Hausse du soutien aux énergies fossiles: protéger les ménages de la crise énergétique aux dépens de la neutralité carbone?
Malgré les engagements pris pour accélérer et augmenter l’échelle de l’action climatique, le coût du soutien aux énergies fossiles a pratiquement doublé en 2022. En cause? La flambée des prix de l’énergie…
Le pétrole, l’électricité et le gaz naturel ont particulièrement coûté cher aux États membres de l’Union européenne en 2022. La crise oblige, les pouvoirs publics ont en effet proposé des mesures d’urgence visant à protéger les ménages et les entreprises de la hausse des prix de l’énergie. Et si ces mesures ont effectivement permis d’alléger les dépenses des citoyens et entrepreneurs, elles ont en revanche alourdi considérablement les coûts budgétaires des autorités. Une tendance à la hausse qui constitue une véritable menace pour les objectifs collectifs de neutralité carbone. Au total, le soutien aux énergies fossiles a ainsi atteint une somme de 1 360 milliards d’euros, selon un récent rapport de l’OCDE.
Protéger les ménages avant tout
Il faut dire que partout en Europe, la plupart des ménages utilisent encore de tels combustibles pour se chauffer. C’est d’ailleurs eux qui ont bénéficié le plus de ce soutien financier. Les données de l’Inventaire de l’OCDE montrent en effet qu’en 2022, les aides aux consommateurs (ménages et entreprises) représentaient 81% du coût budgétaire total des mesures de soutien aux énergies fossiles.
Outre les citoyens qui se chauffent à l’électricité et au gaz, il fallait également protéger les consommateurs de carburant. Certains pays ont dès lors accordé des avantages fiscaux plus importants sur l’essence et le diesel, d’autres ont imposé une réduction du prix des carburants et ont offert des indemnisations aux fournisseurs de carburants.
Le cas du charbon
Le coût budgétaire du soutien au charbon a lui aussi augmenté de 60% depuis 2013 à l’échelle mondiale. Cette tendance s’explique par l’adoption de nouvelles mesures de soutien à la production et à la consommation de charbon en réaction à la hausse des prix du pétrole et du gaz. En font partie les aides au chauffage destinées aux ménages qui consomment du charbon et le plafonnement des prix du charbon destiné à la production d’électricité, en particulier dans les pays producteurs de charbon.
La crise énergétique a également poussé plusieurs pays à prolonger la durée de vie de leurs centrales à charbon, à les redémarrer temporairement ou à approuver la construction de nouvelles afin de maintenir la sécurité et la stabilité énergétiques.
Des mesures pas sélectives
Le problème, au-delà du fait qu’on encourage la consommation de telles sources d’énergie et qu’on ralentit le verdissement du parc énergétique européen, c’est que la plupart des mesures adoptées ne visaient pas systématiquement les personnes les plus démunies. À donner à tout va, même à ceux qui n’en ont pas vraiment besoin, on accroît inévitablement les coûts budgétaires.
Pire encore: quand certains faisaient des économies malgré les aides financières, d’autres plus aisés avaient tendance à profiter de ces mesures de manière disproportionnée (p. ex., en utilisant des véhicules plus grands, des maisons plus spacieuses éventuellement équipées de l’air conditionné, ou davantage d’appareils électriques). Après tout, pourquoi se priver quand on a les moyens de se chauffer?
Et de manière plus générale, ces mesures non sélectives n’incitent pas à renoncer aux énergies fossiles… Une situation qui met bien en évidence les difficultés que pose le respect des engagements de zéro émission nette face aux perturbations géopolitiques et économiques.
Investir dans la neutralité carbone plutôt que dans les énergies fossiles
Verdir l’énergie en Europe, c’est l’une des missions que s’est données la Commission. Encore faut-il s’en donner les moyens… Plutôt que de financer des mesures d’aides aux ménages et ainsi leur faciliter l’usage des combustibles fossiles, il faudrait concentrer les efforts ailleurs, rappelle l’OCDE. « La suppression progressive des aides aux énergies fossiles permettra de dégager les moyens indispensables à la transition vers la neutralité carbone et d’accélérer l’innovation au service de l’efficacité énergétique. »
D’autant qu’investir dans des technologies non fossiles contribuera à réduire non seulement la dépendance à l’égard des énergies fossiles mais également la vulnérabilité des ménages aux chocs des prix. Comme dirait l’adage: d’une pierre, deux coups.
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