La clé du marché de la voiture l’électrique? L’état réel de la batterie…

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Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Les voitures électriques seront vraiment durables si leur batterie tient longtemps. Pour le savoir, il faut en mesurer la santé, un service qui sera bientôt disponible. Pour le marché de l’occasion, cette information est plus importante que le kilométrage ou l’âge.

Les particuliers achètent surtout leur voiture sur le marché de l’occasion. Ce sera sans doute encore plus vrai avec les voitures électriques, que les tarifs élevés actuels réservent surtout aux entreprises et aux indépendants. En 2022, il n’y avait guère que 13% de particuliers parmi les 37.619 immatriculations de véhicules à batteries.

Comment acheter une électrique d’occasion? Les critères habituels – le kilométrage et l’âge – ne suffisent pas ou sont peut-être même obsolètes. L’élément clé de l’évaluation est l’état de la batterie. Le moteur résistera plus longtemps qu’un moteur à essence, peut-être 1 million de kilomètres, et il n’y a ni boîte de vitesses ni embrayage. Les véhicules électriques seront sans doute vendus avec un certificat attestant de la santé de la batterie. La manière d’établir la valeur d’une voiture de seconde main pourrait donc changer.

Une voiture électrique qui a plus de 100.000 km après trois ans peut encore avoir une belle perspective si la batterie est en bon état. Celle-ci se dégrade légèrement tous les ans de 1 ou 2%, à des rythmes variant selon l’usage du véhicule (la manière de recharger, de rouler, en fonction du climat et des températures), et “d’environ 10 à 15% après 200.000 km”, estime Jean-Louis Ropers, patron de la société ELMS Consulting, qui rachète des Tesla d’occasion pour les louer, parfois avec un imposant kilométrage.

L’état de santé: le SoH

Ce pourcentage s’appelle le SoH (State of Health, état de santé) de la batterie. Un SoH de 97%, c’est très bien. Un véhicule qui dispose d’une autonomie standardisée de 400 km conservera encore 388 km de rayon d’action. Cette information est précieuse car la batterie est l’élément le plus coûteux d’une voiture électrique (40% du prix). Son coût de remplacement peut dépasser les 10.000 euros en échange standard. Il est moins cher de la réparer, car il suffit parfois de changer un ou deux modules, mais cela représente tout de même plusieurs milliers d’euros.

Le seuil plancher recommandé du SoH est de 70%. “Sous ce niveau, la batterie n’est plus optimale”, explique Guillaume Hébert, CEO de Moba, une entreprise française qui propose un service de mesure aux particuliers et aux entreprises. Il y a encore moyen de rouler sur de petites distances mais la dégradation risque de s’accélérer. Il est peut-être temps de recycler la batterie ou de la réparer.

Guillaume Hébert, CEO de Moba “Nous avons pris le parti de fournir l’information sur l’état de la batterie sur la base des normes du constructeur.”
Guillaume Hébert, CEO de Moba © photos: pg

“J’ai une Tesla Model S de plus de 300.000 km dont la batterie a trop faibli. Apparemment, d’après des premières mesures, il suffirait de remplacer un module de la batterie pour la réparer, précise Jean-Louis Ropers. S’il faut payer 5.000 ou 6.000 euros pour relancer une batterie après 300.000 km, cela vaut vraiment la peine. Pour qu’une voiture électrique soit bénéfique pour l’environnement, il faut qu’elle roule très longtemps.” L’échange standard du pack de batteries s’élève à 12.000 euros (Tesla Model S, dans cet exemple).

Connaître l’état de la batterie est encore une affaire compliquée. L’information n’est généralement pas disponible sur le tableau de bord de l’auto. Dans un futur plus ou moins proche, Car Pass espère bien fournir cette précieuse donnée. Cette ASBL a pour mission de collecter le kilométrage des voitures pour qu’à la revente cette donnée soit en quelque sorte certifiée. C’est une obligation légale pour les particuliers. L’état de la batterie d’une voiture électrique pourrait figurer dans cette base de données. “Ainsi, l’acheteur d’une voiture d’occasion disposera d’une information fiable”, assure Michel Peelman, CEO de Car Pass.

“Un véhicule peu âgé avec peu de kilomètres au compteur peut avoir une batterie déjà détériorée.”

“En général, les constructeurs donnent une garantie importante sur la batterie, par exemple sur huit ans ou 160.000 km, en promettant un minimum de 70% de capacité, mais l’âge moyen d’un véhicule, en Belgique, dépasse les neuf ans, une information précise sera donc nécessaire”, poursuit Michel Peelman. L’acheteur d’un véhicule d’occasion peut fort bien encore bénéficier d’une garantie. S’il achète une auto de 130.000 km âgée de cinq ans et que la garantie est de huit ans et 160.000 km, il pourra faire réparer la batterie gratuitement. Ce sera plus aisé s’il obtient l’information sur la santé de la batterie par Car Pass ou un autre moyen.

