Climat: une étude inédite évalue les efforts des pays depuis l’Accord de Paris, la Belgique mal classée

L’Observatoire Hugo de l’Université de Liège en collaboration avec le gestionnaire de fonds DPAM, a élaboré un classement des performances des pays par rapport à l’Accord de Paris. Ce projet à la méthodologie innovante vise à mesurer précisément le degré d’alignement des Etats, notamment en ce qui concerne la limitation de la hausse de la température mondiale à 1,5 °C.

Dans le contexte de la COP29, une étude inédite dirigée par François Gemenne de L’Observatoire Hugo de l’Université de Liège en partenariat avec le gestionnaire de fonds DPAM, a évalué 23 grandes nations sur leurs progrès réels en faveur du climat depuis l’Accord de Paris en 2015.

“Savoir où en sont précisément les pays”

« Il y aaujourd’hui un vrai besoin politique, à la fois dans le cadre des négociations internationales, mais aussi dans l’opinion publique, de savoir où en sont précisément les différents pays sur la question climatique. L’Accord de Paris signé en 2015 repose sur une logique volontariste des différents États. Mais aucun classement, jusqu’à présent, ne permettait de quantifier le respect des engagements pris à cette occasion, en passant en revue les principaux critères de l’Accord. Il nous a donc semblé important de pouvoir le faire, avec un score global, de façon à avoir une sorte de monitoring du respect des engagements. Sinon, on n’a aucun moyen de juger les promesses, auquel cas ce sont des promesses en l’air », explique François Gemenne.

Indicateur composite

Aidan Geel, doctorant de l’Université de Liège, qui a travaillé à l’élaboration du classement, ajoute : « Ce classement est le premier basé sur un indicateur composite qui, outre la limitation de la température, mesure la performance des pays en intégrant la nature multidimensionnelle de l’Accord de Paris et l’action climatique internationale. Il représente une étape importante dans la redéfinition de ce que signifie réellement la lutte contre le changement climatique pour un pays. »

Autriche, Allemagne et Suisse en tête

Le classement révèle quelques surprises. Ainsi, l’Autriche arrive en tête. Son engagement à atteindre le « net zéro » dix ans avant la plupart des pays développés et ses performances équilibrées dans d’autres domaines confirment sa position de leader. Des améliorations sont néanmoins possibles, en particulier sur le plan du financement international de la lutte contre le changement climatique où l’Autriche se place en 16e position.

Quelques surprises

L’Allemagne, malgré une note moyenne sur les émissions, est bien classée aussi. Le pays a réussi à compenser ses lacunes en faisant des efforts sur d’autres engagements. La Suisse se distinguent aussi en tête de classement. L‘Espagne est en 5e position et la France en 9ème. Ces résultats peuvent surprendre, car des pays souvent perçus comme des modèles en matière de transition écologique, tels que l’Islande, la Norvège, le Danemark et la Finlande, se retrouvent plutôt dans le “ventre mou” du classement. Le Danemark et l’Islande, bien classés sur les émissions, ont en effet chuté dans le classement en raison de performances insuffisantes en matière de transparence ou de soutien aux pays en développement.

La Belgique en queue de peloton

Quant à la Belgique, malgré les places respectables qu’elle obtient sur le plan des émissions, à la 8e place pour les émissions actuelles et à la 10e pour les émissions projetées, elle n’arrive qu’à la 19e place sur 23 au classement final. Notre Royaume est nettement moins performant que les autres pour les indicateurs liés à la gouvernance, en particulier pour ce qui concerne son objectif du « net zéro » et pour ce qui est de sa contribution à la transparence multilatérale, pointe l’étude. Si la Belgique corrige ces points faibles, elle pourrait nettement progresser dans son classement ces prochaines années.

Les États-Unis, en particulier, affichent le score le plus bas de tous les pays étudiés, étant 4,5 fois inférieur à celui de l’Autriche.

Grande disparité

« Ce qui me surprend en termes de résultats, c’est la disparité qui apparaît au regard des différents critères. Certains pays sont très bons sur certains critères, comme sur l’adaptation ou l’appareil législatif par exemple, mais se révèlent mauvais sur d’autres. Inversement, certains pays ont des trajectoires de réduction de leurs émissions très importante, mais ne sont pas à la hauteur sur d’autres critères. Ainsi par exemple, le Danemark et la Suède, souvent considérés comme des modèles de la transition écologique, se retrouvent avec un score moins élevé que la France (ils se situent respectivement aux 11e et 17e rang sur 23 pays, alors que la France est 9e). Au regard de l’Accord de Paris, on ne peut pas dire que ces pays soient des modèles… », commente François Gemenne.

Une méthodologie innovante, « sans concession »

Pour construire son indicateur global de conformité à l’Accord de Paris, l’Observatoire Hugo a utilisé une méthode qualifiée “sans concession”. 6 indicateurs clés couvrant les principales promesses ont été définis. La méthode se base sur une approche géométrique, limitant les compensations entre bons et mauvais scores pour chaque indicateur. Le classement prend également en compte la responsabilité historique des pays en matière d’émissions, leur capacité d’action économique, et leur poids démographique mondial pour une évaluation plus équitable.

Voici les six indicateurs principaux,
1. Émissions actuelles (9,3%): mesure si les émissions actuelles respectent les objectifs nationaux, l’objectif de 1,5 °C, et une trajectoire équitable compatible.
2. Émissions projetées (24,8%): évalue les prévisions de réduction d’ici 2030 par rapport aux mêmes critères que pour les émissions actuelles.
3. Objectif du net zéro (25,1%): analyse la portée des engagements de neutralité carbone, incluant les types de gaz ciblés, le cadre juridique, et l’année d’atteinte visée.
4. Adaptation (10,9%): évalue les efforts pour renforcer la résilience climatique, via une évaluation des risques, un plan national d’adaptation, et un suivi des actions.
5. Moyens de mise en œuvre (15,7%): concerne le soutien aux pays en développement, mesuré en termes d’aide financière, de projets de transfert technologique, et de renforcement des capacités.
6. Transparence multilatérale (14,2%): évalue la qualité des rapports climatiques, leur transparence, et leur actualité pour garantir une responsabilité internationale.

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