EDF Luminus : peut-on licencier par simple coup de fil ou SMS ?

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La colère gronde chez Luminus, filiale belge de l’énergéticien français EDF. En cause : le licenciement collectif la semaine dernière de 14 travailleurs, sans qu’aucune concertation sociale n’ait été organisée. La manière dont les employés ont été mis au courant de leur licenciement, par simple coup de fil, provoque aussi la polémique.

Grogne chez Luminus. Le personnel de la centrale de la filiale belge de l’énergéticien français EDF de Seraing et du site administratif de l’îlot Saint-Michel de Liège, est parti en grève ce mercredi, a annoncé le syndicat chrétien (CSC). Les travailleurs entendent protester contre le licenciement collectif de 14 collaborateurs des services informatique et de vente survenu jeudi dernier, et qui n’avait fait l’objet d’aucune concertation sociale préalable.

Le syndicat sectoriel Gazelco ne digère pas le “caractère brutal” de ces licenciements et dénonce un cas de “terrorisme social” vu qu’aucune consultation avec les représentants des travailleurs n’a eu lieu.

“La direction d’EDF a bafoué de manière scandaleuse sa charte éthique et a relégué l’accord sur la responsabilité sociale du groupe EDF à un simple torchon”, estime pour sa part le comité mondial de dialogue sur la responsabilité sociale (CDRS), représentant les salariés du groupe EDF. L’entreprise estime pour sa part avoir “pris ses responsabilités” dans un contexte difficile pour le secteur, afin de se maintenir à flots avec ses 900 travailleurs.

Un secteur sous pression

Sans avancer les chiffres propres à l’entreprise, celle-ci justifie sa décision par la pression que subit le domaine d’activité. “Le secteur de l’énergie dans son ensemble a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires en baisse de 15,6% par rapport à l’année précédente et dégagé une valeur ajoutée en recul de 24%”, avance-t-elle. EDF Luminus pointe aussi des prix du MWh bas, pesant sur l’activité de production, et une concurrence “toujours plus forte dans la fourniture d’énergie, avec un taux de switch élevé et des marges de plus en plus faibles”. La filiale belge dit ne pas échapper à la tendance et précise avoir récemment perdu trois importants contrats sur les marchés publics.

“Des maladresses”

La manière dont les employés ont été mis au courant de leur licenciement provoque aussi la polémique et attise la colère des employés. Car pour au moins cinq d’entre eux, la direction la société a estimé qu’un simple coup de fil serait suffisant pour les congédier. La manière, pour le moins cavalière, a été très mal vécue par les travailleurs concernés. Certains n’ayant reçu qu’un message de leur supérieur sur leur boite vocale.

Ce jour-là, je ne travaillais pas. J’étais chez moi quand j’ai vu que mon chef m’avait laissé un message. Je n’en suis pas revenu. Il m’expliquait de façon très mécanique, comme s’il lisait un texte, que mon contrat prenait fin ce jour pour raisons économiques“, témoigne l’un d’entre eux sur le site du Parisien.

Le lendemain, une lettre recommandée lui confirmera la nouvelle. “Je n’en veux pas à mon chef, reprend-il. Je sais qu’on l’a forcé à procéder de la sorte. Mais, pour certains de mes collègues, ça a été beaucoup plus rude. Après le coup de fil, ils ont carrément retrouvé leurs affaires dans un carton déposé à l’accueil alors que leur casier était censé être fermé à clé.”

Jointe par le quotidien français, la direction du groupe EDF a reconnu des “maladresses”, après avoir démenti que des salariés aient pu être informés de leur licenciement par téléphone. “Même s’il s’agissait au départ d’une bonne intention, qui était de prévenir les salariés concernés pour qu’ils ne l’apprennent pas par d’autres voies, nous ne cautionnons pas ces pratiques inappropriées qui ne sont pas fidèles aux valeurs du groupe”, a-t-elle fait savoir.

L’entreprise présente ses excuses

En plus d’une contextualisation de la procédure, Luminus a ensuite annoncé regretter cette situation malheureuse. Elle a présenté ses excuses aux personnes touchées jeudi par voie de communiqué. La société insiste ainsi sur le fait que le moyen de communication choisi “partait d’une volonté d’informer au plus vite” les personnes concernées. L’entreprise précise également que la rumeur selon laquelle ces personnes auraient “retrouvé leurs affaires dans une boîte à la réception” est infondée.

L’entreprise déclare avoir analysé les 14 profils des travailleurs congédiés et qu’aucun ne correspondait plus au besoin actuel d’EDF Luminus. Désormais, elle continue les entretiens individuels avec ces personnes, au cours desquels leur sont proposés des programmes d’outplacement.

Selon les informations du Parisien, certains syndicats souhaitent néanmoins porter l’affaire devant les prud’hommes.

Pourtant, cette pratique peu diplomate et qui manque de respect et d’humanité, est légale. Notamment en Belgique où un travailleur peut ainsi être informé de son licenciement par tous les moyens de communication possible : de visu, par lettre, par mail, par SMS ou par fax, etc. Le cas échéant, le travailleur est dispensé de prestation sur-le-champ et a droit au délai légal de préavis. Si celui-ci doit être presté, l’employeur est tenu de le confirmer par lettre recommandée ou via un huissier. Les travailleurs d’une entreprise métallurgique située en Flandre avaient récemment également appris la faillite de leur société par SMS. La procédure est monnaie courante aux Pays-Bas.

Par contre, lors d’un licenciement pour motif grave, les règles en vigueur sont un peu différentes. Ce genre de décision ne peut être communiquée à un travailleur de n’importe quelle manière. L’employeur est tenu de lui transmettre les motifs de licenciement pour faute grave dans les trois jours ouvrables suivant le licenciement, et ce, par courrier recommandé, par exploit d’huissier ou en mains propres, pour autant que le travailleur en signe une copie pour réception.

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