A Lommel, les diamants sont durables
Vendus à 60.000 euros le gramme, les diamants sont quasiment les produits les plus chers de la planète. Pour extraire ces pierres, des guerres sont menées, des personnes exploitées et l’environnement pollué. Dans le Limbourg, l’entreprise Heyaru se contente de les cultiver, de manière durable, dans un laboratoire.
1. Graines de carbone
Le processus de production commence par des semences en provenance d’Inde. Il s’agit de disques de carbone transparents, taillés à 0,3 millimètre dans des pierres cultivées auparavant en Belgique. L’ouvrier place 70 à 80 de ces graines plates sur une plaque ronde en molybdène, un métal dont le point de fusion est extrêmement élevé. L’entreprise expérimente également des disques plus grands.
2. De l’hydrogène pur
Plus les matières premières sont pures, plus le diamant est pur. L’hydrogène pur est une matière première essentielle. Dans une chambre ignifugée du site, un générateur d’hydrogène transforme l’eau déminéralisée en hydrogène gazeux. Grâce à son purificateur, l’entreprise parvient à produire de l’hydrogène pur 99,99999999 %. Le gaz est ensuite acheminé vers l’atelier de production par de fins tuyaux.
3. Soleil artificiel
Dans une cabine, 16 fours à micro-ondes extrêmement puissants créent un plasma en décomposant l’hydrogène, donnant naissance à un mini soleil vert de 160 millimètres de diamètre qui brille à des températures de 2.000 à 2.500 °C. Ce soleil et la haute pression à l’intérieur de la cabine transforment alors les disques de carbone en diamants de 5 à 8 mm d’épaisseur. Une opération durant laquelle de l’air frais est constamment insufflé via des centaines de petits trous.
4. Jusqu’à 900 heures de culture
Autrefois, le logiciel utilisé pour créer le soleil artificiel limitait le processus de culture à 500 heures, ce qui permettait d’obtenir seulement des pierres de 1,4 carat. Mais le programme a été modifié. Un cycle de production peut désormais grimper jusqu’à 900 heures, soit sept semaines. La culture de quelque 70 diamants nécessite 30.000 kW d’électricité, provenant des panneaux solaires et de l’éolienne installés sur cet ancien site de Philips. Ceux-ci produisent 2 MW d’énergie renouvelable.
5. Type II
Environ 85 % des pierres de culture atteignent le type II, soit le profil de diamant le plus pur, sans impuretés d’azote apparentes, parfait pour le secteur de la joaillerie. Dans la nature, seuls 2 % des pierres trouvées appartiennent à ce type. Grâce à l’expérimentation, l’équipe belgo-indienne de Heyaru espère un jour fabriquer le plus gros diamant du monde. Un titre aujourd’hui porté par le célèbre Cullinan, qui orne le sceptre de la famille royale britannique.
6. Taille et coloration en Inde
Les pierres précieuses qui ont atteint 1,5 carat et mesurent en moyenne 5 millimètres d’épaisseur, avec des pointes allant jusqu’à 8 millimètres, partent alors vers la maison mère, en Inde. Là, elles sont colorées et taillées. Les diamants de laboratoire coûtent un tiers du prix des pierres naturelles, mais personne ne peut faire la différence. D’un point de vue optique, qualitatif, esthétique et chimique, ils sont équivalents aux diamants de mine.
Une véritable “Diamond Valley”
En 2012, Vikram Shah, fondateur de l’entreprise Heyaru, troquait ses activités relatives aux diamants naturels pour celles en version laboratoire. “La technique de dépôt chimique en phase vapeur utilisée pour créer un plasma par micro-ondes était enfin au point. Pour la première fois, j’avais une alternative aux diamants naturels, qui proviennent souvent de zones de guerre et sont extraits sans aucune considération pour l’environnement ou la main-d’œuvre. »
Depuis 2017, cet Indien basé en Belgique produit donc des diamants de laboratoire pour l’industrie du luxe. Des subsides du gouvernement flamand et de l’agence régionale à l’innovation Vlaio et des soutiens de l’invest limbourgois LRM et du fonds de participation flamand PMV l’ont convaincu d’installer sa production européenne à Lommel, sur l’ancien site de Philips-Emgo. “Nous cultivons, comme des agriculteurs. Pour cela, je cherchais les meilleures conditions. En Inde, il fait trop chaud. En Belgique, l’air frais entre directement par les portes. Nous économisons au moins 30 % d’énergie rien que pour la climatisation. Et la consommation d’eau pour le refroidissement est également ici relativement limitée.”
Les ambitions d’Heyaru sont visibles sur le Kristalpark voisin – ce grand zoning dédié aux métiers du verre – à deux pas du site de production actuel. Un bâtiment blanc ultramoderne s’y élève, le premier d’une série de neuf. D’ici 2027, sur cette friche de 10 hectares, sera créée une véritable Diamond Valley avec 300 machines et 150 employés. A plein régime, elles produiront 20.000 diamants par mois. Mais le financement de ce projet risqué n’est pas acquis: Heyaru recherche encore 260 millions d’euros. Certaines banques ne veulent surtout pas avoir affaire aux diamants, peu importe que ceux soient cultivés et durables. Autre risque : si l’opération tourne mal, aucune de ces 300 machines ne pourra être convertie pour servir à une autre activité. Mais Vikram Shah est confiant, lui qui constate une reprise de la demande : “L’utilisation de diamants de laboratoire pour les mariages est passée de 10 à 45 %. De plus en plus d’entreprises optent pour ces pierres de culture pour des impératifs ESG (Environnement, Social et Gouvernance). En outre, les diamants présentent d’énormes avantages pour le développement de l’intelligence artificielle ou de nouvelles technologies.
Une pierre précieuse peut stocker de l’énergie et des données, et les transporter à des vitesses ultra-rapides allant jusqu’à 3 Gbps. Elle fait par exemple partie des pièces indispensables
à la fabrication d’ordinateurs quantiques.”
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