Incroyable: les banques n’ont plus besoin de nos dépôts!

J’anime parfois des débats pour le secteur bancaire et les clients me demandent souvent pourquoi les banques rémunèrent aussi peu notre épargne. En effet, 0,11%, ce n’est pas très gras. Mais les banques n’y sont pour rien. Rappelons que pour nous sauver de la crise, les gouvernements et les banques centrales ont fixé artificiellement les taux d’intérêt à court terme à 0% ou presque. Auparavant, les banques pouvaient bien gagner leur vie en prêtant à d’autres l’argent que nous déposions chez elles. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus compliqué.
En fait, disons-le brutalement: notre argent n’intéresse plus les banques! D’abord parce qu’elles croulent sous les dépôts des épargnants depuis des années. Ensuite parce que le covid n’a guère amélioré les choses: privés de voyages, de restos, de loisirs, les Belges ont épargné 20 milliards d’euros de plus en 2020. Bien entendu, si les banques pouvaient recycler tous leurs dépôts sous forme de crédits, la vie serait belle. Après tout, la différence de marge entre les dépôts et les crédits reste positive. Mais le hic, c’est que ces dernières années, le volume des dépôts entrant dans les banques excède les volumes de nouveaux crédits qui sortent. En clair, il n’est pas possible de transformer l’ensemble des dépôts en crédits. Les banques commerciales sont donc obligées de parquer ces excès de liquidités auprès de la Banque centrale européenne à -0,5%! Mais comme ces mêmes banques sont obligées légalement de rémunérer nos dépôts à du 0,11%, cette activité devient déficitaire.
Auparavant, les banques pouvaient bien gagner leur vie en prêtant à d’autres l’argent que nous déposions chez elles. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus compliqué.
Résultat: les banques boudent nos dépôts car ils s’avèrent toxiques tant que les taux d’intérêt restent artificiellement aussi bas. C’est la raison pour laquelle la filiale belge d’une banque néerlandaise, Rabobank.be, a décidé de quitter la Belgique alors qu’elle était là depuis presque 20 ans. Motif? Cette petite banque d’épargne qui n’avait qu’un siège à Anvers se contentait d’offrir un taux d’intérêt légèrement supérieur à celui des autres établissements bancaires. En clair, elle venait écrémer le marché belge de ses liquidités qu’elle pouvait elle-même écouler dans son réseau international sous forme de crédits rentables. Avec ses coûts de fonctionnement limités chez nous, Rabobank.be pouvait pouvait attirer les clients avec un taux d’intérêt un peu plus élevé que le marché. Autrement dit, c’était une banque opportuniste pour des clients opportunistes.
Rabobank a donc décidé de fermer sa filiale belge malgré ses 228.000 clients et les 7 milliards d’euros de dépôt de ceux-ci. La raison? Personne n’a voulu acheter cette banque. Aucun repreneur à l’horizon. C’est le même scénario qui s’est produit il y a quelques semaines pour la filiale française de la banque sino-britannique HSBC. En effet, HSBC a vendu sa filiale française non pas en recevant un chèque de l’acheteur mais en payant un milliard d’euros à celui-ci.
La leçon à en tirer? La tendance à la réduction des réseaux d’agences, déjà en vogue depuis 20 ans, va s’accélérer. Pas de stress à avoir, il n’y aura pas de remous sociaux. D’abord parce que les banques ont les moyens de fermer leurs agences en douceur avec de bons chèques à la clé. Ensuite, parce que les clients – merci le covid – se sont habitués à aller de moins en moins souvent aux guichets de leur banque. Un proverbe dit: « quand le serpent mue, il est aveugle ». Ce « Point Final » essaie de ne pas tomber dans ce travers en vous montrant justement les signaux faibles, ceux que les autres ne voient pas. Ou pas trop.
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