L’hydrogène vert subit un nouveau coup dur en Wallonie

Illustration. Getty Image © Photo by INA FASSBENDER/AFP via Getty Images
Baptiste Lambert

Le projet Colombus qui visait à décarboner une partie de l’industrie à Charleroi est enterré. Ce projet entendait capter du CO2 pour le transformer en gaz décarboné à l’aide d’hydrogène vert. Comme partout en Europe, Engie, qui est à l’initiative, fait face à un marché qui n’est pas rentable.

“La Vallée de l’hydrogène”, ça ne sera pas pour tout de suite en Wallonie. Cette ambition affichée par l’ancien ministre wallon de l’Énergie, Philippe Henry (Ecolo), se heurte à la réalité d’un marché encore immature. Voici deux ans, l’énergéticien Engie s’associait au producteur de chaux Carmeuse et au fabricant d’électrolyseur John Cockerill dans l’ambitieux projet Colombus. Le tout devait aboutir dans la centrale d’Amercoeur, à Charleroi.

L’objectif était de capter le CO2 émis par la production de chaux de Carmeuse pour le combiner à de l’hydrogène vert produit par l’électrolyseur fourni par John Cockerill. Engie en aurait récupéré de l’e-méthane, un gaz vert synthétique qu’il aurait alors redistribué dans le réseau ou utilisé pour alimenter directement les industriels de la région de Charleroi. Une pierre deux coups : Colombus promettait d’économiser 162.000 tonnes de CO2 par an, ce qui aurait aidé à décarboner des industriels comme Thy-Marcinelle, Aperam, Industeel, mais également le transporteur maritime CMA CCG.

Sauf que tout ça n’aura pas lieu. Engie et Carmeuse l’ont officialisé par communiqué ce mardi : “Après une évaluation approfondie et une collaboration de plusieurs années, les partenaires du projet, en étroite collaboration avec John Cockerill, estiment que le marché actuel ne permet pas de garantir la viabilité du projet Colombus.” Même s’il ressort qu’il s’agit plus d’une décision d’Engie que de Carmeuse, rapporte ce matin L’Echo.

Les pouvoirs publics y ont cru

Pourtant, les autorités publiques y ont cru dur comme fer. En particulier le secrétaire d’État à la Relance et local de l’étape, Thomas Dermine (PS) : “Sur base d’un problème, les industriels wallons créent une opportunité avec un projet à la pointe de l’innovation”, résumait-il, lors de la présentation du projet en 2022. Il était en tout cas parvenu à convaincre le Fédéral d’investir 80 millions d’euros pour soutenir le projet et rénover la ligne de chemin de fer qui reliait Charleroi à Couvin. Histoire d’acheminer plus facilement les matières premières.

En tout, l’investissement représentait 300 millions d’euros dont 50 % était à charge des pouvoirs publics. Via son plan de relance, la Wallonie avait également mobilisé plusieurs dizaines de millions d’euros, tout comme le Fonds européen pour l’innovation qui avait soutenu le projet. L’autre moitié du coût devait être porté par Engie et Carmeuse. À ce stade, on ne sait pas exactement combien d’argent public a été perdu.

Un marché immature

En tout cas, cette manne financière n’aura pas permis de convaincre Engie à poursuivre le projet. La faute à un marché de l’hydrogène qui peine à décoller : “L’arrêt de ce projet s’inscrit dans un marché européen de l’hydrogène et de ses dérivés encore émergeant, dont le développement et la structuration sont plus lents qu’initialement envisagé, notamment en raison d’un cadre réglementaire et d’un marché des carburants synthétiques qui ne sont pas suffisamment matures”, explique l’énergéticien.

Pour ceux qui s’intéressent de près au marché de l’hydrogène, personne ne se montrera surpris. Premièrement, l’hydrogène vert reste extrêmement cher et peu compétitif. Un peu partout en Europe, des projets sont abandonnés ou retardés, faute de rentabilité. C’est le cas des géants énergétiques Uniper, Shell ou Equinor. Ensuite, en juillet dernier, la Cour des comptes européenne douchait les trop grandes ambitions européennes, jugées “irréalistes”, en matières d’hydrogène. Un peu plus tard, en Belgique, la Creg, le régulateur des prix de l’énergie, confirmait les craintes : elle ne voyait pas la demande augmenter d’ici la fin de la décennie, l’électrification gagnant du terrain sur l’hydrogène.

C’est pourtant bien dans la synthétisation de molécules énergétiques que se situe l’avenir de l’hydrogène. Notamment dans la création de NH3 (ammoniac), de CH4 (méthane) ou de méthanol. Mais le problème tient plus à l’obstination européenne de passer par de l’hydrogène vert (alors qu’il en existe du bleu et du rose). Il n’est tout simplement pas compétitif au coût actuel de l’électricité en Europe. Dans le cas présent, le gaz synthétique produit par Engie aurait été trop cher et n’aurait pas rencontré de demande.

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