Coloc Housing, une start-up de colocation en pleine croissance en Belgique, transforme de vastes maisons de maître en espaces de vie partagés destinés aux expatriés, aux jeunes professionnels ou à toute personne séduite par le principe de la colocation.
Une maison de maître entièrement rénovée, avec un grand jardin, en plein cœur de Bruxelles ou de Gand : pour beaucoup, cela représente le rêve résidentiel par excellence. Mais en raison du coût élevé de ces biens, ce rêve reste hors de portée pour la majorité. Pourtant, un nombre croissant — principalement de jeunes adultes — accèdent aujourd’hui à ce type de logement, souvent qualifié de haut de gamme. Leur solution : partager le bien à plusieurs.
Ce concept, connu sous le nom de coliving, s’est d’abord développé dans des villes chères et dynamiques comme New York, Londres, Berlin ou Amsterdam. Il gagne aujourd’hui les centres urbains belges. Avec 45 maisons et 332 résidents, Coloc Housing est devenu le principal acteur du marché belge de l’habitat partagé.
Du coliving au shared living
Karel Versyp, CFO et cofondateur de Coloc Housing, nuance toutefois le vocabulaire : « Coliving est devenu un mot à la mode, mais ce que nous proposons s’apparente plutôt à du shared living, ou habitat partagé. Dans ce modèle, un groupe de personnes loue ensemble une unité de logement — maison familiale ou grand appartement — via un contrat commun. Le coliving, lui, repose sur des unités indépendantes (chambres ou studios), avec accès à des équipements collectifs. »
La majorité des logements de Coloc Housing accueille entre huit et quatorze résidents. Chaque chambre dispose de sa propre salle de bain, tandis que les autres espaces sont communs. Le coût moyen d’une chambre s’élève à environ 650 euros par mois. Charges comprises (électricité, internet, gaz, etc.), le montant atteint généralement 800 euros.
Lorsqu’un nouveau logement est proposé à la location, Coloc Housing sélectionne le premier locataire. Les suivants doivent se porter candidats auprès des occupants déjà présents. « Une bonne entente est indispensable lorsqu’on partage un logement à plusieurs », souligne Versyp.
De locataire à propriétaire
Coloc Housing a été fondée en 2019, à la suite de la recherche infructueuse de Christophe Vercarre, associé de Karel Versyp, pour un logement de qualité et abordable à Bruxelles. « Christophe venait de terminer ses études et disposait d’un budget restreint », explique Versyp. « Il a finalement pu louer une maison de maître avec quelques amis. Le propriétaire lui a ensuite proposé de reproduire le concept dans un autre bien. C’est ainsi que tout a commencé. »
L’entreprise a d’abord agi comme gestionnaire locatif, en développant rapidement son propre outil numérique pour automatiser les démarches : visites virtuelles en 3D, candidatures, génération de contrats, gestion des accès, etc.
C’est à l’occasion de son expansion à Gand que Christophe Vercarre rencontre Karel Versyp. « Avec mes parents, nous avions aussi rénové une maison de maître à Gand pour la proposer en colocation », poursuit ce dernier.
Aujourd’hui, Coloc Housing gère à la fois des biens qu’elle possède et d’autres appartenant à des tiers. Mais son ambition est de tendre vers un modèle entièrement propriétaire. « Dépendre de propriétaires extérieurs entraîne souvent des discussions sans fin sur des détails comme la couleur des rideaux ou le remplacement d’un appareil électroménager », explique Versyp. « Nous voulons avoir un réel impact en rénovant nos maisons pour atteindre un label énergétique A. Ce niveau d’investissement se heurte à la réticence de certains propriétaires, peu enclins à financer, par exemple, l’installation de panneaux solaires. »
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36,8 millions d’euros de levée de fonds
Dans cette optique, Coloc Housing a levé 36,8 millions d’euros en 2024 auprès d’investisseurs privés et de grandes fortunes. Parmi eux figurent des noms reconnus du secteur immobilier comme Camino (groupe à l’origine de Durbarik), Baltisse (de Filip Balcaen) ou encore Nicolas Bearelle, fondateur du promoteur Revive. Le comité d’investissement de Coloc Housing réunit également des figures majeures du secteur, telles qu’Alex De Witte (CEO de Baltisse Real Estate), Joost Callens (président de Camino) et Nicolas Bearelle.
Depuis la clôture de cette levée de fonds, Coloc Housing a déjà investi 25 millions d’euros dans l’acquisition de nouveaux biens. L’entreprise cible les maisons de maître avec jardin, situées dans les centres-villes. « Nous privilégions les bâtiments monumentaux avec de hauts plafonds », indique Versyp. « L’idée est de faire rêver. Plus nous pouvons restaurer les moulures, mieux c’est. »
Redonner vie à un patrimoine oublié
Les maisons ciblées sont souvent difficiles à vendre, précise Versyp : « Nous nous considérons un peu comme une entreprise de recyclage immobilier. La plupart des biens que nous achetons sont sur le marché depuis plus de six mois. Certains sont inoccupés depuis des années, l’un d’eux depuis 25 ans. Ce sont de superbes bâtiments, mais que faire aujourd’hui d’un tel volume ? Jadis, ils accueillaient une grande famille et du personnel. Leur taille et leur prix les rendent inaccessibles à de nombreux particuliers. Et leur transformation en appartements est souvent interdite ou peu réalisable. »
Coloc Housing s’est donc fixé une règle : ne pas empiéter sur le marché familial. « C’est pourquoi nous ne rénovons que des biens d’au moins 250 m² », affirme Versyp. « En dessous, il s’agit potentiellement de logements familiaux, et nous ne souhaitons pas les retirer du marché. »
Une offre qui séduit les expatriés
Près de la moitié des logements gérés par Coloc Housing se situent à Gand, où l’entreprise a récemment établi ses bureaux. Gand représente-t-elle le marché le plus porteur ? « Bruxelles reste le marché le plus mature », nuance Versyp. « C’est aussi là que la concurrence est la plus forte. La plateforme bruxelloise Cohabs s’est implantée à Londres, Milan et New York. Ce développement international nous a semblé complexe et coûteux. En Belgique, les opportunités sont déjà nombreuses. Nos villes regorgent de belles maisons de maître à revaloriser. J’ai moi-même vécu et étudié à Gand, ce qui aide à comprendre les spécificités locales. L’immobilier reste un métier de terrain. »
Gand attire également un grand nombre d’expatriés, une cible clé pour Coloc Housing. « Environ la moitié de nos résidents sont étrangers », précise Versyp. « Ils apprécient la possibilité de visiter les logements en ligne, la flexibilité administrative, l’ameublement, l’absence de démarches auprès des fournisseurs d’énergie… Gand bénéficie en plus d’une excellente image à l’international. Certains de nos locataires y vivent tout en travaillant à Bruxelles. Leur raisonnement : “Ghent is the nicer city to live in and it’s only 30 minutes to Brussels.” Leur perception des distances est différente de la nôtre. C’est pourquoi nous privilégions les maisons proches des gares. »
Enfin, le coût élevé de l’immobilier à Gand renforce l’attrait de la colocation. « C’est une alternative abordable et attrayante à la location individuelle », estime Versyp. Le revers de la médaille : les biens y sont plus chers à l’achat. « À Liège, des maisons comparables coûtent 30 à 40 % de moins », conclut-il. « Et la ville ne manque pourtant pas d’atouts : elle accueille une grande université, et Maastricht est à seulement quinze minutes. »