Le retail, un partenaire de choix pour les bornes électriques

Pour le moment, ce sont 41 magasins Delhaize qui sont équipés de bornes de recharge Electra.
Camille Delannois Journaliste Trends-Tendances  

Les points de recharge électrique gagnent du terrain partout en Belgique et particulièrement sur les parkings des supermarchés. Les acteurs de la grande distribution développent leur propre réseau, désireux d’offrir un nouveau service à leurs clients tandis que les entreprises qui installent les bornes profitent d’une localisation avantageuse.

Les voitures électriques sont de plus en plus nombreuses sur nos routes et avec elles suit logiquement le développement des bornes de recharge. La Belgique est aujourd’hui un des pays européens où l’on vend le plus de véhicules électriques (la part était de 27% en mai dernier). “On estime qu’en 2030, il y aura près de 2 millions de voitures électriques en Belgique”, note Louis-Charles Mosseray, general manager Benelux d’Electra, entreprise spécialisée dans l’installation de bornes de recharge rapide. C’est donc assez logiquement que les distributeurs se sont emparés de la tendance afin d’équiper leurs parkings de bornes de recharge.

Avec l’électrification toujours plus importante du parc automobile belge, les grandes enseignes ont vite compris l’intérêt d’installer des bornes de recharge pour les voitures électriques sur leur parking. L’idée est simple : pour les distributeurs, il s’agit d’attirer la clientèle des propriétaires de voitures électriques et l’inciter à faire ses courses dans l’enseigne pendant les quelques dizaines de minutes nécessaires à recharger les batteries ; pour les entreprises spécialisées, il s’agit de bénéficier d’un emplacement attractif qui draine les utilisateurs. “Il y a cet esprit de service à offrir au consommateur final pendant sa charge, note Louis-Charles Mosseray. On aime bien dire que le consommateur va charger pendant qu’il se gare plutôt que se garer pour charger.”

Ainsi, les distributeurs tels que Carrefour, Delhaize ou Lidl ont noué des partenariats stratégiques avec des entreprises spécialisées afin de développer les infrastructures et les points de recharge électrique. Carrefour travaille par exemple avec Shell Recharge, Delhaize avec Electra et Lidl avec ABB. Pour le moment, ce sont 45 magasins Delhaize qui sont équipés de bornes de recharge. Ce qui correspond à 131 chargeurs soit 262 points de recharge qui sont principalement des bornes ultra-rapides de 200 ou 400 kW. “Nous aurons près de 80 parkings équipés d’ici fin 2024, prévoit Karima Ghozzi, porte-parole de Delhaize. Cela met du temps à implémenter parce qu’il s’agit notamment de bornes rapides pour lesquelles il faut effectuer une demande de permis et installer une cabine haute tension.”

L’entreprise assure que plus de 100 sites sont en cours de développement et seront actifs dans les prochains mois. “Nous déployons d’abord sur l’enseigne AD, puis sur l’enseigne Proxy, confirme Karima Ghozzi. En fonction du taux d’utilisation, les sites peuvent être amenés à évoluer. Par exemple, la station de notre AD de Recogne, ouverte fin d’année passée, rencontre un tel succès qu’elle a été agrandie. C’est donc un réseau bien vivant et évolutif qui va accompagner la transition vers un parc électrifié.”

Colruyt fait figure d’exception puisque le déploiement de ses bornes électriques est réalisé par Dats 24, la filiale énergétique du groupe.

Partenaire de choix

Carrefour, de son côté, s’est associé à Shell et la société immobilière Redevco, qui gère les parcs commerciaux où sont placées les bornes de recharge, afin de développer la mise en place de son réseau pour les véhicules électriques. Le distributeur dispose de près de 100 bornes dans 12 magasins équipés. D’ici la fin de l’année, Carrefour prévoit d’aménager 30 sites supplémentaires pour atteindre un total de 300 bornes. Celles-ci ont une capacité de charge de 22 kW (chargeurs ordinaires) à 150 kW (chargeurs rapides), ce qui permet de recharger un véhicule électrique en quelques minutes. Et les hard discounters aussi sont entrés dans la danse : à ce jeu-là, Lidl possède une avance considérable avec aujourd’hui plus de 300 bornes de recharge. Aldi, quant à lui, dispose de 180 magasins équipés, pour un total d’environ 360 points de recharge.

