Vente à perte de carburant en France: une pratique aussi envisageable en Belgique?

Le gouvernement français a décidé d’autoriser la vente à perte de carburant, alors que cette pratique est interdite depuis les années 1960. Qu’en est-il en Belgique ?

La possibilité pour les distributeurs de vendre à perte du carburant sera effective en France « à partir de début décembre », a annoncé ce lundi le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. « Notre méthode c’est d’engager tout le monde, l’ensemble des acteurs économiques, dans cette lutte contre l’inflation » , a précisé le ministre français. Le salaire moyen est en effet plus faible en France qu’en Belgique, mais le prix des carburants est similaire, voire plus élevé.

Actuellement, en France, vendre à perte – c’est-à-dire lorsque les revendeurs s’autorisent à vendre en dessous de ce que cela leur coûte – est interdit par la loi. Le ministre français de l’Économie explique qu’un changement de législation est nécessaire pour que dès le 1er décembre, le carburant puisse être vendu à perte dans les stations-service de l’Hexagone. Bruno Le Maire précisé que «Le texte de loi sera examiné à l’Assemblée début octobre.»

“Une mesure complètement décalée”

Cette mesure «inédite» lève en effet un tabou vieux de 60 ans, soulève Le Figaro. A l’origine, l’interdiction avait pour but de protéger les professionnels les plus fragiles de toute menace de «dumping» économique des commerces les plus solides, rappelle le quotidien français. Les acteurs les plus importants du marché ont en effet la possibilité de soutenir des pertes le temps que leurs concurrents, éreintés par les prix cassés, disparaissent. Cette démarche leur laisse ensuite le champ libre pour pratiquer les politiques tarifaires de leur choix.

La vente à perte est «une curieuse façon de régler le problème dans la mesure où les distributeurs ne sont pour rien dans le prix élevé», analyse dans Le Figaro Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce. «La marge se fait au niveau des pays qui produisent et de ceux qui raffinent. Les distributeurs ne font qu’acheter, avec des volumes tels qu’ils leur permettent d’avoir de meilleurs prix.» C’est une mesure «complètement décalée», selon lui.

Avantage pour les gros distributeurs

Qu’en est-il en Belgique ? Cette mesure pourrait-elle être prise également pour combattre l’inflation ? La vente « à perte » est aussi interdite dans notre pays. Toutefois, la législation prévoit une série d’exceptions liées à des circonstances particulières, dans lesquelles il est autorisé de vendre à perte, notamment à l’occasion des soldes ou de liquidations, et cela pour certains types de biens.

Les marchés français et belge sont toutefois assez différents, explique Olivier Neirynck, porte-parole de la Fédération belge des négociants en combustibles à nos confrères de La Libre.On a deux marchés différents. En France, chacun est libre de faire ce qu’il veut. C’est pour cela que les supermarchés proposent des prix inférieurs que les distributeurs de carburants spécialisés dans cette activité. Les supermarchés en font un produit d’appel”, commente-t-il.

En Belgique, nous avons évidemment aussi l’interdiction de vendre à perte. Même s’il faut noter que pour les acteurs qui sont actifs dans le raffinage, le stockage et la distribution, c’est compliqué de savoir s’ils vendent à perte ou non à la pompe et qu’ils se rattrapent ou non sur une autre étape. Mais c’est difficile à contrôler”, précise-t-il.

En Belgique, il n’y a rien de ce genre dans le pipeline»

Pour le porte-parole de la Fédération belge des négociants en combustibles, le scénario est inenvisageable en Belgique. En particulier pour les petits distributeurs, qui seraient probablement les premiers à souffrir de ce type d’action. TotalEnergies ou un autre groupe d’envergure pourrait alors décider de baisser les prix fortement, sur une période limitée, et de laisser certains acteurs être pris à la gorge et perdre leurs parts de marché. Une stratégie payante uniquement pour les groupes les plus solides. 

Cette baisse peut être vue comme un aveu de faiblesse de la part de l’État français. C’est qu’ils n’arrivent pas à faire baisser les prix”, ajoute-t-il dans le quotidien belge. “Et ce sont les caisses de l’État qui risquent de se vider également, car si les prix baissent et les accises également, ce sera le premier perdant”, lance-t-il.  ”En Belgique, il n’y a rien de ce genre dans le pipeline en tout cas”, assure-t-il.

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