Cette fois, c’est le Tether : nouvelles turbulences dans le monde crypto
La star des « stablecoins », le Tether, est au cœur de la tourmente à la suite d’un article du Wall Street Journal.
Tout le monde connaît le bitcoin, mais le Tether est sans doute la cryptomonnaie la plus échangée au monde, avec des volumes d’échange qui font parfois plusieurs milliards de dollars par jour. Or, un article du Wall Street Journal publié à la fin de la semaine dernière a replacé cette crypto dans une nouvelle tempête.
Des bénéfices monstrueux
Le Tether (sigle : USDT) est une « stablecoin », une cryptomonnaie stable, dont le cours est adossé au dollar américain. Le Tether est née en 2014, et comme pas mal d’autres cryptos, il a vivoté avant de s’emballer. Il pèse aujourd’hui plus de 120 milliards de dollars de capitalisation et compte 350 millions d’utilisateurs. Les profits engrangés par les gestionnaires de Tether sont monstrueux : au premier semestre de cette année, la Tether Holdings Ltd, une société des Iles Vierges britanniques, a annoncé avoir réalisé 5,2 milliards de dollars de bénéfices. Des bénéfices qui sont engendrés par le placement – dans des obligations de l’Etat américains, en bitcoins, en or,…- des dollars que versent les investisseurs désireux de se procurer des Tethers.
Mais depuis 2017, le département américain de la justice s’intéresse à cette société, ainsi qu’à sa société sœur, Bitfinex, une plateforme d’échanges en crypto actifs. Bitfinex et Tether Holdings sont détenues par iFinex, elle aussi une société des Iles Vierges et la justice américaine soupçonne le groupe d’avoir notamment participé à du blanchiment d’argent. Des questions se posent également sur la solidité du système, car depuis 2019, Tether admet que chaque Tether n’est pas précisément adossé à un dollar américain, mais peut être adossé aussi à des prêts octroyés à certains de ses clients. En gros, Tether aurait créé de la monnaie à partir de rien. Un article du Wall Street Journal publié ce 25 octobre a mis le feu aux poudres en annonçant donc que le département américain de la Justice avait ouvert une enquête contre Tether, ce que nie le CEO de Tether Paolo Ardoino. Il reste que depuis vendredi, le Tether ne vaut plus précisément un dollar, mais un peu moins (il se négociait à 0,995 dollar ce mardi).
Monnaie criminelle
Il n’y a pas que le département de la justice à froncer les sourcils. Voici un peu moins d’un an, le bureau des Nations Unies sur le crime et le trafic de drogue (United Nations Office on Drugs and Crime, UNODC), avait qualifié le Tether de « monnaie du crime », détaillant dans un rapport la façon dont le Tether jouait le rôle de banque souterraine dans les réseaux criminels d’Asie du Sud-Est. « Les crypto-monnaies non réglementées sont devenues des éléments fondamentaux de l’architecture bancaire utilisée par le crime organisé », soulignait l’UNODC.
En Europe aussi, le Tether est mis sur la sellette, cette fois pour refuser d’obéir à la régulation européenne sur les crypto actifs, MiCA, qui oblige les gestionnaires actifs en Europe à détenir 60 % des réserves en monnaie fiduciaire dans des banques de l’Union européenne.
Pour tenter de désamorcer la crise, Paolo Ardoino a dézingué l’article du WSJ, assurant qu’il s’agissait de « rumeurs recyclées », et il assure que Tether détient des réserves considérables, et notamment 100 milliards de dollars en bons du Trésor américain, à quoi il faut ajouter 82 000 Bitcoins (soit près de 6 milliards de dollars) et 48 tonnes d’or (soit près de 4 milliards de dollars).
Et revoilà Donald Trump
Si jamais Tether Holdings Ltd était déclaré coupable, et si la sanction de la justice américaine était d’exclure le Tether du système de paiement en dollars, on risquerait d’assister à un violent jeu de dominos. En sa qualité de principale stablecoin, le Tether sert en effet de réserve à de nombreux autres systèmes crypto. Un effondrement du Tether mettrait donc à mal tout l’écosystème crypto, qui pèse 2.000 milliards de dollars.
Un dernier point cocasse : 80 milliards d’obligations américaines détenues par Tether sont logées chez Cantor Fitzgerald, un des principaux courtiers en dettes américaines. Le patron de Cantor, Howard Lutnick, se déclare évidemment un grand fan du Tether, ainsi que du Bitcoin, qu’il veut propulser comme une monnaie de réserves, et sur lequel sa firme a commencé une activité de prêts. Or, Lutnick est aussi un des responsables de l’équipe d’un certain Donald Trump, lui aussi fan de cryptomonnaies, et surtout de la sienne, qu’il vient de lancer. Or, la rumeur veut qu’en cas de victoire du candidat républicain, Howard Lutnick devienne le chef de cabinet du Président Trump. Un océan de conflits d’intérêt pourrait se profiler à l’horizon.
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