Des journalistes tchèques révèlent comment la contrebande russe contourne les sanctions européennes

Photo prise le 16 mars 2021 d'un chariot élévateur transportant des planches de bois au nord-est de la capitale russe, Moscou. © iStock

Le média tchèque Seznam Zpravy a révélé cette semaine que des journalistes d’investigation avaient infiltré un réseau de contrebande, qui fait circuler des produits russes sous embargo dans l’Union européenne.

Les sanctions infligées à la Russie par l’Union européenne sont-elles vraiment efficaces ? Le doute plane, et l’enquête menée par des journalistes d’investigation tchèques et publiée cette semaine ne fait que le confirmer.

Pour rappel, l’Union européenne a interdit aux transporteurs routiers, aériens et maritimes russes et biélorusses d’entrer sur le territoire de l’UE, y compris pour des marchandises en transit (mais avec des dérogations possibles pour certains produits). La liste des produits russes faisant l’objet de sanctions comprend entre autres le pétrole brut, l’acier, les produits sidérurgiques et le fer, le ciment, le bois, le papier et les matières plastiques, ou encore les cigarettes et les produits cosmétiques.

Mais voilà, tout ne se passe pas comme prévu. Des journalistes d’investigation tchèques ont, en effet, révélé cette semaine que des produits russes, soumis à l’embargo, continuent en réalité d’entrer et de circuler dans les États membres. Des informations également relayées par le média européen Euractiv.

Des produits russes sous étiquette bulgare

Publié dans le média tchèque Seznam Zpravy, le premier volet de l’enquête montre comment les produits fabriqués en Russie se transforment en marchandises d’origine bulgare pour être ainsi vendues dans les Etats membres. L’un de leurs journalistes, Janek Kroupa, a infiltré l’une des organisations de contrebande et a secrètement enregistré l’homme qui en est à la tête, le Russe Ernest Rochal.

Le journaliste explique que la route de contrebande est surveillée et dirigée par Ernest Rochal, qui dispose également d’un passeport israélien, lui permettant de voyager librement à travers le monde et de commercialiser les produits russes. Ces marchandises concernées sont entre autres le bois, le fer et les engrais chimiques. Cette route de la contrebande fonctionnerait également dans la direction opposée, notamment pour importer des gilets pare-balles et des casques en Russie.

J’ai passé trois mois à construire l’infrastructure. Nous transportons des marchandises par camion à travers la Géorgie vers la Turquie, ou par bateau de Novorossiysk [en Russie] à Istanbul“, a confié Ernest Rochal au journaliste infiltré. “En Turquie, nous allons changer le pays d’origine. Tous les timbres russes disparaissent, nous blanchissons le nom de l’entreprise. De Turquie, nous transporterons ensuite les marchandises en Bulgarie, à une autre de mes sociétés. C’est là que vous achetez. Donc, sur le papier, pas de Russie, pas de Turquie, mais de Bulgarie“, ajoute Rochal. Ce dernier révèle également utiliser ses entreprises au Kirghizistan, en Azerbaïdjan et en Ouzbékistan pour faire circuler l’argent des marchandises.

Dans un deuxième volet, les journalistes décrivent leur prise de contact et relation avec Ernest Rochal, et comment ils ont réussi à piéger le Russe. L’homme d’affaires leur révéla également que “chaque jour, 200 camions peuvent traverser la frontière avec la Géorgie, vingt d’entre eux sont les miens.” Il serait donc loin d’être le seul à faire de la contrebande. Une enquête qui embarrasse un peu plus l’Union européenne, qui peine donc à contrôler l’application de ses sanctions.

Que fait l’Union européenne ?

Le Conseil de l’Union européenne a annoncé le 28 novembre dernier que la violation des mesures restrictives sera bientôt ajoutée à la liste des infractions pénales de l’UE. Le Parlement et le Conseil ont en effet le pouvoir d’établir des règles relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines dits criminels et revêtant une dimension transfrontière. Il s’agit entre autres du terrorisme, de la traite des êtres humains et de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, du trafic illicite de drogues ou encore du crime organisé.

Elle [l’UE] a adopté un nombre sans précédent de sanctions pour viser l’économie russe et compromettre sa capacité à poursuivre cette agression. Pour réussir, leur mise en oeuvre nécessite un effort commun et la décision prise aujourd’hui est un outil essentiel pour garantir qu’il sera mis un terme à toute tentative de contournement de ces mesures.

Pavel Bla¸ek, ministre tchèque de la justice, lors de la présidence tchèque du Conseil de l’UE, remplacée depuis le 1er janvier par la Suède.

A voir si une telle mesure permettra réellement de mettre fin à ces réseaux de contrebande.

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