Le prix du pétrole à 80 dollars : “Un véritable moment de vérité pour l’économie mondiale se produira bientôt”

pétrole raffinerie
Illustration © Getty Images

Le marché du pétrole, indicateur clé de la santé de l’économie mondiale, reste volatile. Ce lundi, le prix du baril de pétrole de Brent de la mer du Nord, une des références principales, est passé sous la barre des 81 dollars (avant de remonter légèrement ce mardi à 83 dollars). Le cartel pétrolier OPEP+ a-t-il échoué dans sa tentative de faire monter les prix ? Nous avons posé la question à Frank Vranken, stratégiste en chef chez Edmond de Rothschild.

Plus tôt, le stratège boursier Vranken prédisait que le “match entre l’OPEP+ et la Réserve fédérale” déciderait du sort de l’économie mondiale. Entre-temps, les annonces de l’Arabie saoudite et de la Russie, les principaux acteurs de l’OPEP+, d’extraire et d’exporter moins de pétrole semblent ne pas faire mouche.

La Fed est-elle en train de prendre la main ?

FRANK VRANKEN : “L’OPEP+ a fait tout son possible pour soutenir les prix du pétrole, notamment en réduisant la production. Ils menacent toujours d’intensifier et d’étendre ces réductions de production. Mais si les taux d’intérêt restent élevés, potentiellement étouffants, et que la croissance économique continue de se contracter au niveau mondial, la demande diminuera. Du côté de l’offre, il est difficile de faire face à cette situation. C’est pourquoi la Fed et les autres banques centrales ont l’avantage sur l’OPEP+.

De là à parler de vainqueur… cela dépend de l’aspect dont on parle. La Fed veut surtout réduire l’inflation. Le fait que l’économie dans son ensemble se refroidisse est une autre chose. L’accent est mis sur l’inflation globale, qui prend également en compte les prix des denrées alimentaires et de l’énergie, et elle est en baisse. Ce n’est pas la même chose pour l’inflation sous-jacente, qui oscille toujours autour de 4 % en Europe et aux États-Unis.”

Fin septembre, lorsque les prix du pétrole sont soudainement remontés, certains envisageaient encore le scénario catastrophe de la stagflation, c’est-à-dire une forte inflation combinée à une récession. Pouvons-nous écarter ce scénario ?

VRANKEN : “Une récession semble évitée pour le moment, mais je voudrais faire une remarque à ce sujet. Dans le passé, les récessions se sont souvent produites après un dernier trimestre de très forte croissance économique. Je considère donc qu’il est impossible de dire que cette récession a été complètement évitée. On est donc toujours au stade des prévisions.

Nous allons bientôt vivre l’épreuve décisive. Nous allons assister au “Black Friday”, le dernier vendredi de novembre. C’est à ce moment-là que les ventes au détail connaissent normalement une forte hausse. Nous constatons que le consommateur américain s’affaiblit petit à petit. Le Black Friday nous permettra de savoir s’il est encore en bonne santé. Je pense donc qu’il est encore un peu trop tôt pour écarter complètement le scénario de la récession.”

Le plus grand défi économique

La gigantesque montagne de dettes des États-Unis n’inspire pas non plus beaucoup de confiance.

VRANKEN : “La situation reste également imprévisible en raison de la fragilité de la politique américaine. Je fais référence à l’éventualité d’un shutdown du gouvernement cette semaine. Si un tel blocage du gouvernement américain se produit, ce ne sera pas bon pour la confiance des consommateurs. Nous avons déjà vu les chiffres de la confiance des consommateurs américains chuter la semaine dernière. Je pense que l’économie américaine devient petit à petit plus fragile. Malgré les bons chiffres des “Magnificient 7″ de la tech (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla, NDLR), qui se portent encore bien pour l’instant et soutiennent les marchés boursiers, l’économie américaine est en train de se fragiliser. Sans ces sept entreprises, les performances du marché boursier américain sont carrément médiocres. Je continuerais à adopter une approche attentiste.”

Les perspectives de la demande de pétrole en Chine, premier importateur mondial, ne sont pas non plus très favorables aux prix du pétrole. Quel est l’état de la reprise économique dans ce pays ?

VRANKEN. “Le week-end dernier, c’était le Singles’ Day (jour des célibataires, NDLR) en Chine, un jour important pour le commerce électronique chinois. Cela a très brièvement relancé la demande des consommateurs. Mais il ne faut pas oublier que les consommateurs chinois épargnent grâce à l’immobilier, qui est sous pression. Je ne pense pas que la Chine ait fini de s’inquiéter. J’ai écrit un jour que la Chine était en train de vivre son plus grand défi économique. Je m’en tiens à cela”.

PAR LAURENS BOUCKAERT

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