Injure, diffamation: tout n’est pas permis sur Twitter

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Sébastien Proust, avocat au cabinet Herbert Smith Freehills, revient sur les données du jugement condamnant à 150 euros d’amende avec sursis et 1 euro de dommages et intérêts un internaute, pour injure publique sur Twitter à l’égard du président de l’UMP François Copé.

Ce n’est pas parce qu’on s’exprime sur Twitter que l’on peut injurier impunément un homme politique. Jean-François Copé a fait condamner ce mardi un internaute pour injure publique, à 1 euro de dommages et intérêts et 150 euros d’amende avec sursis, pour avoir publié un montage photo injurieux sur son compte Twitter l’année dernière. Sébastien Proust, avocat au cabinet Herbert Smith Freehills, revient sur les éléments de ce jugement.

Ce jugement du tribunal correctionnel de Paris vous surprend-il?
Pas du tout, tant du point de vue de la démarche – ces propos étaient injurieux cela ne prête à aucune discussion – que de la condamnation elle-même, sauf peut-être en ce qui concerne le sursis, qui est assez étonnant. Il faut d’ailleurs signaler que dans les principes, on peut risquer bien plus qu’une amende symbolique.

Ce qui est assez drôle, en revanche, c’est la demande des avocats de Jean-François Copé de faire publier à cet internaute 466 tweets faisant état de sa condamnation (le message avait été retweeté 466 fois, ndlr), et comprenant des excuses. La publication judiciaire fait partie de l’arsenal des juges, mais lui faire dire qu’il s’excuse n’avait aucune chance d’aboutir.

L’internaute a été condamné pour injure publique. C’est forcément le cas sur un réseau social?

La qualification d’injure publique est à l’appréciation souveraine du juge. L’injure se définit comme des propos outrageants, une invective qui dépasse la liberté d’expression. Elle se différencie de la grossièreté. Les juges admettent une grande marge de manoeuvre vis-à-vis des hommes politiques. La caricature, la satire font partie de la vie démocratique. Pour cette raison il est plus facile d’obtenir une condamnation quand on n’est pas une personnalité politique.

Quant au caractère public, il s’applique à tout support. La publicité, c’est l’accessibilité. Les magistrats sont extrêmement attentifs à ne pas faire d’internet une exception en matière de diffamation ou d’injure. Internet est soumis aux mêmes règles que les médias. La seule différence, c’est que l’on n’attend pas d’un particulier le même sérieux que d’un journaliste, par exemple.

Tout le monde a la possibilité d’attaquer tout le monde pour une injure sur Twitter?

Absolument. La seule limite, c’est le très court délai de prescription, qui est de trois mois. Ce qui pourrait être remis en cause par le projet de règlement européen qui introduit le droit à l’oubli. Il donnerait un droit d’effacement et pourrait affecter le droit de la presse, et conduire à une multiplication des demandes de retrait d’articles et d’archives.

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