Loi de restauration de la nature: les ministres de l’Environnement de l’UE ont dégagé un accord

Les Etats de l’UE se sont accordés mardi sur une loi imposant des objectifs de restauration des écosystèmes, un texte-clé du “Pacte vert” au coeur d’une bataille politique au Parlement européen qui pourrait compromettre sa finalisation.

Cette législation proposée par la Commission européenne imposerait aux Vingt-Sept d’instaurer d’ici 2030 des mesures de restauration sur 20% des terres et espace marins à l’échelle de l’UE, puis sur l’ensemble des zones abîmées par la pollution ou l’exploitation intensive (forêts, prairies…) pour 2050, afin d’enrayer le déclin de la biodiversité.

La position arrêtée mardi par les ministres de l’Environnement lors d’une réunion au Luxembourg constitue “le bon équilibre”, a assuré la ministre suédoise Romina Pourmokhtari, dont le pays occupe jusqu’à fin juin la présidence tournante des conseils de l’UE.

Dans la ligne des objectifs fixés à la COP15 Biodiversité de Montréal, chaque Etat devrait prendre des mesures de restauration d’ici 2030 sur au moins 30% des écosystèmes abîmés, puis sur 60% d’ici 2040, selon un communiqué du Conseil.

Flexibilité

Mais par rapport à la proposition initiale, l’accord offre davantage de flexibilité sur les modalités d’application.

Alors que les exigences de non-détérioration (maintien en bon état) sur de vastes zones, y compris hors des aires protégées Natura2000, soulevaient de vives résistances, le compromis prévoit l’obligation de prendre des mesures, mais sans contrainte de résultat.

Surtout, de nombreux assouplissements ont été ménagés sur les obligations spécifiques à chaque type d’écosystème: espaces verts en ville, réhumidification des tourbières, forêts, éléments à haute biodiversité (haies…) sur les terres agricoles.

Et les Etats ont ajouté une dérogation pour l’installation de projets d’énergies renouvelables ou d’infrastructures de Défense.

“Il ne s’agit pas d’abaisser les ambitions, mais de voir comment les adapter de façon appropriée au niveau national et local (…) d’élaborer des règles applicables pour obtenir les résultats recherchés”, fait valoir Mme Pourmokhtari.

Ces flexibilités n’ont cependant pas suffi à lever les réserves d’une partie des Etats (Suède, Finlande, Pays-Bas, Pologne, Autriche, Belgique).

Si les pays scandinaves s’alarmaient de l’impact pour leur puissante sylviculture, les Pays-Bas déploraient une prise en compte insuffisante des zones d’élevage intensif ou des régions densément peuplées.

“La proposition dépasse ce que la Pologne considère souhaitable, faisable et réaliste. Cela impliquera des changements dans l’usage des territoires, touchant les activités et la vie des populations” au risque d’entraîner “une forte opposition”, a averti le secrétaire d’Etat polonais Adam Guibourgé-Czetwertyński, jugeant par ailleurs les financement prévus insuffisants.

Les ministres de l’Environnement des 27 États membres de l’Union Européenne © Belga

“Signal politique”

“C’est une bonne loi (…) nous devons mieux nous armer contre les conséquences de la crise climatique. La nature est notre assurance de survie”, a insisté la ministre allemande Steffi Lemke, pour qui “l’agriculture et l’économie forestière dépendent d’une nature intacte”.

“On voit qu’on ne va pas assez vite sur l’atténuation au changement climatique. On a besoin de ce texte (…) c’est une question de crédibilité et cohérence” vis-à-vis de la COP15, a abondé le ministre français de la Transition écologique Christophe Béchu.

Il voit dans l’accord “un signal politique fort” et “la démonstration qu’une voie d’entente est possible”, alors que la bataille se poursuit au Parlement européen, où la droite et l’extrême-droite s’opposent farouchement à un texte accusé de menacer la production agricole.

“Avant de crier victoire, les partisans du texte devraient prendre conscience de la faible majorité dégagée mardi (au niveau des Etats), preuve qu’il divise plus qu’il ne réunit“, a averti l’eurodéputée Anne Sander (PPE).

Le combat climatique devrait être transpartisan. Maintenant que ce texte est entraîné dans des +batailles culturelles+, où les faits ne comptent plus, il y a un risque de paralysie“, a déploré mardi le vice-président de la Commission chargé du Climat, Frans Timmermans.

Les ONG environnementales ont salué le compromis trouvé entre les Etats: “En dépit d’affaiblissements sur certains points, le Conseil valide l’importance d’un cadre légalement contraignant pour restaurer la nature”, a observé Nicolas Fournier, d’Oceana.

Les ministres belges satisfaits

Pour la vice-Première ministre Groen Petra De Sutter, la capacité du Conseil à avancer sur ce dossier constitue une excellente nouvelle. Le texte comporte encore à ses yeux suffisamment d’ambition. La ministre fédérale du Climat, Zakia Khattabi (Ecolo), s’est réjouie du dénouement et a remercié les collègues, dont Mme Demir, « qui ont tenté jusqu’au bout de faire bouger les lignes de l’Open Vld et du CD&V, en vain malheureusement ».

Au niveau belge, le dossier avait été marqué par un appel du Premier ministre Alexander De Croo à faire une « pause » dans la réglementation environnementale européenne. Les regards se tournent à présent à nouveau vers le Parlement européen, très divisé sur ce dossier. La droite et l’extrême droite s’opposent farouchement à un texte qu’ils jugent susceptible de menacer la production agricole. Si les eurodéputés conservateurs du PPE (droite), première force du Parlement, ont échoué la semaine dernière à le rejeter, il fera l’objet d’un vote serré en séance plénière en juillet, au risque de compromettre les futurs pourparlers entre États et eurodéputés pour le finaliser.

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