Combien coûterait l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne ?

President Volodymyr Zelensky © Belga

La crainte que l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne ne coûte trop aux Vingt-Sept ne semble pas justifiée. Les évaluations vacillent entre 15 et 19 milliards par an. C’est à peine 0,13 du PIB global et surtout cela serait contrebalancé par des bénéfices.

L’Ukraine a été déclarée candidate en juin 2022 et a reçu le feu vert pour entamer les négociations d’adhésion en décembre 2023. Et si officiellement l’Union européenne ne s’est pas encore concrètement penchée sur la question du coût que cela représente, certains Think Thank se sont déjà attelés à la tâche. Le dernier en date est l’institut Bruegel. Ce dernier stipule que l’adhésion potentielle de l’Ukraine à l’Union européenne pourrait avoir un impact compris entre 110 et 136 milliards d’euros sur le budget septennal de l’Union dans sa dernière projection datée du 7 mars. Soit entre 15,7 et 19 milliards par an. 

Quels seraient les principaux coûts ?

Le premier poste serait les aides agricoles. L’Ukraine étant une grande puissance agricole, elle devrait recevoir des subventions conséquentes de la Politique agricole commune (PAC). Ou plus précisément 85 milliards sur 7 ans. A elle seule elle pourrait représenter « un cinquième des terres agricoles de l’UE », selon l’institut Bruegel. A condition, bien sûr, qu’elle récupère toutes ses terres et que celles-ci sont déminées.

Un autre point problématique est que l’Ukraine est un pays pauvre et que sa situation ne risque pas de s’améliorer dans l’immédiat. Car même si elle parvient à se redresser de façon spectaculaire, le pays resterait beaucoup plus pauvre que l’État le plus pauvre de l’UE qui est aujourd’hui la Bulgarie. Dans cette optique, le pays pourrait demander de l’aide aux fonds de cohésion de Bruxelles pour les régions défavorisées (comme le fait déjà la Hongrie, la Pologne ou encore la Grèce). Une facture qui – bien que plafonnée à 2,3% du PIB des pays qui en bénéficient- pourrait bien dépasser les 32 milliards sur sept ans, toujours selon Bruegel.  Sans ce plafond, l’Ukraine aurait droit à six fois plus, soit environ 190 milliards d’euros.

Plus gênant pour les pays qui bénéficient de la PAC où du fond de cohésion, cela signifie, le budget n’étant pas sans fond, aussi moins d’argent pour eux. L’institut estime ainsi que cela signifie que les membres actuels de l’UE recevraient également 24 milliards d’euros de moins en fonds de cohésion. Mais aussi que d’autres contributeurs plus riches comme la France où l’Allemagne paierait plus (environs 0,1 de leur PIB). Mais toujours selon Bruegel, l’intégration ne traduirait que par un impact limité puisque la plupart des pays doivent déjà faire face à une baisse de ces revenus.

L’Ukraine recevrait également 7 milliards d’euros provenant d’autres programmes. On notera enfin que la contribution de l’Ukraine au budget de l’UE s’élèverait à 14 milliards d’euros.

Au total, le coût net de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE pour les pays de l’UE actuelle s’élèverait, selon Bruegel, à 136 milliards d’euros en 7 ans (sur la période 2021-2027), soit 0,13 % du PIB de l’UE. Ou à 111 si le territoire, la population et le PIB de l’Ukraine sont réduits de façon permanente de 20%, soit 0,10 % du PIB de l’UE. C’est bien moins que les 186 milliards d’euros annoncés par le Financial Times en octobre dernier et qui se basait sur la fuite d’une étude du Conseil. Et si le montant reste conséquent, il n’est pas non plus pharaonique. Selon Zsolt Darvas, chercheur principal à Bruegel et l’un des auteurs du rapport l’augmentation du budget serait “relativement modeste” et donc “faisable”. A ceci près que ces montants ont été calculés sur une Ukraine d’avant-guerre. Soit avec une population et des territoires qui datent d’avant l’invasion russe. Les conclusions ne tiennent pas compte non plus des coûts énormes de la reconstruction (450 milliards d’euros pour la prochaine décennie).

Pour quels bénéfices économiques ?

L’entrée de l’Ukraine n’aurait pas qu’un prix, elle pourrait aussi amener des gains, précise encore l’institut. S’ils font partie de l’Union, les Ukrainiens consommeraient davantage de produits, rapporteraient plus de recettes fiscales et plus d’emplois. L’écart de richesse pourrait également pousser vers d’autres pays européens de trois à six millions d’Ukrainiens.

Le plus gros danger qui guette l’adhésion de l’Ukraine n’est donc pas tant les coûts que la mauvaise qualité de la gouvernance, des niveaux élevés de corruption et à l’influence persistante des oligarques. L’état de droit et la démocratie sont deux choses encore trop fragiles en Ukraine que pour tabler dessus sur le long terme. C’est surtout cela qui risque de plomber sa candidature.

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