L’île énergétique Princesse Elisabeth, stop ou encore ? “Au rythme où on est parti, on arrivera à 10 milliards d’euros”

Tinne Van Der Straeten - BELGA PHOTO JONAS ROOSENS
Baptiste Lambert

Il serait prématuré d’abandonner le projet de l’île énergétique Princesse Elisabeth, a martelé mardi la ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten, en commission de la Chambre. Les députés sont divisés mais estiment que ce n’est pas au gouvernement Vivaldi de trancher.

Une fois qu’elle sera totalement connectée, cette infrastructure installée en mer du Nord devrait garantir 30% de l’approvisionnement énergétique de la Belgique par l’éolien et l’interconnexion avec d’autres pays. Le défi est de taille. La Belgique, en raison de son tissu industriel très dense, est une grosse consommatrice d’énergie.

7 milliards d’euros

Mais les coûts du projet définis en 2021 explosent, selon des estimations récentes. En mars 2023, il était question de 3,6 milliards d’euros au lieu de 2,2 milliards, pour trois raisons essentiellement: l’inflation qui a suivi la guerre en Ukraine, la volatilité des prix des matériaux de construction et des goulets d’étranglement dans la fourniture combinée à une demande élevée. Seules trois entreprises sont actives dans ce secteur en Europe et en Amérique. En juin 2024, la somme était passée à 7 milliards.

Avertie en juin de ces estimations confidentielles, la ministre a interrogé la CREG, régulateur du secteur, et Elia, gestionnaire du réseau de transport (GRT). Des échanges de courriers ont eu lieu. Le GRT a confirmé que ces augmentations étaient la conséquence des dynamiques du marché européen et même mondial, qui étaient hors de contrôle.

Les interconnexions se feront notamment avec la Grande-Bretagne et le Danemark. La ministre a rencontré à deux reprises son homologue britannique Ed Miliband. Ils attendent le feu vert de l’Ofgem, régulateur britannique du secteur. Elle a bon espoir d’une réponse positive. Pour le Danemark, la situation est plus épineuse. Le gouvernement danois demande à la Belgique de supporter des coûts plus importants relatifs à ses parcs éoliens, ce que le gouvernement belge refuse.

Stop ou encore ?

Quid de la suite du projet? Les grands consommateurs industriels d’électricité ont demandé, par le biais de la Febeliec, de suspendre la construction de cette île. Une demande relayée par la N-VA. “Il faut procéder à une analyse approfondie avant de franchir de nouvelles étapes”, a demandé le député Bert Wollants.

Le ton était plus mesuré dans les autres partis associés actuellement aux négociations fédérales. “Beaucoup de questions restent avec des réponses en demi-teinte”, a souligné Mathieu Bihet (MR) qui n’a pas caché ses craintes: “Au rythme où on est parti, on arrivera à 10 milliards”. Selon lui, il n’incombe pas au gouvernement en affaires courantes de régler ce dossier. “J’aurais des difficultés à comprendre que l’on ne poursuive pas quelque chose qui à terme serait utile, mais il faut la transparence pour les ménages et les entreprises”, a fait remarquer Jean-Luc Crucke (Les Engagés).

Consommation d’électricité

La ministre comprend les questions qui se posent sur ce projet mais met en garde. Actuellement, la consommation belge d’électricité s’élève à 83 Twh. En 2036, elle atteindra une fourchette comprise entre 117 Twh et 141 Twh, dont 50 à 60 Twh devront être assurés par une nouvelle capacité de production ou de l’importation.

“Que la décision soit un ‘go’, un ‘no go’, un report, un phasage, l’analyse devra prendre en compte ce que l’on fait si l’on n’a pas accès à cette énergie”, a-t-elle averti.

Une augmentation des coûts dans ce genre de projet n’est pas rare. La ministre a cité le cas du métro bruxellois ou de la liaison Oosterweel autour d’Anvers dont le coût est passé de 3,5 milliards à 10 milliards aujourd’hui.

La Chambre poursuivra ses travaux sur ce dossier. Plusieurs députés ont réclamé les documents relatifs aux échanges entre la ministre, la CREG et Elia. Mme Van der Straeten s’est dite prête à communiquer sa correspondance mais a rappelé qu’elle ne pouvait pas lever la confidentialité des documents de la CREG et d’Elia.

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