

Il n’y a pas que les taxes douanières qui risquent de faire flamber les prix: “l’immigration est aussi importante”, affirme Gilles Moec, économiste en chef du géant de l’assurance Axa, au moment où Donald Trump a dit mercredi vouloir faire de la base de Guantanamo un centre géant de rétention pour sans-papiers expulsés, après avoir promis d’expulser massivement malgré les pénuries de main-d’œuvre aux Etats-Unis.

Le poids économique de l’immigration

Le centre Pew Research Center a évalué que 8,3 millions de travailleurs sans papiers pourraient être concernés par une expulsion, avec pour conséquence une augmentation des salaires aux Etats-Unis et donc de l’inflation. Rien que cette mesure entraînerait une hausse de plus de 2 points de pourcentage de l’inflation aux Etats-Unis cette année selon le PIIE, 0,2 point en zone euro et 0,6 point en Chine.

Tout cela “viendrait freiner la baisse des taux d’intérêt”, engagée par les banques centrales grâce à une accalmie de l’inflation, ajoute M. Moec, et qui était susceptible d’encourager les ménages à consommer et les entreprises à investir.

La Banque centrale américaine a dit mercredi qu’elle “attendra et étudiera” les effets des politiques menées par le président Donald Trump avant de décider quels mouvements effectuer.

L’Asie et l’Amérique, deux locomotives au ralenti ?

La guerre commerciale promise par Donald Trump risque aussi de peser sur la dynamique de la croissance mondiale, portée par l’Asie et l’Amérique. L’Asie contribue aujourd’hui à 60% à cette croissance mais risque d’être pénalisée par une aggravation de la guerre commerciale, a alerté récemment le Fonds monétaire international (FMI).

“Les dommages causés à la croissance américaine seraient faibles dans un premier temps”, tempèrent les analystes de Berenberg dans une note, grâce notamment aux entreprises qui viendraient localiser leur production dans le pays. Mais ils “s’aggraveraient au fil du temps”, poursuivent les analystes, anticipant que “les mesures de rétorsion prises par d’autres pays compromettraient encore davantage la croissance américaine”, au moment où le FMI table sur 2,7% de croissance cette année.

Une présidence Trump pourrait amputer la croissance mondiale de 0,75 point de pourcentage et les échanges commerciaux mondiaux seraient réduits de 3% d’ici la fin de la décennie, estime quant à lui Jamie Thomson, à la tête des scénarios macroéconomiques pour le cabinet Oxford Economics.

Cela perturbe l’agenda de la défense des 27

Les menaces de tarifs douaniers agitées par Donald Trump à l’encontre de l’Europe ont bousculé l’agenda des dirigeants des pays de l’UE, réunis à Bruxelles pour tenter de doper leurs dépenses militaires face à la menace russe et sous la pression du nouveau président américain.
Cette “retraite” informelle des 27, à laquelle ont été conviés le secrétaire-général de l’Otan Mark Rutte et le Premier ministre britannique Keir Starmer, devait à l’origine être consacrée aux moyens de renforcer la défense de l’Europe, près de trois après le début de l’invasion russe de l’Ukraine. Mais face aux propos menaçants du 47e président américain, qui vient d’imposer des droits de douane au Canada, au Mexique et la Chine, les Européens ont tenté de trouver le bon ton pour préparer une éventuelle riposte.
“Si nous étions attaqués sur les sujets commerciaux, l’Europe, comme une puissance qui se tient, devra se faire respecter et donc réagir”, a lancé le président français Emmanuel Macron. Pour d’autres, la priorité est d’éviter coûte que coûte une guerre commerciale “inutile et stupide”, selon les termes du Premier ministre polonais Donald Tusk.
L’UE avait assuré dès dimanche qu’elle riposterait “fermement” si Donald Trump lui imposait des droits de douane.
Au moins 5%
La retour de Donald Trump à la Maison Blanche a donné une nouvelle dimension au débat, le tonitruant président répétant sur tous les tons que l’Europe ne doit plus tenir la protection américaine pour acquise. Il exige désormais que les pays européens doublent au minimum leurs dépenses militaires, en y consacrant au moins 5% de leur Produit intérieur brut, un objectif jugé irréaliste pour nombre d’entre eux.
Si le consensus sur la nécessité d’augmenter les dépenses de défense est là, la façon d’y parvenir reste l’objet d’âpres débats. Bruxelles estime que le bloc devra investir 500 milliards d’euros en plus dans la défense sur la décennie à venir.
Pour certains, comme le président Emmanuel Macron, l’Europe doit surtout financer sa propre industrie de défense. “C’est en décidant d’acheter, de préférer les achats européens qu’elle (l’Europe) sera plus indépendante, c’est assez simple”, a-t-il martelé lundi.

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