250.000 km et davantage

Les constructeurs soutiennent que la durée de vie de la batterie devrait égaler celle de la voiture, soit aisément sur 250.000 km. Mais l’usage peut réduire l’autonomie. “Cela peut paraître contre-intuitif, mais un véhicule peu âgé avec peu de kilomètres au compteur peut avoir une batterie déjà détériorée si elle est restée stockée longtemps, surtout déchargée, relève Guillaume Hébert, CEO de Moba. En revanche, un véhicule qui est utilisé régulièrement, avec plus de kilomètres, peut avoir une batterie en meilleure santé, même si l’on peut dire que l’âge de la batterie a aussi un impact important.”

Comment faire durer une batterie?

L’usure de la batterie est fonction de son âge, du nombre de cycles de charge et, aussi, de la manière de charger. Pour s’assurer une longue vie, voici les recommandations:

• Limiter les charges rapides. Les charges rapides (à courant continu) tendent à accélérer la détérioration des cellules. Il vaut mieux les réserver aux grands trajets et assurer la majorité des charges sur des bornes à courant alternatif (AC), à la maison ou dans les rues.

• Ni trop ni trop peu. Utilisez surtout le véhicule avec une batterie entre 20% et 80% de charge. Décharger complètement une batterie est mauvais pour la durabilité de cet élément, de même que la charge à 100% trop fréquente. Notons que sur ce dernier point, les batteries de type LFP (lithium, fer, phosphate), qui équipent certains modèles de base (notamment chez Tesla), peuvent sans souci charger à 100%.

• Pas de coup de chaud. Evitez les fortes chaleurs. Charger un véhicule au soleil par 40 degrés n’est pas bon.

• Pas de long stockage sans recharge. Une voiture inutilisée pendant plusieurs semaines doit être maintenue entre 20% et 50% de charge dans une zone protégée du soleil.

Dans un futur proche, les revendeurs d’autos d’occasion fourniront donc sans doute un certificat précisant le niveau de la batterie ou bien cette information figurera sur le Car Pass. Cela vaut du reste aussi pour les hybrides rechargeables, qui peuvent généralement rouler électriquement sur 20 à 50 km à condition que la batterie soit encore en forme.

Les voitures électriques à la casse beaucoup plus vite que les thermiques

Pour le moment, cette donnée est encore peu fournie. “Nous ne revendons pas encore beaucoup de voitures électriques d’occasion, la question ne s’est donc pas encore posée, c’est encore un peu tôt”, déclare Jean-Claude Gathon, patron de Soco, un important acteur de la seconde main en Wallonie. “Nous commençons à donner des formations pour la vente de véhicules hybrides et électriques.” Même réaction chez Cardoen. Il faut dire que le marché est encore très réduit. Chez D’Ieteren, les certificats ne sont pas encore fournis avec les électriques de seconde main de la filiale MyWay, spécialisée dans ce marché, “mais c’est un service qui devrait être mis en place bientôt, car l’offre va augmenter. On vend presque 20% d’électriques en neuf”, confie Jean-Marc Ponteville, porte-parole pour D’Ieteren Automotive. Sur le site AutoScout24, qui propose une centaine de milliers de véhicules, la part des électriques n’atteint pas les 4%, mais cette proportion devrait croître.

Passeport batterie attendu pour 2026

La vente des autos à batteries augmente, en particulier dans le parc des voitures de société, où les contrats portent généralement sur quatre ans. A partir de 2026, seuls les véhicules zéro émission bénéficieront des avantages fiscaux des voitures de société, mais le cadre actuel pousse déjà à passer rapidement à ce type de véhicule. Cela signifie que le marché de l’occasion devrait déjà connaître un approvisionnement substantiel d’ici quatre ou cinq ans.

L’ennui c’est qu’il n’existe actuellement aucune approche commune dans le secteur pour établir la capacité d’une batterie. Chaque constructeur applique sa méthode. En France, Renault propose de fournir un certificat sur l’état de la batterie pour ses modèles électriques, valable trois mois, disponible sur les modèles connectés (notamment Renault Zoe ou Mégane). Ce service n’est pas encore proposé en Belgique.

Il n’existe pas encore de norme européenne commune, mais cela pourrait venir. En 2026, un passeport batterie devrait être instauré par les membres de la Battery Alliance, qui réunit constructeurs d’autos et fabricants de batteries. Il fournira les informations sur les composants de cet élément, accessible par un QR code, sur la composition de cellules, l’origine des éléments. Il ne serait pas impossible que l’état de la santé de la batterie (SoH) figure parmi les informations accessibles.

