A un mois de la COP28, les bras de fer s’intensifient

Le président de la COP28, Sultan Al Jaber © belga

Rien n’est encore fixé entre les près de 200 pays qui se réuniront à la COP28, après deux jours de discussions à Abou Dhabi qui n’ont pas permis d’avancée majeure sur le sujet prioritaire du moment, la concrétisation d’un fonds pour compenser les dégâts climatiques.

“Il faut qu’on avance”, a déclaré le président de la COP28, Sultan Al Jaber, à l’issue des deux jours de réunions à l’Emirates Palace, fastueux complexe hôtelier en bord de mer. “Nous devons utiliser chaque jour entre maintenant et le début de la COP28 pour avancer sur tous ces éléments”, a-t-il dit, après avoir évoqué les fossiles, la finance climatique, l’adaptation aux effets du réchauffement…

Dans les couloirs feutrés de l’hôtel, quelque 70 ministres se sont croisés et réunis dans un savant ballet diplomatique à huis clos, censé aider à faire émerger un consensus à quatre semaines de la COP28 de Dubaï (30 novembre-12 décembre), la plus importante depuis l’accord de Paris.

“Il y a une bonne dynamique, mais encore beaucoup à faire dans les 28 prochains jours”, a confié à l’AFP la négociatrice allemande, Jennifer Morgan. “Les vraies batailles se jouent à la COP”, tempère un négociateur africain. “Le nœud principal pour le moment est clairement du côté du fonds +pertes et dommages+”, selon la ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

Pertes et dommages

Ce fonds, dont l’adoption sur le principe a été considérée comme le résultat majeur de la COP27, reste à créer: quel fonctionnement, qui le finance, qui en bénéficie? Rien n’est tranché, alors que les pays en développement exigent sa mise en œuvre dès la COP28 et que le dernier rendez-vous de négociations, mi-octobre en Egypte, s’est soldé par un échec. Mais “il y a un accord sur presque 80% du texte”, s’est félicité mardi soir le négociateur égyptien Mohamed Nasr, interrogé par l’AFP. Et un ultime cycle de négociations a été ajouté en urgence, à Abou Dhabi, du 3 au 5 novembre.

Mi-octobre, “on était à un 1 ou 2 jours d’un accord”, dit un négociateur européen, lui aussi confiant.

Parmi les blocages, “les Etats-Unis ne veulent pas mettre un centime si la Chine est un potentiel bénéficiaire”, autrement dit si le fonds n’est pas réservé aux pays vulnérables, explique-t-il. Des pays dénoncent la volonté des Occidentaux d’établir le fonds, même temporairement, au sein de la Banque mondiale, qui “n’est pas adaptée aux questions de développement”, a rappelé Michai Robertson, un négociateur de l’Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS). “Les Saoudiens ne veulent aucune formulation qui élargirait la liste des donateurs au-delà des pays développés”, ajoute son homologue européen.

Même si ces divergences sont surmontées d’ici la COP28, nul ne sait quel montant pourra être levé auprès des pays riches, qui peinent déjà à honorer leur promesse de fournir 100 milliards de dollars de finance climat par an.

“Pas un dû”

La transition et l’adaptation en nécessitent pourtant des milliers de milliards, mais “la finance publique est le levier qui va débloquer la finance privée”, rappelle constamment Harjeet Sing de l’ONG Climate Action Network.

Le fonds sur les pertes et dommages “est basé sur le volontariat (…), ce n’est pas un dû”, défend la ministre française, qui a présidé avec son homologue du Bangladesh Shahab Uddin une séance mardi pour dégripper le dossier.

Pour Mme Pannier-Runacher, un accord doit être vite trouvé pour éviter que ce dossier symbolique ne devienne “peut-être un prétexte pour ne pas aborder les discussions qui fâchent”, en premier la réduction des gaz à effet de serre.

Energies fossiles

Ces derniers mois, le débat sur la fin des énergies fossiles, moteur essentiel du réchauffement, s’est imposé comme jamais dans les négociations onusiennes. Depuis 30 ans, elles n’ont abouti qu’à un objectif de réduction du charbon à la COP26.

Mais le vif débat est temporairement au second plan. “Je continue d’entendre des opinions bien arrêtées sur l’inclusion d’une formulation sur les combustibles fossiles et les énergies renouvelables” dans l’accord final de la COP28, s’est contenté de déclarer mardi Sultan Al Jaber.

Sultan Al Jaber, également patron de la compagnie pétrolière émiratie Adnoc, a mis de côté sa formule habituelle sur la réduction “inévitable” des fossiles. “C’est trop tôt, cela bloquerait les négociations”, souffle un membre de son entourage, alors que dans les couloirs les discussions vont bon train sur les réticences des pays du Golfe, Arabie saoudite en tête.

Sans être encore acquis, l’objectif de tripler les capacités des énergies renouvelables d’ici 2030 (pour atteindre 11 terawatts) semble en meilleur voie.

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