Pneus verts: Michelin mise sur le biosourcé
Le recyclage des pots de yaourt attendra. Pour réussir à fabriquer des pneus “verts” sans produits pétroliers, son objectif d’ici 2050, Michelin a décidé d’investir d’abord dans la chimie verte et le caoutchouc synthétique biosourcé, mettant pour l’instant au placard son projet de recycler le polystyrène des pots de yaourt.
Dans son usine de Bassens près de Bordeaux où le géant du pneumatique produit du caoutchouc synthétique à partir de dérivés d’hydrocarbures, Michelin a inauguré mi-janvier un démonstrateur industriel présenté comme le premier au monde permettant de travailler à partir d’éthanol biosourcé.
Enchevêtrement de tuyaux reliant une grosse cuve jaune remplie d’éthanol à trois réacteurs et plusieurs colonnes de distillation, il pourra produire 25 tonnes de butadiène biosourcé par an.
L’éthanol vient de déchets agricoles (maïs, betteraves) ou de biomasse de bois. Michelin compte aussi l’obtenir via le captage de CO2 industriel à l’avenir.
Comme dans un vapocraqueur de pétrochimie, les molécules de carbone, d’hydrogène et d’oxygène de l’éthanol (formule chimique C2H6O) se recomposent sous pression pour former du butadiène (C4H6), l’élément recherché.
Equipé de plus de 700 capteurs de mesure, l’équipement doit surtout permettre de préparer le passage à l’échelle du groupe. C’est-à-dire la construction d’ici 2030 d’une usine capable de produire 100.000 tonnes de butadiène biosourcé par an.
“Renouvelable ou recyclée”
L’objectif de l’équipementier pour son futur “pneu vert” est de “parvenir à 100% de matériaux d’origine renouvelable ou recyclée en 2050”, rappelle le directeur de la recherche et du développement, Eric Vinesse.
Le groupe a déjà homologué un pneu issu à 45% de matériaux durables, qui devrait inspirer ses nouvelles gammes à partir de 2025.
Mais la révolution industrielle n’en est qu’à ses débuts: pour l’instant, Michelin n’atteint que “30%” de son objectif sur ses pneus commercialisés, principalement grâce à l’utilisation d’hévéa (caoutchouc naturel).
Les 70% restants sont composés d’environ 200 molécules, dont il faut changer l’origine ou la fabrication pour les verdir, en mariant chimie verte et économie circulaire.
Dans cette stratégie, le groupe avait depuis trois ans parié parallèlement sur un autre projet, après une prise de participation minoritaire en 2020 dans une start-up canadienne de recyclage chimique du polystyrène par micro-onde, Pyrowave.
Son objectif est de bâtir une usine de recyclage du polystyrène pour pouvoir intégrer du matériau recyclé dans ses pneus, composés en moyenne de 11% de styrène, l’élément de base du polystyrène, et de 14% de butadiène.
Mais le projet, très attendu par les fabricants de pots de yaourt ou d’emballages cosmétiques, gros consommateurs de polystyrène, a été mis en pause.
Le projet styrène “reste un projet pivot pour nous” indique à l’AFP un responsable de la recherche, “mais le contexte du marché du polystyrène est compliqué en ce moment”. “Nous avons un problème pour sécuriser les feed stocks”, c’est à dire l’approvisionnement en polystyrène à recycler, explique la même source.
Ce plastique, très peu recyclé, a mauvaise presse. Le plasturgiste allemand Knauf a fermé plusieurs sites de production en France l’an passé.