Chine : 15 jours de prison pour avoir porté un kimono ?
La Chine envisage d’interdire les vêtements qui “blessent les sentiments” de la nation. Ceux qui bafoueraient cette loi risquent amendes et même prison. Si la loi n’est pas encore approuvée, elle montre pourtant que la Chine réduit chaque jour un peu plus les libertés personnelles.
En Chine, le choix de sa tenue risque bientôt d’être encore plus cornélien. Le vêtement ne doit plus seulement flatter et être pratique. Il doit aussi être suffisamment patriotique. Les autorités chinoises souhaitent interdire certains vêtements qui, selon eux, sont perçus comme un outrage à la nation. Si le document ne précise pas, encore, quels types de vêtements sont concernés, transgresser la loi ne sera pas sans conséquence. Porter des vêtements « illégaux » dans un lieu public, c’est en effet prendre le risque d’encourir une détention pouvant aller jusqu’à 15 jours et des amendes de 5 000 yuans (640 euros) dit Bloomberg.
Des vêtements qui nuisent au peuple chinois
Les dernières mesures sont toutes des amendements de la loi sur les sanctions de l’administration de la sécurité publique. Cette loi est entrée en vigueur en 2006 et donne à la police le pouvoir de détenir des suspects pendant des semaines pour un de plus en plus large éventail de délits. Ainsi le texte prévoit aussi d’interdire « d’insulter, de diffamer, ou de porter atteinte aux noms des héros locaux et des martyres » ou de diffuser des articles ou des discours qui « nuiraient » eux aussi « au peuple chinois ».
Ce n’est pourtant là qu’une énième mesure dans une longue série de lois dégainées par Pékin pour restreindre la « mauvaise influence » de pays et d’entreprises étrangers, précise CNN. Depuis qu’il a accédé au pouvoir en 2012, le président chinois Xi Jinping a cherché à redéfinir ce qui fait un citoyen chinois modèle. Depuis dix ans Xi réprime les libertés civiles dans ce pays de quelque 1,4 milliard d’habitants. En 2019, le Parti communiste chinois a également publié des “lignes directrices sur la moralité” qui comprennent des directives telles que la politesse et la “foi” en M. Xi et en son parti.
Cette répression passe aussi par un renforcement la censure sur internet et en établissant une « troisième voie » économique qui allierait force des marchés et interventions étatiques. Les entrepreneurs privés doivent désormais s’aligner sur les orientations du PCC. Le tout dans un environnement juridique et réglementaire de plus en plus contraignant. Certaines personnalités de premier plan ont aussi été mises au pas par Pékin qui les trouvait trop puissantes. Jack Ma le patron d’Alibaba en est l’exemple emblématique. Le numéro un chinois du commerce en ligne affiche toujours un chiffre d’affaires de 868 milliards de yuans (112 milliards d’euros) et est utilisé par plus de 900 millions de Chinois chaque année. En avril 2021, Alibaba est puni d’une amende record de 18 milliards de yuans pour abus de position dominante. Quelque temps auparavant Jack Ma avait disparu de la circulation pendant trois mois. L’ancien chouchou se mue alors en symbole des risques politiques qui planent sur les entreprises en Chine.
Excessif et absurde ? On peut être arrêté parce qu’on porte un kimono
Cette proposition de loi vestimentaire s’inscrit aussi dans un contexte d’un nationalisme grandissant. En Chine les choix vestimentaires sont devenus de plus en plus politiques. On y porte ainsi le Hanfu, un vêtement traditionnel de la Chine impériale sous les Tang, pour montrer qu’on est bon Chinois. Cette tenue traditionnelle qui mélange de nationalisme et de folklore serait de plus en plus tendance auprès de la jeunesse chinoise.
A contrario, le port de vêtements japonais comme le kimono est considéré comme antipatriotique. Ils font l’objet de remarques voire de harcèlement policier. Le sentiment antijaponais reste une réalité en Chine et la querelle séculaire est facilement réveillée. Le différend autour de la décision de Tokyo de rejeter dans l’océan les eaux usées traitées de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima en est le dernier exemple. Les tenues japonaises ne sont cependant pas les seules visées. Des personnes portant des répliques de vêtements militaires ou des tenues aux couleurs de l’arc-en-ciel LGBTQ+ ont aussi été victimes de brimades. Et que dire du costume-cravate qui vient de l’occident ? Est-ce aussi une tenue offensante ?
Et c’est là qu’est, pour beaucoup de Chinois, le véritable problème de cette proposition de loi. En ne précisant pas exactement quels vêtements « blessent les sentiments de la nation », elle laisse son interprétation au jugement des forces de l’ordre. Ce qui peut entraîner une application excessive de la loi. Ainsi Zhao Hong, professeur de droit à l’Université chinoise de sciences politiques et de droit précises à la BBC que “le manque de clarté pourrait conduire à une violation des droits personnels”.
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