Collaborer avec des acteurs du retail comporte bien des avantages pour les entreprises qui installent les bornes de recharge. “Le retail alimentaire est un partenaire de choix”, assure Louis-Charles Mosseray qui met en avant trois critères pour la localisation de ses bornes. D’abord, le trafic. Ensuite, la densité de population et enfin, un service à offrir au consommateur. “Collaborer avec des marques fortes est un avantage pour nous”, ajoute-t-il.

Logistiquement aussi, le partenariat est intéressant. “Généralement, ces entités disposent d’un accès au réseau haute tension pour leurs activités, que ce soit pour les frigos ou les fours, ce qui facilite l’accès au réseau et influence positivement le prix”, complète le responsable d’Electra. Dans le cas où l’accès au réseau ne serait pas disponible, les entreprises spécialisées dans les bornes électriques voient leurs coûts augmenter en raison des travaux liés à la connexion au réseau. “Cela engendre des coûts supplémentaires puisque cela signifie tirer des kilomètres de câbles, précise Louis-Charles Mosseray. Le projet est donc difficilement rentable dans ce cas-là.”

Priorité aux bornes rapides

En général, les distributeurs privilégient l’installation de charges rapides de manière à ce que le temps de charge ne dépasse pas le temps de faire ses courses. “En 25 minutes et avec un chargeur rapide, la batterie se recharge en moyenne de 20 à 80 %”, pointe Carrefour. Ce qui n’exclut pas d’avoir des chargeurs dits traditionnels, d’une capacité de 10 à 20 kW. Ceux-ci sont destinés aux clients attentifs au prix et qui n’ont pas besoin d‘une telle autonomie supplémentaire. Cela concerne davantage les personnes qui possèdent un véhicule hybride rechargeable, mais aussi celles qui habitent à proximité d‘une borne de recharge et qui ne peuvent pas recharger leur voiture électrique à leur domicile.

Dans la plupart des enseignes, ces places sont disponibles jour et nuit. C’est le cas principalement chez Delhaize ou Colruyt qui ont décidé de laisser les parkings accessibles librement par exemple. Un avantage aussi pour les communes qui sont confrontées à une demande grandissante de la part des riverains alors qu’elles ont accusé un certain retard dans le déploiement des bornes. La vitesse de celui-ci dépendant de la durée d’octroi des permis et des travaux afin de se connecter au réseau.

Généralement, les appels d’offres de communes concernent uniquement des bornes lentes. Par facilité notamment puisque de telles bornes ne nécessitent pas beaucoup de puissance et prennent donc très peu de place dans l’espace public. “Le problème, c’est que ce type de bornes ne permet pas le turnover, ça immobilise donc énormément la voie publique”, analyse Louis-Charles Mosseray qui espère que les communes se tourneront progressivement vers les bornes rapides. “Cela permet de charger 24 fois plus de voitures et donc d’utiliser 24 fois moins d’espace, ce qui va dans la direction des villes qui réduisent partout le nombre de places de parking.”

Avantage Colruyt

Si la plupart des distributeurs se sont associés avec une entreprise spécialisée, Colruyt fait figure d’exception puisque le déploiement de ses bornes électriques est réalisé par Dats 24, la filiale énergétique du groupe. Celle-ci travaille depuis des années sur les sources d’énergie alternatives pour les voitures, de l’hydrogène au gaz naturel (CNG) et à l‘électricité. Le distributeur est l’un des plus avancés en la matière : l’entreprise dispose d’ailleurs de la plus grande aire de recharge du pays à Hal, au siège du groupe Colruyt, où l’on peut alimenter 211 véhicules à la fois. Actuellement, Dats 24 opère quelque 1.640 points de recharge, dont 1.000 sur les parkings des magasins Coluryt. L’entreprise a pour objectif final d’offrir un réseau de 10.000 points de recharge, ce qui représente un investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros.

