Comment la chanteuse Taylor Swift est devenue milliardaire

Myrte De Decker Journaliste TrendsStyle.be

Taylor Swift domine le monde. Alors que la chanteuse américaine dévoile aujourd’hui son nouvel album, “The Tortured Poets Department”, retour sur le fabuleux destin de cette ambitieuse jeune fille qui est devenue milliardaire. Une histoire d’orgueil, de chute et d’argent. De beaucoup d’argent.

L’une des forces de Taylor Swift, c’est que ses fans sont hors normes. Ces prochains mois, de nombreux “swifties”, comme ils se surnomment, partiront en pèlerinage dans les grandes villes européennes où la chanteuse montera sur scène. Des déplacements de masse qui feront, comme aux Etats-Unis avant eux, la joie des commerçants, des restaurateurs et des hôteliers du coin.

Car depuis l’annonce, à la fin 2022, de la tournée “The Eras Tour”, Swift est à l’origine d’un séisme. Un séisme d’une telle ampleur qu’il ira jusqu’à réveiller l’économie américaine. Selon l’agence de recherche en ligne QuestionPro, la partie nord-américaine de la tournée aurait généré à elle seule 5 milliards de dollars. Les dépenses supplémentaires des fans – pour les nuitées à l’hôtel ou les transports- auraient rapporté 4,6 milliards de dollars supplémentaires. Le prestigieux journal financier The Wall Street Journal désignera ce phénomène par le terme “taylornomics”. Les esprits chagrins argueront néanmoins qu’il n’est pas ici réellement question de croissance économique, mais plutôt d’un déplacement. En effet, il est probable que l’argent que les “swifties” consacrent aux billets et aux produits dérivés n’ira pas aux vêtements ou aux frappuccinos dans le café du coin.

Pourtant, personne ne peut nier l’existence d’un effet Taylor. Les dirigeants mondiaux se sont bousculés pour attirer la superstar dans leur pays dans l’espoir de relancer l’économie. La cité-État d’Asie du Sud-Est, Singapour, a conclu un accord de près de 17 millions d’euros avec Swift pour obtenir l’exclusivité des concerts dans la région. Bien que le ministre de la Culture, Edwin Tong, ait nié ce chiffre, il n’a pas démenti l’accord. Les analystes ont calculé que les six concerts en question ont fait augmenter le produit intérieur brut de Singapour de 0,2 %. Tant les parlementaires philippins que le Premier ministre thaïlandais ont critiqué cet accord qui a fait chuter le tourisme dans leur pays au cours du premier trimestre de cette année.

‘SES PERFORMANCES EN TANT QU’ARTISTE SONT SI NOMBREUSES QU’IL SEMBLE PRESQUE INUTILE DE LES ÉNUMÉRER’

Time Magazine

Une icône

Cette bisbille entre états confirme ce que les fans ardents savent depuis longtemps : Taylor Swift est une icône et elle domine la scène mondiale. La chanteuse atteint peu à peu un statut mythique sans précédent. La question n’est plus de savoir si un de ses titres va décrocher la première place, mais quand. Spoiler : probablement dès la première semaine suivant sa sortie. Ses paroles de chansons, sa personnalité et son modèle économique vont jusqu’à inspirer des cours universitaires à travers le monde. Il n’y a qu’une seule personne qui peut influencer à la fois la politique américaine et rendre le sport populaire du football américain encore plus populaire, et cette personne c’est Taylor Swift. “Ses performances en tant qu’artiste sont si nombreuses qu’il semble presque inutile de les énumérer”, a écrit Time Magazine lorsqu’elle a été élue personnalité de l’année en 2023.

Le magazine ne doit pas être loin de la vérité. Selon les collaborateurs de campagne du président américain Joe Biden, il existe bel et bien une stratégie Swift. Les sondages d’opinion montrent que le taux de popularité politique de Taylor Swift est plus élevé que celui de Biden et de son adversaire Donald Trump. 18 % de tous les électeurs seraient “probablement” ou “très probablement” enclins à voter pour le candidat recommandé par Swift, selon un sondage de Newsweek. Les voix républicaines imaginent un complot derrière sa relation avec le joueur des Kansas City Chiefs, Travis Kelce. Celle-ci aurait été mise en scène pour influencer les électeurs républicains à voter pour le démocrate Biden.

Ce dernier ne peut qu’être satisfait des rumeurs. Il peut même être tenté de surfer sur l’attention ainsi créée alors que sa popularité est au plus bas. Même la National Football League (NFL) en rit sous cape. Après qu’elle a assisté à un match de son bien-aimé, le compte Instagram officiel de la NFL affichera temporairement “Taylor Swift était ici”. Dans la foulée son armée de fans s’est ruée sur le maillot de Kelce au point de faire augmenter les ventes de 400 %. C’est aujourd’hui le deuxième maillot le plus recherché dans la boutique de la NFL, alors qu’il n’avait même pas réussi à figurer dans le top dix la saison précédente. Pourtant son équipe était déjà, tout comme cette année, en finale du Super Bowl.

Taylor’s version

L’orgueil précède souvent la chute. Avec Swift, c’était le contraire. Elle est tombée très bas à deux reprises avant de pouvoir atteindre de nouveaux sommets avec “The Eras Tour”. “Je n’ai pas manqué de remarquer que les deux grands catalyseurs de cela (le succès, ndlr) étaient deux choses horribles qui me sont arrivées”, a-t-elle déclaré dans Time Magazine. “La première était que j’ai failli être déclarée morte et folle. La deuxième était que mon œuvre de toute une vie m’a été enlevée par quelqu’un qui me déteste.”

