Dès 2027, l’Europe instaurera une nouvelle taxe carbone sur le chauffage et les carburants. Objectif : réduire les émissions de CO2. Conséquence : des factures plus lourdes, surtout pour les ménages wallons et les plus modestes. Voici ce que le marché carbone ETS 2 va changer, selon une nouvelle étude du Bureau du Plan, et comment la Wallonie compte limiter la casse.
Dès 2027, l’Union européenne déploiera un nouveau marché du carbone, appelé ETS 2 (pour Emissions Trading System 2). Son objectif : réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs du chauffage des bâtiments et du transport routier. Il se fera en complément de l’ETS-1 déjà en vigueur depuis 2005 pour l’industrie lourde, la production d’électricité, l’aviation et, plus récemment, le transport maritime.
Concrètement, l’ETS 2 imposera aux fournisseurs de carburants et combustibles fossiles (mazout, gaz naturel, essence, diesel, LPG, etc.) d’acheter des quotas d’émission pour chaque tonne de CO2 générée. Ce coût sera ensuite répercuté dans les prix à la pompe ou sur les factures de chauffage. Cette mesure s’inscrit dans la trajectoire climatique de l’UE, qui vise -55% d’émissions d’ici 2030 et la neutralité carbone pour 2050.
Taxe carbone : un impact significatif
Selon les projections du Bureau fédéral du Plan et des simulations réalisées avec le modèle européen EUROMOD, un prix du carbone d’environ 60 euros par tonne de CO2 dès 2027 engendrerait :
- +16% sur le gaz naturel (soit environ +0,13 € pour 10 kWh consommés),
- +21% sur le mazout (+0,19 € par litre),
- +10% sur l’essence et +11% sur le diesel (+0,17 € et +0,19 € par litre respectivement).
Pour un ménage moyen se chauffant au gaz, cela représente un coût supplémentaire de 150 à 200 euros par an, et pour un utilisateur de mazout, la facture grimperait encore plus.
En y ajoutant les frais de carburant, la facture d’énergie pourrait augmenter de 255 à 415 euros par an, si les ménages ne modifient par leur comportement, selon le Bureau du Plan.
Notons que c’est moins que ce qu’évaluait le rapport sur les impacts de l’ETS-2 pour la Belgique de Trinomics, financé par l’Union européenne, qui parlait d’une fourchette de 365 à 655 euros.
Les ménages wallons particulièrement exposés
L’étude montre que les Wallons sont davantage touchés que les Flamands et les Bruxellois, pas tellement par rapport au lieu de résidence (4% de chances d’avoir des dépenses plus élevées en Wallonie qu’en Flandre en raison de logements plus spacieux et moins bien isolés), mais surtout en raison de ces deux facteurs :
- une utilisation plus fréquente du mazout pour le chauffage (34% de risque accru),
- et une plus forte proportion de ménages aux revenus modestes (22% de risque accru).
D’après la base de données EUROMOD, les ménages consacrent en moyenne 3,8% de leurs revenus aux combustibles de chauffage et 3,7% à l’essence et au diesel.
Sans mesures compensatoires, les résultats de l’étude indiquent que 15% des ménages précaires verraient leurs dépenses de chauffage augmenter de plus de 1% de leurs revenus, et parmi ceux-ci 4% de plus de 2% de leurs revenus.
Un risque accru de précarité énergétique
Les hausses de prix combinées sur le chauffage et le transport pourraient faire basculer davantage de foyers dans la précarité énergétique. Déjà aujourd’hui, selon Trinomics, 17,6% des ménages wallons sont en situation de précarité énergétique. Ce chiffre grimperait à 23% si le prix du carbone atteint 60 euros la tonne.
Le Bureau fédéral du Plan souligne aussi que, en proportion des revenus, les ménages modestes sont bien plus affectés : l’ETS-2 représenterait pour eux entre 1 et 1,3% de leurs revenus, contre seulement 0,4 à 0,6% pour les ménages les plus aisés. Ce sont donc les plus vulnérables qui supporteront la charge la plus lourde.
Quel dispositif pour limiter l’impact ?
Pour amortir le choc, l’Union européenne a prévu un Fonds social pour le climat, financé par une partie des recettes générées par la vente des quotas ETS-2. Sur la période 2026-2032, la Belgique recevra environ 1,66 milliard d’euros, auxquels s’ajouteront des montants nationaux pour atteindre 2,2 milliards d’euros. Mais répartis sur sept ans et entre toutes les entités du pays, ces moyens seront insuffisants pour tout compenser.
Dans le cadre du Plan Social Climat, la Wallonie a acté cinq mesures structurantes, il y a quelques semaines :
- Développement du transport social à la demande,
- Création d’un budget mobilité favorisant la multimodalité,
- Soutien aux micro-entreprises pour améliorer leur efficacité énergétique,
- Accélération des rénovations énergétiques dans les logements publics,
- Amélioration de la performance énergétique des logements sociaux en Communauté germanophone.
Pour le gouvernement wallon, il s’agit d’ériger ces actions en filet de sécurité mais aussi en levier pour la transition énergétique et économique. “Le Gouvernement aura à cœur d’utiliser les moyens disponibles de manière efficiente afin de soutenir les ménages face aux augmentations des prix des combustibles induits par les dispositions prises par l’Europe », promettait la ministre wallonne de l’Énergie, Cécile Neven.

Un impact sur tout le marché de l’énergie
Il est important de noter que si l’ETS 2 vise principalement le chauffage et les carburants, son effet indirect pourrait aussi se répercuter sur l’électricité dans les logements utilisant des chaudières hybrides ou des pompes à chaleur couplées au gaz, ainsi que via l’augmentation générale du coût de l’énergie qui affecte l’ensemble du marché.
De plus, comme le système est conçu pour réduire le nombre de quotas chaque année (-5,38%/an), le prix du carbone pourrait mécaniquement augmenter dans les années suivantes, sauf intervention sur le marché pour stabiliser les prix. Ainsi, le coût climatique de nos consommations devrait continuer à croître si rien n’est fait pour adapter durablement nos logements et nos habitudes de transport.