Calme plat en surface

Star des librairies, Olivier Norek est depuis peu membre de la Ligue de l’imaginaire, qui réunit déjà entre autres la Belge Barbara Abel et les Français Maxime Chattam, Frank Thilliez ou Bernard Werber. Ce collectif d’auteurs défend une littérature populaire allant du policier à la science-fiction – genres dénigrés par une certain intelligentsia -, face à une production francophone davantage nourrie d’autofiction et de récit chargé de réel. La particularité de Norek se niche pourtant dans sa recherche d’un hyperréalisme lié à son parcours professionnel : il a lui-même été policier en Seine-Saint-Denis, décor de son fameux Capitaine Coste, enquêteur et héros de trois de ses romans.
Plus elle restait, plus son arme pesait lourd entre ses mains. D’un instant à l’autre, elle serait submergée par une crise de panique.
C’est à Paris que démarre Surface, nouvelle publication de l’écrivain, sur une scène pleine d’adrénaline : le capitaine Noémie Chastain mène une interpellation à haut risque avec une équipe des stups dans un immeuble de banlieue. La tension est à son comble… Puis c’est le trou noir. Touchée en plein visage, la flic de choc ressort de cette opération défigurée. Lorsqu’arrive le moment de reprendre du service, ses supérieurs l’écartent de son poste et l’invitent à se reconstruire, malgré elle, dans un petit bourg de l’Aveyron. Chargée d’y évaluer la pertinence du maintien du commissariat local, elle va finalement plonger les mains dans un cambouis beaucoup plus en phase avec son ADN d’enquêtrice. Car à Viviez-Decazeville, si tout semble paisible en apparence, les secrets sont bien dissimulés, notamment sous les eaux d’un lac artificiel dont la création a nécessité l’évacuation de l’ancien village. Quand des corps d’enfants remontent à la surface, ce sont aussi les anciennes rancoeurs qui émergent.
Comme dans sa poche
» Quand on est flic dans une grande ville, on connaît rarement les personnes liées aux affaires qu’on traite, poursuit l’auteur. Tout est au scientifique, à l’analyse presque impersonnelle, explique l’auteur. A la campagne, par contre, où tout le monde se connaît, on se retrouve directement avec des choses très humaines. » Sous la plume d’Olivier Norek, cette différence se traduit notamment par le rythme : trépidant dans les premières pages de son ouvrage – celles consacrées à la ville – il marche ensuite à la vitesse des petits pas de la province. Placé comme » dans la poche » de Noémie Chastain, le lecteur y suit en effet la policière dans les familles, dans leurs maisons. » Dans la vie, on ne s’intéresse pas aux gens dans le quotidien, remarque l’écrivain. Mais qu’est-ce qui rend un serial killer terrifiant ? La violence de ses crimes ou bien le voir se lever le matin, préparer le petit-déjeuner de ses enfants et les conduire à l’école ? »
Pointe d’humour
On se gardera bien d’en dire plus sur cette intrigue qui rend compte aussi de la réalité des polices rurales et de leurs moyens réduits. Ici, le nombre d’analyses ADN est drastiquement limité, faute de budget. Le légiste prend son temps. Et la politique locale est affaire sensible tant elle touche à l’intime. Mais là où Olivier Norek fait la différence parmi la multitude des polars de l’été, c’est avec son habileté à susciter de l’affection pour son personnage principal, femme cassée dans sa chair comme dans sa tête. D’abord maladroite, la policière tombera peu à peu son masque de raideur et d’amertume pour une position plus empathique et compréhensive envers ses nouveaux voisins. Un polar où enquête et reconstruction personnelle suivent des chemins parallèles, au fil des entretiens entre l’héroïne et son psychiatre, praticien inhabituellement intrusif et dirigiste. De quoi même donner une pointe d’humour à ce roman efficace.
Olivier Norek, » Surface « , éditions Michel Lafon, 424 pages, 19,95 euros.
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