Le prix du gaz repart à la hausse, la faute à la crise? Tentative d’explication (infographie)
Après des mois de baisse, le prix du gaz naturel en Europe a quasi doublé en deux semaines. Assiste-t-on à un retour en force de la crise énergétique?
Début juin, le prix du gaz (TTF, indice de référence en Europe) tournait autour de 23 euros le mégawattheure. Jeudi, il rebondissait à 41 euros le mégawattheure. Un tarif qui reste favorable, si on le compare à ceux de l’été dernier, quand le TTF atteignait plus de 300 euros par mégawattheure. Pour autant, cette nouvelle tendance à la hausse inquiète tant elle surprend. Comment expliquer cette soudaine inversion de la courbe après des mois d’accalmie?
Avec des températures avoisinant les 30°C ces dernières semaines, pas de quoi angoisser dans l’immédiat, car la consommation de gaz reste minime à la belle saison. Et de toutes manières, l’augmentation du prix du gaz n’a pas d’impact immédiat sur notre facture énergétique. Dans le présent, les Belges peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles. Mais c’est l’avenir qui inquiète. Car même aux portes de l’été, il faut garder un œil sur les réserves…
Travaux et usines fermées
Il y a plusieurs raisons à cette augmentation soudaine. Premièrement, elle serait due à plusieurs interruptions combinées de la production norvégienne. Des usines à gaz et terminaux GNL ont en effet entrepris des travaux de maintenance au même moment. De quoi provoquer des incertitudes sur le marché.
C’est, par exemple, le cas de l’usine GNL (gaz naturel liquéfié) d’Equinor, situé à Hammerfest, qui a été contraint de cesser ses activités suite à une fuite de gaz. Or, l'installation peut traiter plus de quatre millions de tonnes de gaz par an.
Nothing to see here, just European natural gas prices up 95% over the last 10 trading days (albeit from a 2-year low). Perhaps the energy crisis isn't completely over?
— Javier Blas (@JavierBlas) June 15, 2023
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Selon l’opérateur norvégien Gassco, les installations gazières d’Ormen Lange, Nyhamna et Aasta Hansteen sont également à l’arrêt, au moins jusqu’au milieu du mois prochain. L'arrêt prévu de l'une de ces usines de traitement de gaz a en effet été prolongé jusqu'au 15 juillet. Elle devait être remise en service le 21 juin. Les deux autres usines resteront à l’arrêt indéfiniment, en raison de « problèmes de processus ».
À savoir que la Norvège est devenu premier fournisseur de gaz de l’Europe, après la forte réduction des exportations russes. En 2022, la Norvège détenait plus de 24% du marché, tandis que Moscou en captait 15%. L’arrêt de plusieurs usines au même moment peut donc fortement impacter l’approvisionnement de l’énergie en Europe.
Fin du plus grand gisement de gaz naturel d’Europe
Par ailleurs, le plus grand gisement de gaz naturel d’Europe - champ de Groningue, dans le nord-est des Pays-Bas - va probablement être mis à l’arrêt dès le 1er octobre 2023, ont annoncé les autorités néerlandaises. Si la décision finale n’a pas encore été prise, cette annonce a eu un effet immédiat sur le marché du gaz. Et pour cause, le site constitue une source importante de gaz, avec une capacité annuelle de 2,8 milliards de mètres cubes de gaz.
Mais pourquoi y mettre fin dans ce cas? L’extraction du gaz est devenue une véritable source d’ennuis pour nos voisins du nord. Depuis les années 80, son exploitation engendre des centaines de tremblements de terre. Ces dix dernières, plus de 3000 maisons ont dû être démolies dans le nord des Pays-Bas.
« L'intention est clairement de couper le robinet », a précisé le secrétaire d'État chargé des Industries extractives Hans Vlijbrief. Alors que depuis le début de la guerre en Ukraine, des pressions ont été exercées sur les Pays-Bas pour augmenter à nouveau la production. Une décision finale sera prise à la fin du mois de juin.
GNL: la menace de la Chine
L’Europe a su satisfaire ses besoins en gaz l’hiver dernier, en raison notamment d’une saison plus douce. Mais surtout grâce à l’importation du gaz naturel liquéfié (GNL) par bateau. Ce ne sera sans doute plus aussi facile cette année. La cause? Un nouvel acteur pourrait venir perturber le marché: la Chine.
En 2022, son industrie ralentie par les mesures anti-covid particulièrement fortes, cet État d’Asie de l’Est n’avait pas besoin d’autant de gaz. Mais maintenant que la crise est passée, l’Empire du milieu est bien forcé de reprendre son économie en main. De quoi rendre nerveux les investisseurs. Peut-être y aura-t-il un plan de relance du gouvernement pour remettre l'économie à flot. La demande en gaz pourrait alors augmenter et la Chine sera à nouveau pleinement impliquée dans la concurrence pour le GNL… Les prix pourraient à nouveau atteindre les niveaux insoutenables de l’été dernier.
Ceci n’est encore qu’une hypothèse. Mais la réalité veut que la Chine a un avantage de taille... Contrairement à l’UE, qui a principalement acheté du GNL sur le marché au comptant en 2022, la Chine signe des contrats à long terme. Lors d’un accord avec le Qatar, Pékin a ainsi sécurisé l'approvisionnement de 4 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) par an sur les 27 prochaines années.
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