Le premier coup dur a eu lieu lors des MTV VMA Awards en 2009. Alors que Swift recevait le prix de la meilleure vidéo de l’année, le rappeur Kanye West a envahi la scène pour protester que “le prix devait revenir à Beyoncé”. C’était le début d’une querelle au long cours qui a atteint son paroxysme en 2016. West a écrit une chanson avec des paroles vulgaires sur Swift, ce qui a entraîné un débat sur la question de savoir si elle avait ou non autorisé ces paroles. Lorsque l’ancienne femme de West, Kim Kardashian, a divulgué un enregistrement suggérant que Swift l’avait effectivement fait, l’opinion publique s’est rapidement retournée contre “la vipère” (la traîtresse). Les médias sociaux de Swift ont été inondés d’émojis de serpents. Ces réactions haineuses l’ont contrainte à disparaître pendant un an des projecteurs. Plus tard, il est pourtant apparu que l’enregistrement n’était qu’un habile montage. Cette période de retraite forcée lui a permis de produire l’album “Reputations” et dans lequel elle défie toutes les attentes.

Le deuxième coup dur est survenu trois ans plus tard, lorsqu’elle a perdu les droits de certains de ses albums après un différend. Elle a tenté en vain de racheter ces droits à son ancienne maison de disques, mais ils faisaient partie d’un accord avec le manager de musique Scooter Braun. Or, à l’époque, il était un allié de Kanye West. Après la déception initiale, Swift s’est rendue en studio pour réenregistrer tous ses albums en “Taylor’s version”. Elle a ajouté quelques nouvelles chansons à chaque album pour inciter les fans à écouter ses versions. Cette démarche audacieuse a divisé le monde de la musique en deux camps. Folie ou géniale, la parade a tout de même poussé les maisons de disques à inclure une clause supplémentaire dans les contrats, rendant presque impossible de reproduire cette astuce.

Ères

Ce  19 avril sort le nouvel album de Swift, “The tortured poets department”. Si la chanteuse parcourt l’Europe dans les mois à venir, quelques chansons de l’album seront probablement jouées. Les rumeurs sur les réseaux sociaux indiquent que le spectacle durera quinze minutes de plus. Le spectacle couvre toutes les ‘eras’, ou époques, qu’elle a traversées en tant qu’artiste. Il est donc logique que la nouvelle partie y soit ajoutée.

Et ces époques sont nombreuses. Depuis ses débuts en tant que jeune fille ambitieuse de Pennsylvanie, Swift a enregistré onze albums. Dans ces disques, les fans peuvent suivre toute sa vie, de chanteuse de country à princesse de la pop jusqu’à la superstar qu’elle est aujourd’hui. Si les premiers albums racontent une sorte d’histoire de passage à l’âge adulte, les suivants évoquent le bonheur et le chagrin amoureux. Les chansons pop joyeuses évoluent en perles acoustiques qui resteront dans les annales. De petite fille à grande dame.

Il y a dix ans, il était presque embarrassant d’être fan de son travail. Elle faisait de la musique pour adolescents avec des chansons mielleuses. ‘Folklore’ et ‘Evermore’, les deux albums sortis pendant le confinement, ne sont pas autobiographiques et ont chacun un style totalement différent. Il existe désormais une chanson pour chaque émotion. Taylor continue de se réinventer et cela accroît son attrait.

Authentique (ou pas)

“Elle parvient de manière authentique et crédible faire croire qu’elle ne fait tout ça que pour une seule raison : ses fans”, déclare Kelly McCormick dans l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. L’Américaine enseigne un cours sur “l’entrepreneuriat brillant de Taylor Swift” au C.T. Bauer College of Business au Texas. “Si d’autres entreprises étaient aussi engagées avec leurs clients, le paysage entrepreneurial serait complètement différent.” Swift place ses fans au premier plan, du moins elle le laisse croire. Elle répond aux messages ou aux théories postés sur les médias sociaux. Elle organise des “sessions secrètes” où un petit groupe de privilégiés peut profiter d’un concert exclusif. Des rencontres qui sont jusqu’à présent gratuites. En comparaison, pour avoir une photo avec Barack Obama lors de l’événement Super Nova au théâtre Studio 100 en Belgique, il fallait débourser 5 000 euros.

“Taylor semble très proche de ses fans”, déclare également Albrecht. “Sur les réseaux sociaux, une danse sur sa chanson ‘Bejeweled’ est devenue virale. Ces pas de danse ont été intégrés à la chorégraphie de la tournée mondiale. Ou lors de la réédition de ‘1989’ (la version de Taylor) : les fans ont dû résoudre ensemble plus de 30 millions de puzzles pour déchiffrer les titres des chansons supplémentaires. C’est ainsi que l’on garde les fans à proximité.” Mais est-ce authentique ? “Pas nécessairement”, dit Albrecht. “Après tout, elle voyage en jet privé et mène une vie de luxe (rires). Mais elle a réussi à créer un sentiment d’engagement.”

C’est grâce à cette armée de fans, à sa musique et à sa tournée que Taylor Swift a figuré pour la première fois cette année sur la liste des milliardaires du magazine Forbes. La chanteuse est ainsi la première artiste à atteindre ce statut uniquement avec des revenus musicaux. D’autres stars ont également obtenu une partie de leurs revenus grâce à des activités secondaires, comme le rappeur américain Jay-Z grâce à des actions et à son catalogue d’art ou la chanteuse Rihanna grâce à son empire de maquillage.

Musicalement, Swift a peut-être traversé de nombreuses ères, mais en tant que société, nous vivons collectivement à l’ère de Taylor Swift. Une femme de 34 ans qui soutient surtout les jeunes filles et les femmes. Elle leur apprend que tout est possible, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Et si au passage elle vend des billets VIP à 494 euros et en tire des bénéfices financiers. Eh bien, c’est l’économie version Taylor.

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