Investir dans les cryptomonnaies : 9 choses à savoir pour éviter les ennuis

À partir de 2026, les États membres de l’Union européenne échangeront automatiquement des informations sur les gains réalisés en cryptomonnaies. De nombreuses personnes s’interrogent sur le traitement fiscal de ces gains. « Le fisc est plus strict avec les cryptomonnaies qu’avec les actions », affirme l’avocate Charlotte Lardenoit.
« Des étudiants aux conducteurs de train : tout le monde s’intéresse aux cryptos », observe Charlotte Lardenoit, associée chez Sansen International Tax Lawyers. « Ce qui me frappe, c’est la diversité du public concerné. Les actions ont toujours été, à mon sens, un terrain de jeu un peu plus réservé aux entrepreneurs. Les cryptomonnaies, en revanche, attirent aussi bien des fonctionnaires que des indépendants. »

Dès 2026, les administrations fiscales européennes auront accès aux données relatives aux rendements générés par les investissements en cryptomonnaies. Que doivent savoir les investisseurs pour éviter des problèmes avec les banques et le fisc belge ?
1/ Une plateforme crypto n’est pas une banque
Ce n’est pas un hasard que la première cryptomonnaie, le Bitcoin, a vu le jour le 31 octobre 2008, en pleine crise bancaire mondiale. Sauf que la grande force des cryptomonnaies, à savoir qu’elles fonctionnent en dehors du système bancaire traditionnel, constitue aussi leur talon d’Achille.
Les autorités belges de régulation – la Banque nationale de Belgique (BNB) et l’Autorité des services et marchés financiers (FSMA) – n’ont de compétence que sur le secteur bancaire classique. Bien qu’un cadre réglementaire commence à se dessiner, notamment avec la réglementation MiCA (Markets in Crypto-Assets), le secteur crypto reste bien moins encadré que les produits traditionnels d’épargne, de placement ou d’assurance. Ce manque de réglementation accroît les risques en cas de litige ou de faillite.
Un compte sur une plateforme d’échange de cryptomonnaies ne bénéficie pas de la même protection qu’un compte bancaire. En cas d’oubli de code ou de fraude, il est souvent plus difficile, voire impossible, d’obtenir une quelconque assistance.
Dans une banque classique, les employés doivent prêter serment d’agir dans l’intérêt du client et de le traiter de manière équitable.
2/ Les banques règlent vos impôts à votre place
En Belgique, les banques sont progressivement devenues un relais de l’administration fiscale. Elles retiennent à la source différentes taxes pour le compte de leurs clients, comme le précompte mobilier sur les intérêts et dividendes, ou encore la taxe sur les opérations de bourse (TOB), qu’elles reversent ensuite au fisc.
Ce service n’est pas toujours fourni par les banques étrangères. Mais grâce à l’échange automatique mondial d’informations bancaires, le fisc belge sait où vous détenez des comptes à l’étranger. Si vous n’avez pas déclaré ces comptes ou oublié de payer les impôts dus, l’administration fiscale peut vous le rappeler, voire remonter plusieurs années en arrière.
3/ Les investissements à l’étranger sont également imposables
Que vos avoirs et placements soient situés en Belgique ou à l’étranger, vous êtes tenu de payer certains impôts sur les revenus générés, ainsi que sur certaines transactions (TOB) ou sur la détention d’actifs (taxe sur les comptes-titres).
Il y a quelques décennies, il était courant pour les Belges de détenir des comptes au Luxembourg, aux Pays-Bas ou en Suisse afin d’y percevoir intérêts et dividendes sans toujours les déclarer en Belgique.
Aujourd’hui, il est obligatoire de déclarer tout compte étranger auprès du Point de contact central (PCC) de la Banque nationale de Belgique, et de cocher la case correspondante dans votre déclaration d’impôts. Si le fisc reçoit des données concernant des comptes non déclarés, cela réveille la suspicion.
En cas de contrôle, vous devez également être en mesure de fournir la liste des transactions effectuées via ces comptes pour prouver que vous vous êtes acquitté des impôts dus dans chaque juridiction.
