Recylage: la Belgique face au boom des batteries lithium
Face à l’essor des batteries lithium intégrées dans les smartphones, les ordinateurs, ou encore, les véhicules électriques, Bebat, l’asbl chargée de collecter les piles et batteries en Belgique, est face à de nombreux défis. Une nouvelle réglementation européenne impose depuis peu aux États membres des objectifs ambitieux.
Le secteur des batteries connaît actuellement une forte expansion, stimulé par l’émergence de nouveaux équipements et de nouvelles technologies dans les domaines de la mobilité, du travail à distance, ou encore, de l’énergie renouvelable.
Les batteries rechargeables au lithium-ion (Li-Ion) que l’on retrouve, entre autres, dans les vélos et les voitures électriques, les ordinateurs portables, les smartphones ou encore, dans les batteries domestiques connaissent une forte progression depuis quelques années. A l’avenir, ces batteries seront plus nombreuses à être collectées que les piles alcalines et autres. « En 2014, la proportion en poids des batteries lithium-ion mises sur le marché était de 25%, contre 64 % de piles alcalines à usage unique. En 2021, ce pourcentage est passé à 55% (dont 10 % rien que pour les vélos électriques). En 2022, elle grimpait à 68%. Les piles à usage unique ne représentaient plus que 29 % du poids total », explique à Trends Tendances Fatima Boudjaoui, Communication Manager de Bebat, que nous rencontrons au centre de tri Sortbat situé à Tienen, dans le Brabant flamand. Sortbat récupère des milliers de piles et batteries collectées dans tout le pays. Le centre commence à recevoir des batteries plus imposantes, dont des exemplaires de voitures électriques ainsi que de nombreuses batteries de toutes tailles et de différents modèles provenant de vélos électriques.
Des objectifs européens (trop) ambitieux
Dans ce contexte, un nouveau règlement européen sur les piles et batteries est entré en vigueur ce 18 février. Il s’inscrit dans le cadre du Green deal européen et du plan d’action de l’UE pour une économie circulaire. L’Europe y fixe des objectifs en matière de collecte de batteries portables usagées et de batteries de véhicules électriques légers (trottinettes, vélos électriques) en vue d’un recyclage plus durable, d’une éventuelle réutilisation ou d’une autre application. L’un des grands objectifs de ce règlement implique que la Belgique collecte d’ici 2032 près de sept fois plus de batteries lithium-ion qu’à l’heure actuelle.
« Bien que la Belgique soit l’un des meilleurs élèves d’Europe, et que nous atteignons aujourd’hui haut la main les objectifs actuels de l’UE, la collecte de batteries lithium-ion est aujourd’hui trop faible », constate Fatima Boudjaoui. « A politique inchangée, nos résultats vont donc diminuer d’année en année à mesure que la part du lithium-ion deviendra plus importante. » Elle poursuit : « Pour les piles alcalines, cela ne posera pas de problème, mais pour les batteries lithium-ion, ce sera très difficile, voire carrément impossible d’atteindre les objectifs fixés par l’Europe. C’est un peu l’inaccessible rêve », nous confie-t-elle.
La Belgique devrait pouvoir respecter les nouveaux objectifs européens jusqu’en 2027. « Ce ne sera toutefois pas une mince affaire pour de nombreux pays européens qui peinent déjà à remplir l’actuelle obligation de collecte de 45% », estime la responsable de l’organisme de collecte. À partir de 2028, compte tenu de la durée de vie des batteries fixée à 3 ans, la Belgique risque de ne plus être en mesure d’atteindre les nouveaux objectifs.
Bebat, sans remettre en question le cadre européen, critique la méthodologie actuellement utilisée et demande à ce qu’elle soit adaptée. Le taux de collecte requis est en effet calculé en fonction du poids de batteries mises sur le marché au cours des trois années précédentes. Bebat argue que cette durée de vie est réaliste pour les piles alcalines, mais pas adaptée aux batteries lithium-ion. Selon l’organisme, la durée de vie réelle est de sept ans pour un ordinateur portable et de quinze ans pour une visseuse ou une perceuse.
