Les réserves de gaz européennes sont déjà pleines à 80% : serons-nous à l’abri d’une crise cet hiver ?
Le remplissage des réserves de gaz européennes vont bon train. Le niveau vient de dépasser la barre des 80% et s’approche de l’objectif de 90% fixé pour octobre. Certains experts craignaient cependant un hiver tendu en conséquence. Mais les perspectives sont finalement plutôt bonnes.
Le niveau de remplissage des réserves de gaz européennes a passé la barre des 80% cette semaine. Il y a un an, elles affichaient à peine 60%. La Belgique fait encore mieux que le chiffre européen et s’approche des 90%. L’Allemagne, l’enfant malade de l’énergie en Europe (à cause de son ancienne dépendance au gaz russe), fait aussi un travail de fourmi et a déjà rempli ses stocks à hauteur de 83%. Les pays de l’UE avec les niveaux les plus bas sont la Lituanie (63%) et la France (67%).
Ces réserves sont un outil primordial pour la sécurité énergétique. Elles sont utilisées en hiver, lorsque la consommation augmente. Elles permettent de stabiliser les prix sur le marché. Ainsi, en début d’année, l’UE avait annoncé qu’il fallait les remplir à 90%, pour octobre. À trois mois de la deadline, il ne reste donc plus que 10% à remplir. Une fois ce seuil atteint (voire dépassé), l’Europe pourra-t-elle passer l’hiver à l’abri de nouvelles hausses des prix et autres insécurités ?
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2022, la course contre-la-montre
Pour comprendre l’importance de cette réserve, il faut remonter à 2022. Le 24 février, les troupes russes envahissent l’Ukraine. L’Occident condamne l’attaque et les paquets de sanctions pleuvent. Mais l’Europe craint aussi que son fournisseur numéro un, Moscou, ferme le robinet de gaz. Surtout qu’en 2021, le pays avait déjà livré moins de gaz qu’à l’accoutumée. À la fin de l’hiver 2021-22, les réserves ne sont plus que remplis à un quart.
La peur générale était que le continent allait manquer de gaz, une fois l’hiver (2022-23) arrivé. Dans cette panique, le prix du mégawatt (MW) flambe immédiatement et durant tout le printemps/été de l’année passée. Le chemin de croix pour remplir les réserves devient LE sujet de l’actualité énergétique : y arrivera-t-on, et surtout, comment ? Au final, avant l’hiver, les réserves avaient pu être remplies. Le GNL (gaz naturel liquéfié) des États-Unis vient en aide, tout comme d’autres pays qui augmentent les exportations. Puis Moscou n’avait pas entièrement fermé le robinet non plus.
2023, une croix sur la crise énergétique ?
Mais une fois les réserves remplies, une prochaine inquiétude est venue hanter les spécialistes : pourra-t-on les re-remplir en 2023, alors que la Chine se réveille de son confinement et que la Russie pourrait arrêter les livraisons pour de bon ? D’aucuns, dont le président de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) Fatih Birol, imaginaient une période pire encore que 2022.
Puis l’hiver a suivi son cours : l’Europe a réduit la consommation (dont surtout les entreprises), en moyenne de 15%, les températures étaient élevées pour la saison et à la mi-mars, le niveau des réserves affichaient encore plus de 55%. Le prix a baissé tout au long de l’automne, de l’hiver et du printemps. Une bonne base pour commencer la période de remplissage, calmement. De l’autre côté, l’économie chinoise n’a pas redémarré et le gaz russe a continué à atteindre le continent européen, via gazoduc et sous forme de GNL.
Pour le think tank Bruegel, l’Europe n’aurait rien à craindre l’hiver prochain. Dans un rapport publié fin juin, il analyse la sécurité énergétique sous l’hypothèse que Moscou arrête totalement les livraisons. “L’UE sera tout à fait en mesure de remplir les installations de stockage au cours des mois d’été sans GNL russe, la seule conséquence étant un léger report du moment où le stockage atteindra sa pleine capacité. Alors que les volumes stockés s’épuiseront à un rythme légèrement plus rapide, l’UE ne sera pas non plus confrontée à un défi supplémentaire important pour gérer l’hiver 2023-24”, écrivent les experts. En d’autres mots, même sans gaz russe, l’Europe devrait tenir le coup – à condition de continuer à faire des efforts et d’économiser de l’énergie.
Voilà qui ferait un deuxième hiver calme, malgré deux grandes vagues d’inquiétudes sur la sécurité de l’approvisionnement et les prix. On pourrait alors dire que l’Europe a définitivement fait une croix sur la crise énergétique. Sur le côté, elle continue en plus à diversifier les approvisionnements et vise à sortir entièrement du gaz russe d’ici à 2027.
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