4/ Vous achetez et vendez toujours des cryptomonnaies à l’étranger
Le trading de cryptomonnaies est largement répandu en Belgique, mais il ne peut se faire qu’à travers des intermédiaires étrangers. Depuis la faillite de bit4you, plus aucune plateforme crypto n’opère depuis le territoire belge.
Il est donc essentiel pour les investisseurs de bien vérifier l’identité de leur contrepartie et de ne pas se fier uniquement à l’apparence professionnelle d’un site ou d’une application.
La faillite du prestataire estonien CoinLoan, qui assurait la garde des cryptomonnaies pour les clients de bit4you, a entraîné en avril 2023 le gel des avoirs de nombreux investisseurs belges. Avec l’approbation récente du plan de réorganisation de bit4you, les clients espèrent désormais récupérer une partie de leurs fonds. Beaucoup, ont été choqué d’apprendre que leurs actifs numériques étaient hébergés à l’étranger.
La plupart des courtiers en cryptomonnaies et bourses crypto ont un lien avec des juridictions exotiques. La célèbre plateforme FTX, qui a fait faillite en novembre 2022 suite à une fraude massive, opérait depuis les Bahamas, bien que son fondateur, Sam Bankman-Fried, fût Américain. Les investisseurs lésés pourraient prochainement récupérer tout ou partie de leurs actifs.
Certains acteurs, comme Binance, la plus grande bourse crypto au monde en volume, sont difficiles à localiser précisément. Enregistrée aux îles Caïmans, Binance affirme avoir des serveurs au Japon, tandis que son fondateur Changpeng Zhao déclarait que « le siège est là où je me trouve ».
5/ Les portefeuilles crypto sont considérés comme des comptes étrangers
Une fois une cryptomonnaie achetée, vous pouvez la stocker dans un « hot wallet » (connecté en permanence à Internet) ou un « cold wallet » (stockage hors ligne, donc moins exposé au piratage). « Le second est aussi moins visible pour les autorités », note Charlotte Lardenoit. Le cold wallet peut être une clé USB ou un disque dur externe.
La question de savoir si ces portefeuilles doivent être déclarés comme comptes étrangers au Le Point de contact central des comptes et contrats financiers (PCC) et dans la déclaration fiscale fait débat depuis longtemps.
Selon le ministre des Finances, les portefeuilles gardés (custodial wallets) – c’est-à-dire gérés par un prestataire qui propose des services proches de ceux d’une institution financière – doivent être déclarés. À l’inverse, un portefeuille non dépositaires (wallet non-custodial) détenu chez soi n’a pas à être déclaré. Il faut néanmoins conserver un registre des transactions (ledger) retraçant tous les achats, ventes et transferts, ainsi que la preuve de transfert vers le cold wallet.
6/ Le fisc va en savoir de plus en plus
Actuellement, il n’existe pas encore d’échange automatique d’informations fiscales pour les cryptomonnaies. Mais cela va changer.
La directive de coopération administrative dite « DAC 8 », imposera bientôt aux plateformes crypto de rapporter les transactions de leurs utilisateurs. Elle devra être transposée en droit belge d’ici le 31 décembre 2025, et l’échange automatique entre États membres débutera le 1er janvier 2026.
Les cold wallets resteront hors de portée de l’administration fiscale – du moins en théorie. « Personne n’a de visibilité dessus, sauf leur propriétaire », souligne Lardenoit. Toutefois, des plateformes comme Kraken enregistrent depuis 2024 tous les transferts vers et depuis des cold wallets et conservent ces données pendant 5 ans, à des fins de lutte contre le blanchiment d’argent, mais sans encore les transmettre automatiquement.
Et les plateformes américaines ? Elles ne sont pas soumises à DAC 8, mais certaines ont une entité européenne. Par exemple, Coinbase dispose d’un hub en Irlande, ce qui signifie que les données de cette filiale seront bien concernées par l’échange automatique.
7/ Les plus-values sur cryptomonnaies sont déjà imposables
Le dernier accord de gouvernement fédéral mentionnait une taxation des plus-values sur actifs financiers, y compris les cryptos. « La plupart des investisseurs crypto préféreraient une imposition claire de 10 %. Le flou actuel crée de l’insécurité juridique », explique Charlotte Lardenoit.
