Biden autorise les tirs ukrainiens en Russie: escalade dangereuse ou peau de banane politique?

L'annonce faite par le président Joe Biden depuis la forêt amazonienne a surpris tout le monde. (Photo by SAUL LOEB / AFP)
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

La décision prise par le président américain sortant d’autoriser les tirs de missiles à longue portée indispose Moscou. L’économiste Bruno Colmant y voit un risque majeur. D’autres, comme le spécialiste de la défense Alain De Nève, y voient davantage un geste politique.

Moscou n’est pas content. L’autorisation donnée à Kiev par Joe Biden pour utiliser des missiles américains à longue portée sur le territoire russe est de nature à “jeter de l’huile sur le feu” dans le conflit en Ukraine, a déclaré lundi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Si elle devait être officiellement confirmée par Washington, cette autorisation conduirait à “une situation fondamentalement nouvelle en termes d’implication des Etats-Unis dans ce conflit“, a encore mis en garde le porte-parole.

Annoncée à la veille d’un sommet des pays industrialisés au Brésil, consécutive à une des attaques les plus massives de la Russie sur l’Ukraine, cette décision marque-t-elle un tournant majeur ou n’est-elle qu’un geste politique destinéeà jeter une “peau de banane” sous les pieds de Donald Trump avant son entrée à la Maison-Blanche?

“Ce qui se passe est très grave”

L’économiste et académicien Bruno Colmant s’alarme: “Nous avons donc un homme, le Président des États-Unis, qui décide que cette guerre ukrainienne, qui a déjà fait plus d’un million de morts, puisse passer au stade offensif et attaquer le cœur de la Russie, qui est certes l’agresseur, mais qui est aussi une puissance nucléaire. Et qu’allons-nous faire si cette guerre subit une accélération brutale, alors que des soldats nord-coréens conduisent à ce qu’elle n’oppose plus deux pays, mais deux mondes. Ce qui se passe est très grave.”

Bruno Colmant s’étonne, comme de nombreux observateurs, sur le silence de plomb européen, alors que les divergences au sein de l’Union sont criantes, après le coup de téléphone passé par le chancelier allemand Olaf Scholz, au président russe, Vladimir Poutine. “Bizarrement, on n’entend plus les responsables européens qui acclamaient l’Ukraine jusqu’au festival de Cannes, prolonge-t-il. Car tout le monde comprend qu’être un va-t-en-guerre sur papier, c’est plus facile que d’être confronté à une menace nucléaire qui pourrait se matérialiser.”

Une “geste politique”

Pour de nombreux experts, il s’agit avant tout d’une bravade du président américain sortant destinée à poser problème à son successeur, Donald Trump. Interrogé par L’Echo, Roger Housen, ancien colonel et expert militaire estime qu’il s’agit d’une “décision importante sur le plan politique et symbolique“. Mais cela ne devrait pas avoir un impact immédiat sur le champ de bataille, selon lui: “Avec les ATACMS américains, l’Ukraine pourrait viser un quartier général russe ou des lignes de communication logistiques. Mais l’impact sera minimal.”

Alain De Nève, spécialiste militaire, abonde: “Aussi surprenante que cette annonce puisse apparaître, elle ne nous dit pas grand chose et est encore moins le prélude à des changements majeurs“.

Pourquoi? Il résume en quatre points. Premièrement, il ne s’agit pas d’un chèque en blanc: “Bien que l’Ukraine soit autorisée à employer les missiles ATACMS contre des cibles situées sur le territoire russe, la concession américaine ne constitue pas pour autant un chèque en blanc. En d’autres termes, les Etats-Unis désigneront limitativement les zones en Russie contre lesquelles l’Ukraine pourra frapper à l’aide des missiles ATACMS.”

Deuxièmement, tout dépend… de l’arsenal militaire disponible: “Octroyer l’autorisation d’emploi de tels missiles aux Ukrainiens est une chose. Une toute autre chose – et d’importance – est de savoir de quelle réserve de missiles de ce type l’Ukraine dispose encore et pourra disposer à l’avenir.” 

Trois: l’autorisation américaine ne modifiera pas le rapport de forces sur le terrain, dit-il. Et quatre: “L’annonce américaine place paradoxalement la pression sur les pays européens, en particulier sur ceux qui fournissent ou sont équipés de missiles de croisière.”L’Allemagne, notamment, n’est guère disposée à aller dans cette surenchère.


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