Les entourloupes des Russes pour contourner le plafond sur le pétrole révélées

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Entré en vigueur il y a près d’un an, le plafond du G7 sur le prix du pétrole russe ne serait plus respecté aujourd’hui. Traders et compagnies pétrolières utilisent différentes astuces pour le contourner.

Pour s’attaquer à la Russie et défendre l’Ukraine, le G7 et l’UE ont voulu limiter les rentrées financières russes. Pour que Moscou puisse investir moins d’argent dans la guerre. Sanctions et embargos sont tombés. Notamment sur les matières premières énergétiques, comme le pétrole.

L’Europe a par exemple mis en place un embargo quasi total sur le pétrole brut et les produits pétroliers (comme le diesel) russes, fin 2022 et début 2023. Les États-Unis avaient pris une décision similaire, peu après le début de la guerre (la part russe dans leurs importations était relativement limitée).

En décembre de l’année dernière, le G7 (composé du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, du Royaume-Uni et des Etats-Unis), accompagné de l’Union européenne dans son ensemble et de l’Australie, a décrété un plafond sur le pétrole russe. Concrètement, les compagnies de transport maritime et d’assurance de ces pays ne peuvent pas accepter des cargaisons de pétrole russe qui dépassent 60 dollars le baril.

Cela devait être efficace, car ces compagnies représentent l’immense majorité du marché, surtout les assurances. Sans les papiers nécessaires, il est difficile de faire effectuer une livraison de pétrole. Le plafond a été efficace pendant de longs mois… notamment car le prix du marché ne dépassait pas le plafond. Mais dernièrement, la donne a changé.

Plafond contourné

“Presque aucune” cargaison de pétrole russe, livrée par voie maritime, était dans les clous en octobre. C’est ce que glisse une source haut placée d’un gouvernement européen au Financial Times. Selon les données d’exportation russes, le prix moyen était même de plus de 80 dollars.

Comment le plafond est-il contourné ? La Russie utilise en fait sa propre flotte, et ne passe donc pas forcément par les compagnies occidentales. Il s’agit de navires usagés, qui circulent souvent sans radar, pour cacher leur origine et contourner des sanctions, par exemple. Cette “flotte fantôme” existait déjà avant la guerre, dans le monde pétrolier. Sanctions sur le brut iranien ou vénézuélien, transfert de pétrole en haute mer, nettoyage de la cale en haute mer… les raisons pour naviguer sous le radar sont multiples. Mais avec la guerre en Ukraine, le nombre de vaisseaux fantômes russes a rapidement augmenté. L’embargo européen a donc effectivement pu être contourné, comme le montraient des enquêtes en avril. C’est notamment au large de la Grèce que le tour de passe-passe s’opère. Ou le pétrole part en Inde, où il est raffiné et devient “indien”.

Mais il y a également une autre astuce, qui semble plus nouvelle (du moins dans le cadre du plafond). Lorsqu’il arrive aux Russes de passer par des compagnies d’assurances occidentales (37 des 134 pétroliers expédiés en octobre, un nombre en chute ces derniers mois), ils maquillent les chiffres. Les traders ou compagnies pétrolières augmentent par exemple les frais d’expédition, sur le papier, pour masquer le prix du brut plus élevé et pour tromper les compagnies d’assurance, craignent des responsables politiques européens relayés par le FT.

Vers un renforcement du plafond ?

Malgré ce nombre très limité de barils vendus sous le plafond, l’outil ne serait pas un échec pour autant. Contourner les compagnies d’assurance européennes a un coût pour la Russie, selon un représentant du Trésor américain et Jeffrey Sonnenfeld, professeur à Yale et conseiller lors de la décision sur le plafond. Le pétrole russe doit par exemple faire des routes plus longues, les assurances sont plus chères et des investissements sont nécessaires, ce qui grignote les marges et donc les rentrées financières de Moscou.

Néanmoins, le plafond pourrait être renforcé. Une intervention au niveau des achats de pétroliers usagés de la Russie est également sur la table. Reste à voir si les décideurs arriveront à se mettre d’accord. Pour le plafond, les négociations avaient duré de longs mois.

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