Tout est aligné pour un prix du pétrole élevé, mais il ne décolle pas : que se passe-t-il ?

Champ de pétrole - Getty Images © Getty Images
Baptiste Lambert

Des tensions géopolitiques à leur paroxysme, une réduction intentionnel de l’offre et une demande qui reste solide. Rien à faire, le pétrole ne décolle pas et perd mêmes du terrain. Les pays producteurs et les grands groupes pétroliers déchantent : la fête est finie.

La période qui a vu le prix du Brent de mer du Nord tutoyer les 120 dollars, au plus fort de la crise ukrainienne, semble s’être refermée. Au même titre que le gaz, les prix du pétrole sont rentrés dans les rangs, oscillant depuis des mois autour des 80 dollars, soit son niveau médian des années 2000. Début de semaine, le baril de Brent atteignait même les 74 dollars, le WTI végétait lui à peine au-dessus de 71 dollars.

Facteurs à la hausse

Pourtant, les inquiétudes au Moyen-Orient ont à nouveau gagné en intensité. L’assassinat d’Ismaël Haniyeh, le chef de la section politique du Hamas, tué à Téhéran, en Iran, grand producteur de pétrole, aurait dû embraser le prix de l’or noir. Tant le Hamas que le Hezbollah, au Liban, et le régime iranien, ont promis de répliquer avec force contre Israël. D’autres attaques des rebelles houtis, soutenus par l’Iran, pourraient également perturber le trafic de navires pétroliers en mer Rouge. Mais rien n’y fait : le prix du pétrole reste imperturbable, alors que le conflit en Russie semble n’être plus qu’une variable d’ajustement.

Côté production, les pays de l’OPEP tentent depuis des mois de pousser artificiellement les prix à la hausse en réduisant leur production de pétrole. Des coupes de l’Arabie saoudite, qui doit financer ses projets pharaoniques, sont sans cesse prolongées. De même que la coupe décidée par l’OPEP+ qui privera le marché de 1,65 million de barils par jour jusqu’à fin 2025, au moins. On estime que l’OPEP+ garde actuellement sous terre près de six millions de barils. Mais c’est un calcul difficile, dans la mesure où certains pays ne jouent pas vraiment le jeu.

Du côté de la demande, elle n’est pas dégueulasse. Elle devrait continuer à augmenter en 2024. L’AIE, en mai dernier, a légèrement revu ses prévisions à la baisse, mais la demande devrait augmenter de 1,1 million de barils par jour (mb/j) cette année, pour un total de 103 mb/j. L’OPEP, comme toujours, est encore plus optimiste.

Facteurs à la baisse

Mais lundi dernier, krach boursier. Les chiffres de l’emploi américain font craindre une récession à laquelle les États-Unis pensaient échapper. L’industrie et la consommation américaines sont à la peine. Les prix du pétrole ont suivi le mouvement.

En Chine, un constat similaire. La croissance y ralentit structurellement et a désormais bien du mal à dépasser les 5% promis. La crise immobilière est toujours la cause d’une confiance perdue du consommateur chinois. La demande intérieure n’a jamais retrouvé son niveau pré-covid.

Assez rapidement, toutefois, il s’est avéré que les craintes sur l’économie américaine étaient largement exagérées. Les marchés ont paniqué et surréagi, comme souvent.

La fête est finie

Preuve de la fin d’un rêve éveillé, les géants du pétrole ont tous partagé des résultats en baisse au deuxième trimestre. C’est dû à la chute du prix du gaz et à une contraction de leurs marges de raffinage. Par exemple, le résultat net de la branche raffinage-chimie de TotalEnergies s’est écroulé de 39 % en un an pour TotalEnergies, indique Les Echos. Au total, le géant énergétique a fait part de résultats nets en baisse de 15% sur les 6 premiers mois de l’année,

Le bénéfice net de Shell a lui reculé de 8%, celui d’ExxonMobil de 10%, Chevron de 20%, et la palme revient à Chevron : 79% sur le premier semestre. La parenthèse de la crise énergétique et de ses surprofits est terminée.

Pas de quoi non plus déprimer les géants pétroliers, dont les bénéfices se mesurent toujours en milliards de dollars. D’ailleurs, quasiment tous ont décidé de relancer leur production et les nouveaux investissements, faisant fi des objectifs climatiques. Aucun grand producteur n’est d’ailleurs dans les clous pour suivre les objectifs de décarbonation.

Tous veulent profiter des derniers moments de gloire de l’ère des hydrocarbures, et tant pis pour les surcapacités futures. Rappelons que l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) voit le pic des hydrocarbures pour la fin de la décennie.

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