Les pays tardent à dévoiler leurs objectifs nationaux de décarbonation

© Getty Images

Près de 200 pays avaient jusqu’à lundi pour soumettre leur nouvelle feuille de route climatique à l’ONU. Pourtant, la quasi-totalité a raté l’échéance, alimentant les craintes d’un attentisme des grandes économies face au changement climatique, notamment après le retour de Donald Trump.

D’après une base de données de l’ONU, seuls 10 signataires de l’Accord de Paris ont soumis leur stratégie actualisée de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035 avant la date limite du 10 février. Si le Royaume-Uni, la Suisse et le Brésil – hôte de la COP30 en novembre – ont bien déposé leur plan, d’importants acteurs manquent à l’appel : la Chine, l’Inde ou encore l’Union européenne.

Le plan soumis par les États-Unis sous l’administration Biden risque de rester lettre morte avec la réélection de Donald Trump, qui a annoncé un nouveau retrait de son pays de l’Accord de Paris.

Ce retrait constitue “clairement un revers” pour la diplomatie climatique et pourrait expliquer l’attentisme des autres nations, estime Ebony Holland, du groupe de réflexion International Institute for Environment and Development (IIED). “Il y a clairement de grands changements géopolitiques en cours qui s’avèrent compliqués pour la coopération internationale, surtout sur de gros sujets comme le changement climatique”, observe-t-elle.

Une trajectoire à +2,6°C

L’Accord de Paris impose à ses signataires de réviser régulièrement leurs engagements de décarbonation, appelés “contributions déterminées au niveau national” (CDN). Ces plans détaillent, entre autres, les stratégies de développement des énergies renouvelables et de sortie du charbon.

Ces engagements doivent permettre de limiter le réchauffement bien en dessous de 2°C et, si possible, à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. Pour y parvenir, les émissions mondiales, encore en hausse, doivent être réduites de moitié d’ici 2030.

Or, selon l’ONU, les engagements actuels placent la planète, déjà plus chaude de 1,3°C, sur une trajectoire de réchauffement catastrophique de 2,6°C à 2,8°C. Un tel scénario intensifierait les canicules, sécheresses et précipitations extrêmes, accélérerait l’extinction des espèces et entraînerait une montée irréversible du niveau des mers. Le retard dans le dépôt des CDN n’entraîne aucune sanction, ces engagements n’étant pas juridiquement contraignants.

L’ONU Climat en prend acte : son secrétaire exécutif, Simon Stiell, qui qualifie ces plans de “documents de politique publique les plus importants du siècle”, estime “raisonnable de prendre plus de temps pour garantir leur qualité”.

Un responsable de l’ONU précise que plus de 170 pays comptent soumettre leur plan cette année, la majorité avant la COP30. “Au plus tard, le secrétariat devra les avoir reçus d’ici septembre”, a déclaré le secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), jeudi au Brésil.

Une volonté d’agir?

Certains pays doivent encore affiner leur stratégie, admet Linda Kalcher, directrice exécutive du groupe de réflexion européen Strategic Perspectives. Mais “si trop de pays prennent du retard, cela peut donner l’impression qu’ils manquent de volonté d’agir”, avertit-elle.

Au-delà du retour de Donald Trump, plusieurs dirigeants font face à d’autres priorités : inflation, dette et échéances électorales, notamment en Allemagne.

L’Union européenne doit aussi composer avec la montée de partis d’extrême droite hostiles aux politiques climatiques. Toutefois, le bloc des 27 s’engage à déposer sa feuille de route “bien avant” la COP30 et à rester “une voix prééminente pour l’action climatique internationale”, assure une porte-parole. Quant à la Chine, premier pollueur mondial et principal investisseur dans les énergies renouvelables, elle devrait aussi présenter son plan dans l’année.

Jusqu’ici, peu de stratégies sont jugées à la hauteur. Climate Action Tracker critique les engagements actualisés des Émirats Arabes Unis, des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse. Seul le Royaume-Uni se démarque positivement, selon cette organisation.

Partner Content