« Pour les batteries lithium-ion, ce sera très difficile, voire carrément impossible d’atteindre les objectifs fixés par l’Europe. C’est un peu l’inaccessible rêve“
Selon la méthode de calcul européenne actuelle, l’objectif de collecte à partir de 2028 sera même supérieur à ce qui sera effectivement disponible. Bien que l’Europe soit consciente de ce problème, la durée de trois ans a été maintenue dans la nouvelle législation en raison du manque de données disponibles. Cependant, le texte prévoit la réalisation d’une étude qui permettra d’élaborer une formule prenant en compte le cycle de vie réel des batteries.
Des capacités de recyclage augmentées
A l’avenir, Bebat sera aussi tenue d’assurer le recyclage de toutes ces batteries. « L’enjeu sera non seulement de collecter toutes ces batteries li-Ion dont le volume augmente d’année en année. Mais aussi, de pouvoir les recycler. La filière se développe, mais n’est pas suffisante », avance la porte-parole. « Les projections montrent que les capacités de recyclage devront être augmentées de 20 à 30 % en Europe, ce qui est énorme. »
Par ailleurs, l’autre difficulté, c’est que 80% des batteries lithium-ion sont intégrées et vendues avec l’appareil. « Ce qui demande de changer la manière de capter ce type de batteries, en passant par un démonteur, par exemple. C’est un grand défi », expose encore Fatima Boudjaoui.
La plupart des batteries domestiques et des voitures électriques étant pour l’heure en circulation. L’organisme de gestion se prépare à faire face à cette nouvelle réalité. « On veut être agiles et proactifs pour aller chercher ces batteries là où elles se trouvent. Nous intensifions par exemple nos points de collecte dans les magasins de vélos électriques et les réparateurs de vélos. Nous offrons aussi des services personnalisés aux fabricants et aux distributeurs », avance Bebat.
Des « fuites » de batteries problématiques
Une experte a été désignée en interne pour traquer les batteries en circulation afin de savoir où elles aboutissent en fin de vie. « Nous sommes occupés à cartographier ces différents flux ». Bebat mène aussi des études pour voir où « disparaissent » certaines batteries lithium ion, récupérées notamment par les marchands de vélos. « On suppose qu’elles sont réutilisées pour d’autres applications. C’est une bonne nouvelle, mais il faut qu’on ait de la transparence sur ces flux pour pouvoir en tenir compte dans les chiffres de collecte » déclare la responsable.
D’autres « fuites » rendent les objectifs européens plus difficiles à atteindre. « Une partie des appareils est exportée pour être reconditionnée ou démantelée et ne reste pas en Belgique. Nous voulons investiguer sur ce phénomène ». Le nouveau règlement européen prévoit cependant de mettre fin à cette situation. À partir du 18 février 2027, les batteries portables des appareils comme les téléphones portables et des petits véhicules légers électriques (LMT) comme les trottinettes électriques devront pouvoir être retirées et remplacées.
L’organisme compte aussi intensifier ses collaborations avec Recupel, son homologue en charge de la collecte et du recyclage des appareils électriques, ainsi que mettre l’accent sur la sensibilisation du grand public. Aux décideurs politiques, Bebat demande à pouvoir garder une certaine autonomie pour répondre à ces défis. « Les démarches administratives ne doivent pas entraver nos initiatives. Si les Régions nous imposent trop de contraintes, cela pourrait nous mettre des bâtons dans les roues pour développer nos projets et atteindre les objectifs fixés par l’Europe. » Dans ce cadre, l’une des sollicitations de l’organisme de collecte pour la prochaine législature est de « conclure un accord de coopération interrégional équilibré et harmonisé, instaurant un cadre d’action national réalisable, tout en respectant les compétences régionales ».
Bebat en chiffres
59 %, le taux de collecte en 2022. 45% : l’objectif fixé par l’Europe.
3.717 tonnes de piles et batteries usagées rapportées en 2022 par les Belges dans un point de collecte Bebat.
24.355 points de collecte : 1 point dans un rayon de 500 mètres
131 Le nombre de piles et batteries dont une famille moyenne possède à la maison (en usage, neuves et usagées). 30 d’entre elles sont usagées.
Le Belge sous-estime par 4 le nombre de batteries qu’il a chez lui.
64 % des piles et batteries à la maison se trouvent dans la cuisine, le garage ou la buanderie.
1: le nombre de piles et batteries usagées qu’on trouve dans 100kg de déchets ménagers.
Le Belge moyen apporte ses batteries à un point de collecte Bebat 2 à 3 fois par an.
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