Des tests indépendants sont proposés à la fois aux particuliers et aux entreprises (société de location, garages, concessions) par des sociétés comme Moba en France (aussi active en Belgique) ou Dekra. Il est possible aussi de demander un examen au concessionnaire. “Nos services après-vente peuvent procéder à cet examen”, précise Jean-Marc Ponteville, pour D’Ieteren Automotive, qui importe notamment VW, Audi, Skoda et Seat.

Il existe deux approches. La plus rapide consiste à lire les données de la batterie à travers la prise ODB qui se retrouve sur toutes les voitures. La seconde, plus longue et plus précise, implique aussi de charger la batterie et de la décharger fortement pour en mesurer le comportement, cela prend plusieurs heures. “Nous pouvons effectuer les deux types d’examen”, poursuit Jean-Marc Ponteville. La deuxième approche fournit des données plus complètes, notamment sur la puissance de la batterie, sa capacité à fournir le courant pour une accélération.

49 euros le diagnostic

La start-up française Moba propose d’établir un certificat de la batterie en envoyant aux clients un “dongle” (prise intelligente) à brancher sur la prise ODB du véhicule. Le particulier télécharge une application, branche le dongle sur la prise ODB, et l’application va capter, via le smartphone, les données. Moba enverra alors un certificat qui mentionnera le pourcentage restant de la batterie, l’autonomie théorique qu’elle peut procurer, et aussi le temps et la distance qu’il reste avant la fin de la garantie. Le service revient à 49 euros. Le client reçoit le dongle par la poste et une enveloppe pour le renvoyer après usage. Le test fonctionne sur une série de modèles courants (Tesla, VW, Renault, Nissan, etc.).

“Nous avons pris le parti de fournir l’information sur l’état de la batterie sur la base des normes du constructeur”, explique Guillaume Hébert, CEO de Moba. Ce n’est pas une analyse détaillée de la performance mais cela permet d’avoir une base de discussion pour la mise en œuvre de la garantie. Il est par exemple recommandé de tester une batterie peu avant que la garantie arrive à échéance.

Dekra: accélérer pour mesurer

Le groupe allemand Dekra vient de lancer un test de batterie. Sa filiale belge le commercialise depuis mars à destination des particuliers et des entreprises. “Nous pensons que ça va devenir très important pour la revente des voitures électriques”, assure Olivier Gréant, sales & marketing manager de Dekra Belgium. Ce test est un peu différent de l’approche de Moba. Il utilise aussi une lecture des données de la batterie via la prise ODB, mais la prestation est réalisée par un employé de Dekra. Ce dernier procède aussi à une mesure de la batterie en exécutant une brève accélération sur 100 mètres. Cela donne plus d’informations sur l’état de la batterie.

Cette approche est un peu plus chère que celle de Moba, mais reste raisonnable. Le service est disponible sur beaucoup de marques, mais pas (encore) Tesla. Une entreprise autrichienne, Aviloo, propose les deux types de contrôles, le test rapide et le test dynamique, qui nécessite de rouler avec la voiture à 100% de charge et de descendre jusqu’à 10% (99 euros pour les particuliers). Tous ces tests débouchent sur un certificat.

La capacité des batteries belges va quintupler d’ici 2024

Une école supérieure de Malines, Thomas More, a testé fin 2022, sous la direction de Luc Claessens, plusieurs systèmes de mesure de santé de batteries sur cinq voitures. “Les résultats montrent des disparités. Nous avons demandé à Thomas More de refaire les essais avec les derniers types de mesures qui sont apparus”, précise Michel Peelman. Les mesures les plus rapides, qui lisent les données de la batterie, sans tester cet élément, semblent parfois les plus optimistes.

Plus de 500.000 km?

La technologie des batteries connaît aussi des avancées qui devraient se traduire par une durée de vie plus longue. Les modèles actuels les plus courants sont des batteries lithium NMC, dont les cathodes utilisent le nickel, le manganèse et le cobalt. Elles ont les meilleures performances et la meilleure densité, peuvent tenir un bon millier de cycles de charge complet, soit plus de 200.000 km. Mais de plus en plus de véhicules roulent maintenant avec des batteries LFP (lithium, fer, phosphate) qui tiennent le coup sur deux fois plus de cycles, ce qui place leur durée de vie théorique au-delà des 400.000 km. Elles sont moins chères mais ont une densité énergétique moindre. Pour vérifier ces promesses, il faudra encore attendre quelques années. Et réaliser des tests.

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