Hedera et NuclearSub: quand l’Etat belge reprend pied dans l’énergie…

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Les structures pour gérer les déchets nucléaires et les centrales prolongées vont voir le jour. C’est un tournant majeur, mais sa gestion reste encore artisanale et risquée…

L’Etat fédéral reprend la main dans l’énergie. L’accord conclu en juin entre le gouvernement De Croo et Engie pour la prolongation de deux centrales nucléaires se concrétise. Et il marque un tournant majeur avec l’apparition de deux structures pour gérer ce qui doit l’être.

La première se nomme Hedera. Ce nom, poétique, vient du nom latin pour “lierre”, “une plante à feuillage persistant et à la croissance robuste”, souligne la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen). Cet établissement public aura pour mission de gérer l’argent provisionné par Engie pour gérer à terme les déchets nucléaires, soit un montant de 15 milliards d’euros, mais aussi de manière plus générale l’ensemble des coûts du démantèlement, à terme. En d’autres termes, des sommes colossales: plusieurs dizaines de milliards à l’horizon 2050.

La deuxième a pour petit nom NuclearSub. Gérée à 50% par l’Etat et 50% par Engie, elle est chargée de veiller au bon fonctionnement des deux centrales nucléaires de Doel 4 et Tihange 3. L’objectif de redémarrage des deux réacteurs au 1er novembre 2025 est confirmé, avec une “obligation de moyens” pour Engie d’y parvenir. La course contre la montre est engagée.

Un Fonds… indépendant?

Ce retour de l’Etat dans la gestion de l’énergie est un premier pas avant d’autres avancées en ce sens. Le secteur est hautement stratégique et la transition nécessitera des investissements considérables. Il est, par exemple, prévu que l’Etat, via la SFPI, participe à la recapitalisation d’Elia, le gestionnaire de réseau.

Des questions restent toutefois suspendues aux observateurs du secteur. Tout d’abord, quel sera l’investissement réel du politique? Hedera sera “un fonds indépendant qui dépendra du parlement”, précise le cabinet de la ministre à L’Echo. Il ne sera pas logé à la Banque nationale ou dans un autre organisme comme cela avait été envisagé. Il sera supervisé par la Commission des provisions nucléaires, un mini-organe aux moyens très limités, à peine deux temps-plein et demi.

En toute indépendance? C’est le but, mais n’a-t-on pas déjà assisté par le passé à des Fonds contenant de l’argent soudain bien sollicités dans le cadre de nos déficits budgétaires? Poser la question, c’est y répondre.

Une autre inconnue dans la concrétisation de cet accord concerne la place de Luminus . L’enterprise détient quelque 10% dans les deux réacteurs nucléaires prolongés, mais elle ne sera pas partie prenante dans NuclearSub à charge d’Engie d’accorder ses violons avec elle.

Et le montant réel?

Enfin, et ce n’est pas la moindre des inconnues, l’Etat a conclu l’accord avec Engie Electrabel moyennant une clause de revoyeur sur l’argent provisionné. En clair, si les prix du marché sont en-dessous, l’Etat lui versera une compensation. Si les prix explosent, c’est l’entreprise qui devra verser un surplus à l’Etat. Voilà un risque qui, s’il est calculé pour l’instant, pourrait virer à l’aigre dans quelques années.

L’accord sur la prolongation des deux réacteurs est un acquis majeur de la Vivaldi. Mais ce n’est qu’une étape: il ouvre la porte à d’autres chantiers énergétiques majeurs, dont une éventuelle prolongation élargie du nucléaire, pour faire face à la demande énergétique du futur. La base est là, reste à voir si son assise sera suffisamment forte.

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