Celui qui achète pour un petit montant, effectue peu de transactions et conserve ses cryptos sur le long terme est considéré comme relevant de la gestion normale d’un patrimoine privé, donc exonéré.
En revanche, le fisc ne considère pas comme gestion normale le fait d’emprunter pour investir en crypto ; l’usage de distributeurs automatiques de cryptomonnaies ; une fréquence élevée ou un volume important de transactions.
De manière générale, le fisc belge est plus sévère avec les cryptos qu’avec les actions lorsqu’il de trancher s’il y a spéculation ou non. Si les gains sont requalifiés en revenus divers, ils seront taxés à 33 %.
Et si l’investisseur est actif professionnellement dans l’IT ou dans les cryptos, les revenus peuvent même être requalifiés en revenus professionnels, taxés selon des taux progressif mais pouvant aller jusqu’à 50 %. Les revenus issus du minage sont également assimilés à des revenus professionnels par le service des décisions anticipées.
8/ Vous devez tôt ou tard repasser par la banque
Les banques ont pour mission de vérifier si les fonds déposés sur un compte sont d’origine licite. Lorsqu’il s’agit d’argent provenant de l’étranger – ce qui est souvent le cas pour les cryptos –, elles redoublent de prudence.
« Les banques peuvent être considérées comme complices si elles ne font pas suffisamment d’efforts pour lutter contre le blanchiment d’argent. Parfois, une banque pose déjà des questions à partir de 5.000 euros, tandis qu’aucune question n’est posée pour un dépôt de 50.000 euros. La banque connaît ses clients. Ce qui est un comportement normal pour l’un, ne l’est pas nécessairement pour l’autre », explique Charlotte Lardenoit.
Dès lors comment éviter que votre banque ne se méfie si vous souhaitez déposer vos gains en cryptomonnaies sur votre compte bancaire ? « Si vous réalisez des bénéfices sur vos transactions ou que vous enregistrez une plus-value sur vos cryptomonnaies, vous voudrez tôt ou tard convertir ces gains en monnaie fiduciaire pour les utiliser », déclare Charlotte Lardenoit. « Il existe encore très peu d’endroits où vous pouvez directement payer avec des cryptomonnaies. Le Salvador avait mis en place entre 2021 et 2025 une expérience visant à faire du bitcoin une monnaie légale, mais ce projet a depuis été fortement réduit. »
« Les banques sont disposées à accepter cet argent, mais ne le déposez pas simplement sur votre compte sans préavis. Poser la question à votre conseiller bancaire. La banque pourra demander les justificatifs nécessaires. Si vous effectuez un virement sans avertir, la banque risque de vous interroger, voire de mettre fin à la relation bancaire, de geler les fonds ou d’effectuer une déclaration à la Cellule de Traitement des Informations Financières (CTIF), ce qui pourrait entraîner une enquête pénale. »
« Vous devez documenter précisément l’origine des fonds ayant servi à l’achat des cryptomonnaies. Provenaient-ils de revenus professionnels ? D’un héritage ou d’une donation ? De plus, la banque voudra savoir si vous avez rempli vos obligations fiscales. Avez-vous déclaré votre cryptowallet dans votre déclaration d’impôts et auprès du Point de contact central (PCC) ? Compiler toute vos traductions dans un registre (ledger)»
9/ Facilitez la tâche à vos héritiers
Après un décès, les héritiers doivent souvent prouver l’origine des avoirs du défunt. Si l’argent est dans une banque belge, cela ne pose en général pas de problème. En revanche, pour les comptes à l’étranger, il faut présenter des justificatifs.
Pour les actifs en cryptomonnaies, c’est encore plus compliqué. On ne peut pas demander au notaire de vérifier un registre bancaire ou d’accéder à un compte crypto.
« Si le défunt n’a pas laissé de documentation sur les plateformes utilisées et les wallets possédés, les actifs numériques risquent tout simplement d’être perdus », avertit Charlotte Lardenoit. Ne compliquer pas la vie de vos héritiers, tenez votre dossier à jour.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici