Les éoliennes offshore sans surveillance en Europe, une cible facile pour des sabotages?

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Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste

Pour tenir ses objectifs, l’UE doit multiplier par 10 son rythme de déploiement des éoliennes offshore. Un défi pour un secteur déjà confronté à des problèmes de sécurité… « S’ils le veulent, les Russes pourraient causer des dégâts », estime le gérant du parc éolien offshore de Nysted (Orsted).

Attaquer les éoliennes offshore européennes ne demanderait pas beaucoup d’efforts, révèle une enquête réalisée par Reuters. Et pour cause: elles sont sans surveillance, ou presque. Un problème de taille, qui pourrait coûter (beaucoup) d’argent aux États. 1 milliard de dollars, et même plus. C’est sur ce montant que tablent les autorités européennes pour évaluer ce casse-tête sécuritaire.

À ce jour, seuls quelques parcs éoliens ont placé des radars pour surveiller le trafic. Aucun autre équipement de sécurité n’est installé, parce qu’il n’y a aucune obligation de le faire. Mais le récent sabotage du Balticconnector un an après celui de Nord Stream le prouve: le risque lié au manque de sécurité des infrastructures européennes n’est pas à négliger. D’autant que l’Europe se tourne peu à peu vers les sources d’énergie renouvelable pour diversifier ses approvisionnements énergétiques et ainsi garantir son indépendance face aux pétrole et gaz russes.

Des dépenses difficiles à assumer

Alors que les pays de la mer du Nord prévoient à eux seuls d’installer suffisamment d’éoliennes pour alimenter plus de 100 millions de foyers d’ici à 2030, les gouvernements réfléchissent encore au montant qu’ils peuvent consacrer à la protection de ces actifs offshore.

C’est bien là le nœud du problème: déployer des moyens pour garantir et améliorer la surveille des éoliennes offshore a un coût. Rien que pour les pays de la mer du Nord, 3,6 milliards d’euros supplémentaires seraient nécessaires pour sécuriser la totalité des infrastructures s’ils atteignaient leur objectif en matière de capacité offshore. Et jusqu’à présent, personne ne veut concrètement mettre la main au portefeuille.

S’ils le veulent, les Russes pourraient les attaquer

Officiellement, seuls deux pays sur 13 semblent avoir déjà investi ou budgétisé des mesures visant à améliorer la sécurité des infrastructures offshore: la Pologne et le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni a ainsi dépensé 65 millions de livres (79 millions de dollars) pour adapter deux navires à la surveillance marine. Pour les autres, la plupart ont préféré éluder la question, selon l’enquête de Reuters, qui s’est entretenu avec des autorités, des législateurs, des régulateurs, des responsables militaires et des industriels.

La sécurité, une affaire d’État?

Lorsqu’il s’agit de savoir qui doit payer pour de telles mesures, tout le monde se renvoie la balle. La plupart des gouvernements déclarent que la responsabilité incombe aux industriels. Mais ces derniers estiment que c’est aux gouvernements de prendre les devants et de contribuer à fournir les milliards de dollars nécessaires à la protection de ces infrastructures.

« Je pense qu’il est extrêmement important de dire que la protection des actifs dans les eaux territoriales est une affaire d’État et non celle d’un industriel », a déclaré à Reuters le PDG d’Orsted, leader mondial de l’éolien en mer.

Le problème, c’est que la flambée de l’inflation et des taux d’intérêt, l’augmentation des frais de location des fonds marins et la volatilité des marchés de l’énergie ne facilitent pas la tâche aux entreprises du secteur. Difficile donc pour eux d’assumer seuls ces coûts supplémentaires.

Une solution possible: partager les dépenses. C’est en tous cas ce que suggère la Belgique, qui pense que la surveillance des éoliennes offshore est une responsabilité partagée. Le tout serait de ne pas traîner et de trouver un terrain d’entente. Une directive de l’UE visant à renforcer la résilience des infrastructures critiques est en effet entrée en vigueur cette année. Elle exige de chaque pays qu’il mette en place des plans de protection de ses actifs critiques d’ici à 2026.

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