“Aujourd’hui, l’accent est mis sur le déploiement d’un réseau d’aires de recharge rapide et dynamique avec en moyenne 10 points de recharge par magasin”, explique Maarten Van Houdenhove, porte-parole de Dats 24. L’entreprise installe des aires de recharge avec des bornes allant de 22kW à 150 kW, mais également des points de charge dynamique qui permettent aux clients de charger selon la puissance disponible, leur besoin ou l’état de la batterie et les possibilités de recharge. “Nous mettons 400 kW à disposition par aire de recharge, détaille le responsable. De cette manière, nous devons installer moins de puissance tout en garantissant au client de bénéficier d’une recharge optimale.”

Carrefour s’est associé à Shell et la société immobilière Redevco, qui gère les parcs commerciaux où sont placées les bornes de recharge.

Des investissements conséquents

Concernant les investissements, les distributeurs se montrent peu bavards. Seul Delhaize partage le chiffre de 100 millions d’euros pour l’investissement consenti par Electra pour l’installation des bornes de recharge sur les parkings que l’enseigne au lion lui met à disposition. L’entreprise prend 100% du projet à sa charge. “En général, il faut compter jusqu’à 500.000 euros par station de charge”, estime Louis-Charles Mosseray. Le montant comprend la cabine électrique, à savoir le transformateur, le tableau général et les équipements qui permettent de se connecter au réseau électrique à haute tension, les éventuels travaux et la taxe vis-à-vis des gestionnaires de réseau. “On loue les places de parking à notre partenaire, ce qui lui permet de gagner un loyer sur les places occupées. De notre côté, on se rémunère uniquement avec l’énergie que l’on vend”, détaille le responsable.

Quant aux autres distributeurs, ils se contentent d’affirmer que les investissements sont “conséquents”. “De nombreux facteurs entrent en ligne de compte pour les investissements, par exemple le remplacement ou non d’une cabine moyenne tension ou la nécessité d’augmenter la capacité du site”, détaille Maarten Van Houdenhove qui assure que l’expérience acquise par Dats 24 permet d’être efficace dans les investissements. “Cela se traduit par des prix très intéressants pour les clients qui utilisent les bornes. Surtout s’ils utilisent la carte de recharge ou l’application B to B de Dats 24, ou pour le particulier qui dispose de l’application Xtra, liée au compte Colruyt.”

En général, les infrastructures de recharge peuvent être activées avec n’importe quelle carte ou application courante, pas besoin d’être client chez le distributeur donc. Pour les enseignes cependant, l’enjeu est de lier la recharge à des offres intéressantes en magasin. “Les bornes sont ouvertes à tous, mais nous voulons proposer des avantages à nos clients Superplus, cela se fera dans un deuxième temps”, assure Karima Ghozzi. Ainsi, les promotions hebdomadaires seront disponibles dans l’application d’Electra, et Delhaize envisage de permettre aux clients de gagner des réductions à chaque recharge. “Plus vous rechargez votre véhicule à une borne de recharge rapide, plus vous pouvez accumuler de réductions”, confirme la porte-parole.

Avec cette initiative, Delhaize offre ainsi encore plus d’avantages à ses clients potentiels et existants. De son côté, Carrefour songe à copier ce qui se fait déjà en France et souhaite lier l’utilisation des bornes à la carte fidélité avec par exemple une heure de recharge offerte pour les clients qui disposent de la carte fidélité. “A terme, les bornes de recharge devront être totalement intégrées au parcours client lors d’une visite en magasin. Au même titre qu’un créneau horaire en drive, un client pourrait réserver une place de parking avec une borne au moment de venir faire ses courses avec une puissance de charge adaptée à la durée potentielle de ses courses”, ajoute l’entreprise.

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